Un major de gendarmerie est entendu devant le tribunal correctionnel de Strasbourg ce lundi 4 février. Il lui est reproché d’avoir consulté des sites pédopornographiques et d’avoir téléchargé un grand nombre d’images mettant en scène des fillettes dans des positions ambiguës. Pour le prévenu, ces photos étaient destinés à mieux comprendre les pédophiles.
«Les limites légales ont volé en éclats dans la tête de Monsieur», le procureur ne mâche pas ses mots. Face à lui, le prévenu, barbe grisonnante taillée avec soin, se tient droit, les mains croisées dans le dos.
Il lui est reproché d’avoir consulté à plusieurs reprises des sites pédopornographiques et d’avoir téléchargé 8 435 images qui ont été retrouvées sur son ordinateur personnel, son téléphone et différentes clefs USB. Beaucoup de ces fichiers ont été supprimés, ils ont pu être retrouvés grâce à une analyse poussée de ses supports quand, en 2017, il s’est fait épingler par la plateforme Pharos qui traque les actes illégaux en ligne. A l’époque, il était tout juste divorcé et se sentant seul, il consacrait six à sept heures par jours sur Internet.
L’homme, vêtu d’un jean et d’un manteau en cuir vert foncé, se défend et s’emmêle les pinceaux. «Depuis mon entrée à la gendarmerie dans les années 2000, je m’intéresse aux images, à toutes les images, bredouille-t-il. Je cherche à comprendre les pédophiles, comment ils passent à l’action. Je me suis aussi intéressé aux néo nazis et aux islamistes.» Sa voix est tremblante. «Ces recherches m’ont aidé à résoudre des affaires, elles ont fait de moi un meilleur gendarme», ose-t-il. Effaré le Président s’écrie: «Mais toutes les personnes qui enquêtent sur la pédopornographie n’ont pas 8 500 images de ce type sur leur ordinateur.»
Le gendarme est spécialisé dans le recueil de la parole des victimes mineures. En 30 ans de carrière, il a suivi plusieurs formations dans ce domaine. Il est aussi expert en nouvelles technologies, et en charge des atteintes aux victimes. Il a travaillé pendant plusieurs années au sein d’une brigade de recherche de la gendarmerie. Un poste qui l’a amené à enquêter à de multiples reprises sur des affaires portant sur des victimes mineures.
Poussé par la curiosité
Le procureur est stupéfait : « Comment vous pouvez regarder ça pendant des heures ? Quand on voit le site (pédopornographique) ça donne la nausée. Vous vous y êtes connecté douze fois !». Le prévenu marque un blanc. Il se défend en expliquant qu’il n’avait pas dépassé ses «limites», celles qu’il s’est fixées. «Je me suis promis de ne jamais télécharger, de ne jamais contacter les sites et de ne pas acheter d’images». Il aurait fait des milliers de captures d’écran. «Pour moi ces images ne sont pas différentes de photos d’autopsies, de paysages ou d’animaux.» Le représentant du Ministère public lève les yeux au ciel : «Mais que sont devenues ces recherches, avez-vous produits des écrits, des synthèses ?»
Il insiste, pour lui le gendarme s’est senti au dessus de la loi. Il n’a pas essayé de dissimuler ses agissements auprès de ses supérieurs. Il n’a pas pensé à faire une demande à l’autorité judiciaire. Car pour le gendarme ces recherches sur les pédophiles ne sont qu’une toute petite partie de ses activités en ligne. Il se défend même en plaidant un excès de zèle, une conscience professionnelle exagérée.
L’avocat ne craint pas de qualifier son client de «perfectionniste», qui ne fait pas de différence entre vie privée et vie professionnelle. Il termine sa plaidoirie en vantant les grandes qualités du prévenu encensé par ses supérieurs : «bon enquêteur», «un homme de confiance». Il rappelle également que l’analyse psychologique n’a pas révélé de pathologie, ni d’anomalie mentale.
Le major de gendarmerie retourne s’asseoir à côté de sa nouvelle compagne. Le jugement sera rendu le 4 mars. Le parquet requiert un an d’emprisonnement avec sursis.
Mado Oblin