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En Allemagne, un scandale de violences sexuelles touche le monde du spectacle et les médias publiques.

En Allemagne, le débat suscité par le hashtag #metoo se déroulait surtout dans les médias et autour des tables rondes d’intellectuels. Jusqu’au 3 janvier, quand le ZEITmagazin publie le témoignage de trois anciennes comédiennes qui affirment avoir subi des violences sexuelles de la part du metteur en scène Dieter Wedel. C’est la première fois qu’un nom est rendu public dans le pays depuis le scandale Weinstein.

Les actrices s’étaient tues pendant plusieurs dizaines d’années. Jusqu’au moment où, le 22 novembre 2017, Dieter Wedel répond à une interview radiophonique sur le sujet #metoo. Les hommes, eux aussi, seraient exposés aux violences sexuelles, assure-t-il. On l’aurait pris pour un homosexuel, on l’aurait énormément mis sous pression.

Pour les ex-comédiennes, c’est trop. Se sentant méprisées, elles décident de témoigner publiquement. Jany Tempel, Patricia Thielemann et une femme qui préfère garder l’anonymat décrivent les sévices qu’elles ont subis de la part de Dieter Wedel. Outrage, tentations de viol, et viol.

Dieter Wedel, lui, nie tout. Dès la publication de l’article, son porte parole dénonce « une chasse aux sorcières ». Mais le ZEITmagazin assume et rapelle que les accusations sont appuyées par différents témoignages et que Dieter Wedel avait eu la possibilité de s’exprimer. Dans l’article, les journalistes font état de pression de sa part avant même la parution de l’article. Son avocat a menacé le ZEITmagazin de porter plainte et de demander des dédommagements d’un montant de plusieurs millions d’euros en cas de publication.

L’étau se resserre quand le 24 janvier, une autre actrice, Esther Gemsch, dévoile ce qu’elle aurait subi de la part du metteur en scène. Pendant un tournage en 1980, il l’aurait attaqué dans sa chambre d’hôtel. Il se serait assis sur elle, l’aurait attrapé par les cheveux et aurait tapé sa tête contre le lit et contre le mur. Blessée, l’actrice avait dû interrompre le tournage.

Ce dernier témoignage change la donne. Désormais se pose la question des complicités et du mutisme institutionnel – comme dans le cas Weinstein aux États-Unis. À l’époque, l’entreprise de production et la chaîne de télévision publique SR (Saarländischer Rundfunk), qui avait commandé le film de Dieter Wedel, étaient au courant. Le ZEITmagazin possède des copies de documents du médecin traitant et de l’avocat de la comédienne qui sortent des archives de SR. La remplaçante de Esther Gemsch, l’actrice Ute Christensen explique qu’elle avait réussi à se défendre contre les avances violentes de Dieter Wedel. Et qu'elle avait subi de telles humiliations pendant le tournage qu’elle a fait une fausse couche. Là aussi il existerait des preuves dans les archives de SR selon le ZEITmagazin.

Suite à cette nouvelle révélation, le directeur actuel de la chaîne SR, Thomas Kleist, a ouvert les archives et installé un groupe de travail qui devrait éclaircir les faits. Dans une interview avec le Deutschlandfunk, il déclare : « Nous devons prendre nos responsabilités et contribuer à ce que de telles choses ne puissent plus se reproduire dans le futur ».

Dans les années 80 et 90, Dieter Wedel était réputé pour la qualité de ses téléfilms. Mais, sur le plateau, il était connu pour ses accès colériques. Une jeune comédienne qui avait été embauchée au Festival de Bad Hersfeld en 2015 par Dieter Wedel en témoigne. Interrogée par Webex, elle préfère garder l’anonymat car elle craint les conséquences pour sa carrière. Les accusations ne la surprennent pas du tout. « Un type aussi brutal, il est capable de tout. Quand j’étais à Bad Hersfeld, il avait mis un comédien à la porte d’un jour à l’autre ! Une semaine avant la première ! »

Elle dénonce aussi le système de domination qui règne dans le monde du théâtre : « Si tu n’es pas directeur ou metteur en scène, tu n’as rien à dire. La peur de perdre ton boulot est inhérent au système et cela met les comédiens dans une dépendance totale, autant les femmes que les hommes. C'est un système malade ». Ce qui, selon elle, explique le long silence des victimes d’agressions sexuelles.

Les femmes qui ont témoigné auprès du ZEITmagazin affirment qu’elles se sont interrogées sur l’utilité de revenir sur cette affaire tant d’années après. La plupart des cas sont prescrits, à l’exemption du cas de Jany Tempel. Le ministère public de Munich a d’ailleurs ouvert une enquête. Mais au-delà de la dénonciation, leur but est de changer les comportements dans le monde du spectacle. Un premier succès : le Bundesverband Regie – l’association fédérale des metteurs en scène – a créé un service des réclamations pour les victimes de violences.

Clarissa Herrmann