Le retour


Le retour

L'indispensable base arrière

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Partager sa vie avec celle d’un soldat, c’est savoir qu’il peut mourir sur le front. Les femmes de militaires, fières de ceux qu’elles considèrent souvent comme des héros, consentent à différents sacrifices.

« Même s’il ne revenait pas, je serais très fière de lui, parce que je sais qu’il donnerait sa vie pour son pays et pour sa mission », assure Émeline, 22 ans, en couple avec un militaire. Érigés par leur femme au rang de héros, les soldats sont, pour leur partenaire, une grande source d’admiration. « C’est plus une passion qu’un métier, explique Angèle*, pacsée depuis cinq ans avec son compagnon. Parfois, il n’en peut plus, il est fatigué, mais il est heureux. » Elle confie avoir hésité à s’engager elle aussi.

Plusieurs conjointes affirment que n’est pas militaire qui veut. Le bon soldat est celui qui a le sens du devoir, du courage, l’envie d’aider les autres et un certain goût pour l’adrénaline. Cette vision idéalisée est parfois partagée par l’entourage. « Il est perçu comme un dieu, s’amuse Aurore, 23 ans, dont le partenaire est légionnaire. Il est très bien vu par ma famille. » 

« On est obligé de faire un testament »

Être en couple avec un militaire, c’est aussi se tenir « prête à recevoir un appel qui vous annonce que votre mari est décédé », confie avec émotion Angèle. Un sujet qui doit être abordé au moins une fois, afin que la famille ne se retrouve pas démunie. « On est obligé de faire un testament, de souscrire à une assurance vie. On sait qu'il faut le faire. »

Quand ils sont sur le terrain, les soldats n’entrent pas toujours dans le détail des missions. Pour des raisons de sécurité, mais aussi par fierté ou pour ne pas inquiéter leur famille. « Bon, allez, on se rappelle », a lancé le compagnon d'Olivia* en raccrochant subitement. Elle n'a appris que bien plus tard qu'il y avait eu une alerte aux tirs de roquettes.

Dans de telles conditions, l’instinct de survie prime. Si les soldats peuvent perdre la vie, ils peuvent aussi l’ôter. « Ça fait partie de la guerre, il ne faut pas se voiler la face », rappelle Laetitia, 42 ans. Certaines compagnes sont plus mitigées. Olivia, 38 ans, ne s’estime pas légitime pour juger son époux, « étant justement bien au chaud sur [son] canapé en train de siroter [son] petit thé. »

Plutôt que d'évoquer ce type d’événements, les militaires préfèrent parler du quotidien. D’autant plus que les communications se font rares lors des opérations extérieures (opex). « Si c’est des coups de fil pour se rabaisser le moral, ça ne va pas du tout, on ne tient pas très longtemps », explique Aude, 38 ans, mariée depuis onze ans à un militaire.

« Tant qu’on n’est pas en danger de mort, tout va bien »

Olivia, mère de trois enfants, a déja été séparée de son conjoint pendant sept mois lorsque ce dernier est parti en Afghanistan. Photo DR
Olivia, mère de trois enfants, a déja été séparée de son conjoint pendant sept mois lorsque ce dernier est parti en Afghanistan. Photo DR

Les soldats ne sont pas les seuls à taire leurs moments de faiblesse. Laetitia se considère elle-même comme une véritable « base arrière ». Même constat du côté d’Angèle, qui doit actuellement gérer son déménagement, son travail et sa fille de quatre ans. Cette dernière se réveille cinq à six fois par nuit au cours de la première semaine qui suit le départ en opex. « Elle est venue plusieurs fois dans ma chambre, prétendant qu’elle avait soif. Son premier réflexe était de regarder par-dessus ma tête pour voir s’il était là, dans le lit. » Elle-même issue d’une famille de militaires, elle comprend à la fois les réactions de sa fille et les choix de son compagnon. « Mon conjoint compte sur moi, ma fille compte sur moi, donc je n’ai pas le droit d’avoir un moment de faiblesse, sinon c’est toute la maison qui s’écroule. »

Ce stress n’est pas toujours compris par les soldats au front, en décalage avec la réalité de la vie quotidienne. « Pour un militaire, nos problèmes peuvent paraître minimes. Tant qu’on n’est pas en danger de mort, tout va bien. C’est difficile à vivre, parce que souvent on va avoir besoin d’un peu de réconfort, mais on se fait envoyer balader », admet Clémence. Attirée par le monde de l’armée, elle affirme avoir « une bonne base » pour ne pas en vouloir à son conjoint.

