Première cérémonie à l'ère du mouvement #MeToo, la 43e édition des César a été placée sous le signe des violences faites aux femmes par un collectif de professionnels du cinéma. Mais cette action symbolique masque mal les inégalités qui demeurent entre les hommes et les femmes dans le milieu.
« Un actrice qui passe des essais n'est pas obligée de se désaper. Simple. Les producteurs de ciné ne sont pas tous des porcs « hashtagués ». Basique ». Dans la bande annonce de la 43 édition des César qui aura lieu ce vendredi 2 mars sur Canal+, l'acteur Manu Payet met les pieds dans le plat.
Le maître de la cérémonie 2018 fait directement référence à l'actualité qui a secoué le cinéma cette année: l'affaire Weinstein, du nom du producteur américain accusé de viols et d'agressions sexuelles par plusieurs dizaines d'actrices. L'affaire a donné naissance au hashatg #metoo qui a déferlé sur les réseaux sociaux aux Etats-Unis et en France. De nombreuses femmes travaillant dans le cinéma en ont profité pour dénoncer le sexisme qui règne dans le milieu.
Première édition de l'ère post-Weinstein, cette 43e cérémonie des César devrait largement aborder la question des violences faites aux femmes. Une centaine d'actrices et de personnalités, comme Vanessa Paradis, Julie Gayet ou encore Sandrine Bonnaire, ont lancé le 27 février un appel aux dons en faveur d'associations accompagnant des victimes de violences sexistes ou sexuelles. Baptisée #MaintenantOnAgit, et initiée par la Fondation des femmes, cette campagne se manifestera à travers le ruban blanc que les participants à la cérémonie seront invités à porter sur leur tenue.
Des César très masculins
Au delà de cette action symbolique toutefois, cette cérémonie des César ressemble assez aux éditions précédentes en termes de représentation des femmes parmi les nommés. Dans la catégorie phare du meilleur film, aucune production réalisée par une femme. Dans celle du meilleur réalisateur, Julia Ducournau est l'unique réalisatrice en lice. Et ces résultats ne sont pas de l'ordre de l'exception : sur les 42 éditions précédentes, les femmes représentaient seulement 19 % des nommés. Un chiffre qui tombe à 10 % pour le César de la meilleure réalisation.
Ces cinq dernières années, la 42e édition a toutefois représenté une exception, avec 4 réalisatrices nommées dans la catégorie du meilleur film. En compétition pour le prestigieux César cette année-là : Divines de Houda Benyamina, Les Innocentes d'Anne Fontaine, Mal de pierres de Nicole Garcia, ou encore Victoria de Justine Triet. Mais c'est Paul Verhoeven qui rafflera la récompense avec son film Elle, porté à l'écran par Isabelle Huppert. Ces dix dernières années, aucune femme n'est parvenue à remporter un prix dans cette catégorie. Et dans celle de la meilleure réalisation, une seule réalisatrice a remporté la précieuse statuette dans l'histoire des César : il s'agissait de Tonie Marshall, en 2000. Il y a toutefois une catégorie mixte dans laquelle les femmes sont plus primées que les hommes : celle des costumes.
Autre cérémonie, même réalité du côté du festival de Cannes. En 71 ans d'existence, la Palme d'Or n'a été décernée qu'une seule fois à une femme : Jane Campion en 1993. Et c'était une demi-palme, partagée avec Chen Kaige. Mais au-delà des récompenses, c'est tout le monde du cinéma français qui reste inégalitaire. Dans un tribune publiée dans Le Monde le 1er mars, un collectif de professionnels du cinéma demande la création de quotas dans le financement du cinéma, dont les hommes sont les grands bénéficiaires, au détriment des réalisatrices.
Anne MELLIER