Avec une rentrée littéraire très chargée, les librairies regorgent de nombreux ouvrages inédits. Le risque ? Que certains succès prévus d'avance occultent les "petites perles" de jeunes auteurs.
L'automne, saison des feuilles qui tombent et des livres qui poussent. En matière de rentrée littéraire, le cru 2017 s'annonce particulièrement fructueux : pas moins de 580 romans s'offrent dès ce mois de septembre aux lecteurs avides de découvertes. Difficile de s'y retrouver. Et cela vaut aussi pour les libraires, à qui il appartient de faire des choix stratégiques pour équilibrer leur stock entre meilleures ventes et premiers romans prometteurs.
Place de Zurich, à la librairie Page 50, "la plus petite de Strasbourg" avec ses 26 m², Anne (photo) connaît bien ce problème. Au moment de passer commande auprès des éditeurs, venus faire la promotion de leurs nouveaux ouvrages deux ou trois mois avant leur sortie, elle doit décider de ses achats. "Il y a les incontournables, et ceux qu'on repère, qu'on a envie de lire chez soi", explique-t-elle assise à son comptoir. Difficile tout de même de repérer les futurs succès. "C'est tout à fait aléatoire. Sur les 580, on va entendre parler de dix ou vingt, les autres restent dans l'ombre." Regrette-t-elle que le succès de ces quelques livres occulte celui de tant d'autres ? Elle prend les choses avec philosophie. "C'est aussi notre rôle de libraire de faire découvrir les petites perles." Et si les succès attirent les lecteurs dans les librairies, les conseils des professionnels les encouragent à y revenir.
Une rentrée florissante après un premier semestre morose
Sentiment similaire à la librairie Broglie, sur la Grande-île. Ici, l'espace est plus étendu mais les mêmes problématiques reviennent : des livres (trop ?) nombreux et des étagères non extensibles. "On n'a plus de place !" s'exclame Françoise en tentant de placer quelques romans supplémentaires sur le présentoir à l'entrée du magasin. Elle s'occupe aussi des arrivées de nouveaux ouvrages et encaisse les clients de la librairie, notamment les nombreux lycéens venus acheter leurs livres pour la rentrée - scolaire, celle-là. Cette semaine, la grande nouveauté, c'est le tome 5 de Millénium, série de polars scandinaves à succès. Un cas particulier dans le monde littéraire : son créateur, le suédois Stieg Larsson, est décédé quelques mois avant la sortie du premier des trois tomes qu'il avait écrits. Le tome 5, intitulé La fille qui rendait coup pour coup, le deuxième donc à ne pas être l'oeuvre de l'auteur original, sera ainsi scruté par les libraires après les critiques mitigées du précédent opus, qui n'avaient pas eu d'impact à l'époque sur l'écoulement des stocks. "Le quatrième s'est vendu autant que les autres, il y avait l'attente, un manque chez les lecteurs. Sur celui-là, on va peut-être ressentir les critiques."
Millénium et la ministre
En France, ce sont les éditions Actes Sud qui publient la saga Millénium depuis 2007. Fleurant le bon succès, la maison basée à Arles depuis sa création par Hubert Nyssen en 1978 a créé une nouvelle collection pour l'occasion, "Actes noirs", dont le succès ne s'est pas démenti depuis. Millénium est le plus grand succès d'Actes Sud et a grandement contribué à sa popularisation dans un monde dominé par des noms comme Hachette, Gallimard ou Flammarion. Aujourd'hui, la fille et associée d'Hubert Nyssen, Françoise Nyssen, est ministre de la Culture dans le gouvernement d'Édouard Philippe.