De la vie de soldat à la vie de famille

L’instant des retrouvailles est très attendu après plusieurs mois de séparation. « C’est une chose qu’on idéalise vraiment », explique Aude, qui souhaite que tout soit parfait. Mais la réalité rattrape vite la mère de famille qui doit gérer l’excitation de ses quatre enfants le jour J. « Ce n’est pas l’émotion qu’on ressent quand son conjoint rentre tous les jours du travail », dit-elle avec humour. Lorsque Laetitia voit enfin son compagnon descendre du bus, elle s’autorise à craquer : « On ne peut pas dire que ce sont des larmes de joie, je pense que c’est tout le stress accumulé pendant des mois qui se relâche. » 

Après ces moments intenses, les femmes facilitent la transition entre la vie de soldat et la vie de famille. Clémence considère que le travail psychologique repose, en grande partie, sur les compagnes. Lorsque son partenaire fait des cauchemars, elle ne sait pas comment réagir : « Nous ne sommes pas psychologues, nous essayons de faire ça instinctivement. » Chacune a sa propre technique. « La plupart du temps, ça nous réveille, on a tendance à vouloir les surprotéger, confie Angèle. Mais finalement, il faut juste leur parler pendant qu’ils dorment et ils s’apaisent d’eux-mêmes. »

Solidarité entre femmes de militaires

Ces femmes, loin de se considérer comme des victimes, se sentent parfois peu soutenues. « J’ai quelques amis qui n’ont rien à avoir avec l’armée. Ce que je leur reproche un peu, c’est que lorsque j’ai un coup de blues, ils me disent que je l’ai choisi, témoigne Laetitia. Ma réponse, c’est qu’on ne choisit pas ses sentiments. »

Finissent-elles par rester entre elles pour éviter le jugement des autres ? Si la réponse peut varier, une solidarité certaine existe entre femmes de militaires.  « C’est parce qu’on se comprend vraiment, explique Olivia. Ça fait un bien fou de se dire qu’on n’est pas toute seule, que ce qu’on vit est normal. » Certaines n’ont plus l’impression d’appartenir au monde civil. Elles se sentent, elles aussi, au service du pays.

Christelle Pravixay, Thi Huong Dang

Le témoignage de Sophie*, en couple avec un soldat

« Ça a été difficile pour moi de faire accepter mon compagnon, parce qu’il n’était pas d’origine française. Et, du fait qu’il soit militaire, mon entourage le prenait pour un abruti, pour quelqu'un qui avait juste loupé sa vie scolaire et qui cherchait une preuve pour exister. Ça a été très dur de le faire accepter aussi par mes amis. Ils font partie d’un cercle universitaire et ils se sentent mal à l’aise avec mon compagnon qui n’a pas fait d'études supérieures mais qui n’est pas bête pour autant.

Et ma famille ne comprend pas pourquoi il n’a pas poursuivi ses études, elle ne comprend pas pourquoi il s’est engagé. Elle ne comprend pas pourquoi je ne suis pas avec un garçon de mon milieu. Mes parents sont des gens qui respectent les autres mais ils ont encore l’image de la France aux Français. Je devais leur ramener un garçon qui s’appelle Marc ou Louis et qui sort de la faculté de droit. Mais quelqu'un qui n'est pas d'origine française, qui est militaire et qui n’a pas le bac, ça ne passe pas. »

Propos recueillis par Jérémy Bruno

Le témoignage d'Angèle*, issue d'une famille de militaires et mère d'une fille de quatre ans

« Étant fille de militaires, je peux parler aussi de ce que va ressentir ma fille. C’est vrai qu’être enfant de militaire, c’est très dur, surtout quand vos deux parents le sont. Vous ne les voyez pas souvent. Ma mère avait un travail un peu particulier à l’armée, donc on déménageait tous les trois ans dans un pays différent. La première année vous rencontrez les personnes, vous apprivoisez l’environnement, la deuxième année vous commencez à vous lier d’amitié et la troisième année vous devez vous en séparer.

