La demande d’Emmanuel Macron de vendre le carburant à prix coûtant a été suivie d’effets chez les grands groupes, mais risque de fragiliser les stations-services indépendantes.
« Pour les petites stations, le carburant représente de 50 à 60% de leurs marges brutes. » Photo d'illustration : Pixabay
La course à la mesure la plus populaire a démarré après l’appel du Président de la République à vendre le carburant à prix coûtant. Sur BFMTV-RMC, le président de Système U, Dominique Schelcher, a été le premier à annoncer plusieurs opérations de vente à prix coûtant, un week-end par mois. Derrière, les enseignes E.Leclerc ont surenchéri avec l’annonce, dès vendredi, de ces fameux tarifs avantageux pour les consommateurs, en proie à l’inflation. Suivi comme leur ombre par Carrefour, l’autre géant des supermarchés. Sur le principe, vendre à prix coûtant signifie que les distributeurs vont vendre leur carburant au même prix (ou presque) qu’ils l’ont acheté. Dominique Schelcher a assuré que cette mesure réduirait les marges de ses supermarchés, « à 2 centimes en moyenne par litre ».
Des marges plus réduites
Deux centimes par litre, c’est la marge des stations-services indépendantes... en temps normal. Par indépendant, on entend une station dont le gérant est mandaté pour vendre au prix qu’il choisit. À ne pas confondre avec les franchises, ces stations-services plus « classiques », où le gérant s’occupe seulement du fonds de commerce, les prix étant fixés par la direction générale de l’entreprise affichée (BP, Total, Eni, Esso…).
Alors cette nouvelle demande du gouvernement de faire un effort sur les prix a du mal à passer. Francis Pousse, président de la branche Station-service et énergies nouvelles du syndicat Mobilians, a fait la tournée des médias depuis une semaine pour partager l’inquiétude du secteur. Il pointe notamment « la pression mise sur les grandes surfaces pour qu’elles mettent en place le prix coûtant. »
La conséquence directe pour les stations-service indépendantes est qu’elles ne peuvent pas suivre cette concurrence à la baisse, leurs marges étant déjà très faibles. « On demande le maintien d’un fonds de compensation sinon on n’aura plus de stations à aider dans la transition énergétique, car elles auront fermé, réclame Pousse, qui ajoute que pour ces petites stations, le carburant représente de 50 à 60% de leurs marges brutes. »
Un problème de rapport de force
À l’inverse, on sait moins quelles sont les marges exacts des plus grands groupes, avec au sommet Total Energies. C’est ce que déplore l’économiste Thomas Porcher, membre du collectif Les économistes atterrés : « Total Energies a fait 20 milliards d’euros de profit l’an dernier, donc il a des marges de manœuvre, alors que pour les distributeurs, c’est très petit, a-il déclaré lui aussi dans C dans l’air vendredi 22 septembre. Mais en réalité, on ne sait pas réellement quelle est la marge. » Pour lui, ce casse-tête autour des prix du marché montre l’échec de l’État, qui « n’a pas su établir un rapport de force avec les distributeurs ou les pétroliers », a-il déploré au Média. En attendant, les stations-services indépendantes, situées majoritairement en zones rurales, doivent pratiquer des prix moins attractifs que les grandes surfaces. La clientèle, qui sont souvent des personnes âgées, voit alors fermer de plus en plus de ces stations qui représentent parfois l’un des seuls commerces de leur localité.
Jean Lebreton
Edité par Max Donzé et Julie Lescarmontier