Après, j’ai la chance de dire que j’ai une culture, une ouverture d’esprit peut-être plus large que quelqu’un qui n’aurait pas le même vécu. Voir les pays que j’ai pu voir, la pauvreté, ce genre de choses. C’est vrai que c’est compliqué à vivre. Est-ce que je le ferais vivre à ma fille ? Je ne sais pas. Honnêtement, je ne sais pas. D’un autre côté, j’accepterais qu’elle puisse découvrir des gens du monde entier, des cultures et des religions différentes. Car ça pousse à accepter les gens à côté de nous et qu’ils soient différents.

Un jour ma fille m’a dit quelque chose de très intéressant. Quelqu’un à l’école lui a parlé des attentats. Elle m’a dit : "Tu sais, maman, on n’est que des enfants." J’ai répondu : "Oui, c’est vrai en fait." On demande à des enfants de militaires de mûrir plus rapidement que les autres. On leur demande d’avoir des réactions plus adultes. Au final, comme elle le dit très bien à l’âge de quatre ans, ils ne sont que des enfants. »

Propos recueillis par Christelle Pravixay

*Les prénoms ont été changés.

Opération famille

Charlotte Baechler, Romane Porcon

Retour de l'étranger

En opex, les militaires sont séparés de leur famille pendant quatre à six mois. Photo État-major des Armées
En opex, les militaires sont séparés de leur famille pendant quatre à six mois. Photo État-major des Armées

Après plusieurs mois d'absence, le soldat retrouve sa famille. Un retour au quotidien qui peut se révéler difficile pour le militaire.

« Dès qu’il arrive, elle lui saute dans les bras. Puis elle ne lui adresse plus la parole pendant deux ou trois jours, raconte Angèle*, compagne de militaire, à propos de leur fille de quatre ans. Elle a énormément de caractère, comme son père. » Impossible de la toucher, de l’embrasser ou de lui faire un câlin : « Sinon, elle lui dit : de toute façon, tu m’as abandonnée, pourquoi tu veux me parler ? »

Le soldat doit retrouver sa place dans le foyer familial, après plusieurs mois en opération extérieure (opex). Les enfants ne comprennent pas toujours la situation, surtout les plus petits. « Le père devient un peu un inconnu, témoigne Emmanuel Dosseur, lieutenant-colonel à la légion étrangère. En particulier quand l’enfant est né à son départ. Six mois plus tard, il retrouve une personne à la maison, il ne sait pas qui elle est. » Avec l'âge, l'acceptation est plus évidente. « Je ne suis pas parti en opération à la période la plus friable, entre zéro et cinq ans. C'était un gage de stabilité », assure le lieutenant Jérôme.

Expliquer ses mois d'absence est un exercice difficile, confirme Jean, lieutenant-colonel à la cavalerie. S’il en discute avec ses enfants, il ne raconte pas tout non plus. Mathieu, fantassin, préfère retracer son quotidien en opération. Il replace sa mission sur une carte, rapporte des photos des paysages. « J'aime bien leur montrer où j'ai habité, à quoi ressemblait mon lit, ma chambre, ma tente », explique-t-il.

 

« Je dois me forcer à être patient »

Emmanuel Dosseur, père de quatre enfants, est notamment parti au Kosovo, au Tchad et en Côte-d'Ivoire. Photo DR
Emmanuel Dosseur, père de quatre enfants, est notamment parti au Kosovo, au Tchad et en Côte-d'Ivoire. Photo DR

Après la longue séparation, il faut retrouver sa place dans le cercle familial. Le soldat reprend le rôle de parent jusqu'alors tenu à distance. Pour les deux conjoints, c’est aussi une vie de couple qu’il faut retrouver. « Il faut le faire le plus adroitement possible, assure Emmanuel Dosseur. Il faut être discret dans un premier temps. Si les décisions qui ont été prises [pendant notre absence] n’étaient pas les bonnes, il faut se dire que de toute façon, elles ont été prises. »

Lorsque Mathieu revient chez lui, il s'enquiert de chaque détail de la vie familiale. Il demande « ce que les enfants aiment bien, à quelle heure sont quelles activités, qui sont leurs amis, ce qu’ils mangent au petit déjeuner. Tout ce que j’ai un peu loupé. » Il essaie avant tout de se remettre en phase avec sa famille. « Ce sont des enfants, il ne faut pas que j’attende le rythme que j’ai eu pendant plusieurs mois. Je dois me forcer à être patient. »

Retrouver son quotidien n’est pas évident pour le soldat. Certains reviennent comme s’ils n’étaient jamais partis, d’autres ont besoin de quelques jours, voire quelques semaines. « Lors de ma première mission, il m’a fallu plus de temps pour me réhabituer, se remémore Francky, qui a connu le Mali et la Centrafrique. Après, avec l’habitude, c’est presque instantanément que tout revient à la normale. »

Des images qui reviennent

En opex, le militaire est sur le qui-vive. Il porte en permanence arme et munitions. Il se tient prêt à agir à tout instant. « Les opérations sont vécues très différemment selon la place qu’on occupe », explique le lieutenant-colonel Jean. Un officier a des hommes sous ses ordres, et donc des vies entre ses mains. Il peut perdre l’un d’entre eux à la moindre erreur. Mis en première ligne, le soldat, lui, peut se sentir menacé au moindre bruit. Une forte pression dont il est compliqué de se défaire lorsque l’on retrouve le monde ordinaire.

Après des moments difficiles sur le terrain, le militaire peut connaître des nuits agitées au retour. Des images dont il doit se détacher. « Ça arrive de temps en temps, ça passe comme un flash dans la tête, confirme Marc*, légionnaire. On ne peut jamais oublier. » Il découvre sur place des situations auxquelles il ne s’attendait pas. « Je pense en particulier à l’Afrique, se souvient Emmanuel Dosseur. Je pense aux enfants soldats, à toutes ces choses dont on est protégé en Europe. » Le soldat a laissé derrière lui la guerre et retombe dans un environnement ordinaire. Certains s’émerveillent de chaque détail de ce quotidien, d’autres se renferment sur eux-mêmes ou au contraire semblent tout oublier à la vue de leur famille. « Il y a des opérations qui laissent des traces durables », reconnaît le lieutenant-colonel Jean.

Le soldat revient-il changé ? « On n’est pas tout à fait le même homme, on est plus aguerri et plus mature au retour d’une mission », constate le lieutenant-colonel Jean. Le militaire doit faire face à tout ce qu'il a vécu. Le lieutenant Jérôme compte beaucoup sur le regard de son épouse. « Je lui demande de ne pas hésiter à me le dire, car parfois on ne s'en aperçoit pas soi-même. »

Le psy avant sa famille

L’institution militaire a pris conscience de cette difficulté à se réhabituer au retour en métropole. Avant de rentrer chez lui, le soldat doit généralement passer par un « sas de décompression ». Lors d’une escale de plusieurs jours dans un hôtel à Chypre ou Dakar, il rencontre des psychologues pour parler de ce qu’il a vécu, de ce qu’il a vu, de ce qu’il a ressenti. Au retour d'opex, le passage par le sas est le plus souvent obligatoire. Confrontés pendant plusieurs mois à une situation de crise, à un stress permanent, certains d’entre eux peuvent être victimes de blessures psychiques, que l'on essaie de repérer.

Le sas de décompression permet au militaire de prendre conscience que la guerre est terminée et qu’il peut rentrer chez lui. « Je pensais que ce n’était pas utile, se souvient Emmanuel Dosseur. Je me trompais lourdement. Passer d’une situation très tendue à celle d’une famille, c’est trop violent, trop rapide. »

*Le prénom a été changé.

Jérémy Bruno

Blessures psychiques, blessures invisibles

La psychologue Gaëlle Oberle répond aux appels des militaires et de leur famille. Photo Romane Porcon
La psychologue Gaëlle Oberle répond aux appels des militaires et de leur famille. Photo Romane Porcon

Capitaine Gaëlle Oberle. Psychologue pour le service écoute défense, numéro vert destiné aux militaires et aux proches. Son objectif est d’identifier l’objet de la demande et d’orienter vers un psychologue de proximité.

Qui appelle le plus ?

Ce sont les militaires, parce qu’ils se sentent entendus et reconnus des soignants, ce qu’ils n’ont pas forcément du côté de l’institution. De janvier 2014 à juin 2015 près de 37% des appels concernaient des militaires atteints de syndromes post-traumatiques (SPT). Un état psychologique qui s'explique souvent par les opérations qu’ils ont menées dans des théâtres de guerre.

Quels sont ces symptômes ?

La fatigue, l’irritabilité, les cauchemars, des réminiscences, le fait qu’ils ne se reconnaissent plus. On retrouve également un rythme cardiaque qui s'accélère, une pression sanguine et une tension musculaire plus importantes. Comme si leur sentiment de sécurité interne commençait à vaciller. Il y a d’autres symptômes liés à l’évitement, ce repli sur soi a des conséquences sur leur vie quotidienne avec un sentiment de culpabilité, de honte et de dévalorisation.

Comment répondez-vous à leur détresse ?

On essaye de temporiser, de verbaliser mais aussi de légitimer la souffrance. La blessure psychique est invisible, difficilement reconnaissable par l’autre. Les militaires ont besoin de savoir qu’elle existe pour la soigner le plus rapidement possible et pour éviter qu’elle n'empire.

Se sentent-ils incompris par l’institution ?

C’est vrai qu’ils se sentent en décalage. Chez les frères d’armes, il y a cette idée de cohésion, de fratrie mais quand un militaire a un SPT, il se retrouve seul. C’est difficile de trouver les mots pour en parler à des collègues qui n’ont pas connu ça. Le traumatisme psychique est la rencontre avec le réel de la mort et on n’a pas de représentation pour l’expliquer.

Parlent-ils du rapport à la mort ?

Ça arrive et c’est très particulier : on sent l’effroi, accompagné de silences. C’est plutôt douloureux de leur faire comprendre que c’est du passé : ils sont encore sur le champ, dans une répétition incessante. Certains ont déjà assisté à des massacres difficiles à avouer, alors dire qu’on a tué quelqu’un est un aveu qui reste terrible.

Comment expliquez-vous que certains intériorisent tout ?

Ils portent cet idéal du héros invincible, incarnent cette image du militaire : à nous de trouver quel est l’homme derrière cet uniforme. Ils sentent une tension dès qu’ils n’arrivent plus à tenir leur rôle. C’est un aveu de faiblesse que d’aller voir le psychologue car on est étiqueté “maladie mentale”.

Le militaire parle-t-il de ses difficultés à se réadapter ?

Oui clairement. Il y a un avant et un après. Ils ont perdu quelque chose là-bas et ne reviennent pas entiers. Ils passent d’un rythme de collectivité à celui du quotidien : il faut essayer de les réinjecter dans du tissu social.

Comment le militaire reprend-il son rôle de père?

En parlant de ce qu’il vit parce que ça reste tabou. Les enfants se créent des histoires, cette réalité de l’absence, donc il faut pouvoir y mettre des mots, afin de rendre ça moins douloureux. Il ne faut pas non plus tout dire, mais il faut s’autoriser à en parler, se dire “on a peur mais on fonctionne”. La peur, c’est fondamental, on l’apprivoise.

De quoi se plaignent les familles ?

D’incompréhension, de frustration et d’impuissance. Elles se plaignent d’un manque de patience, de débordement verbaux et aussi de violence physique de la part des militaires. S’il y a danger vital, comme on a eu avec des coups et blessures, là on intervient vite. Souvent l’épouse va refléter la détresse que porte le conjoint. Chacun se crée ses propres histoires et justifications. Ce qui est difficile, c’est quand le fossé est trop grand.

Y a-t-il un impact sur l’intimité ?

Oui, il y a beaucoup de troubles de la libido, notamment à cause des médicaments et pour une question de désir. Mais pour d’autres, ça peut exacerber la libido d’avoir été dans des situations de tension.

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Propos recueillis par Romane Porcon

Double solde pour les opex

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