LE PIRE EST DÉJÀ LÀ

Derrière les termes scientifiques et les chiffres, les enjeux et conséquences varient d’un pays à l’autre. Chaque catastrophe est particulière et peut avoir des répercussions sur plusieurs dizaines d’années, suivant la zone où elle se produit.

Les pays les plus pauvres sont souvent les plus touchés, en raison de leur forte densité urbaine et l’absence de programme de prévention efficace. Pourtant, il arrive aussi que les désastres écologiques soient causés par l’Homme lui-même.

1.SÉCHERESSE EN SOMALIE

Depuis 2016, les Somaliens souffrent de la sécheresse. On estime que 6,2 millions de personnes, soit plus de la moitié de la population, souffrent d'insécurité alimentaire, principalement dans les zones rurales reculées.

790 594 personnes déplacées entre novembre 2016 et juin 2017 à cause de la sécheresse

Deux années de sécheresse pour le nord et le centre de la Somalie

Taux de précipitation en 2016 et 2017 par région de la Somalie, comparés aux précipitations habituelles

Source : Somalia Water and Land Information Management (SWALIM)

Entre septembre et décembre 2016, les précipitations ont été inférieures de 54,6% à la moyenne. Dans l'ensemble, la Somalie a enregistré 16,62% de moins que les précipitations habituelles.

La sécheresse, conjuguée à la multiplication des conflits, a rapidement accéléré le rythme des mouvements internes en Somalie. Entre novembre 2016 et septembre 2017, 926 000 personnes ont été déplacées en raison de la sécheresse, et 171 000 autres à cause du conflit.

Le manque de pluie a entraîné un épuisement important des ressources en eau pour la consommation agricole, en particulier pour l'élevage, qui constitue l'épine dorsale de l'économie essentiellement rurale, représentant environ 65% du produit intérieur brut (PIB). Cette activité implique le surpâturage qui participe, avec la production de charbon de bois, à l'aggravation de la sécheresse et de la désertification.

2.OURAGAN AUX CARAÏBES

En octobre 2016, l’ouragan Matthew dravage l’Est des Caraïbes et le Sud-Est des États-Unis. C'est l’ouragan le plus violent de la saison : 2 millions de personnes sont déplacées. Aux États-Unis et à Cuba, certaines d’entre elles sont évacuées avant l’arrivée de l’ouragan, limitant ainsi les pertes humaines.

L'ouragan Matthew dévaste les Caraïbes

Intensité de l'ouragan selon les zones impactées (2016)

Source : Internal displacement monitoring centre (IDMC)

Formé entre la fin septembre et le début du mois d’octobre, Matthew survole dans un premier temps Saint-Vincent-et-les-Grenadines, Sainte-Lucie, la Barbade, Turques-et-Caïques. Il n’est alors qu’au stade de « tempête tropicale », et ne provoque que peu de déplacements : 288 personnes à Saint-Vincent-et-les-Grenadines, 130 à Sainte-Lucie, 90 à la Barbade et 50 à Turques-et-Caïques.

En revanche, lorsqu’il touche terre, c’est au plus fort de sa puissance (IV sur l’échelle de la NOAA), au cœur des Caraïbes, entre Haïti, Cuba et la Jamaïque.

Matthew frappe Cuba de plein fouet

Nombre de personnes affectées par pays impacté

Focus
Infogram

Source : Internal displacement monitoring centre (IDMC)

A Cuba, 1 million de personnes, en provenance des six états de l’Est, sont évacuées avant que l’ouragan ne touche terre. Cette mesure préventive permet de limiter le nombre de morts, mais dans les provinces les plus touchées du pays (Baraboa et Maisi), 94% des maisons sontdétruites. Au 31 octobre 2016, les autorités locales estiment que 70 000 personnes originaires de la zone sont dans l'incapacité de retourner dans leur foyer. Cependant, à la fin de l’année, 54% des maisons endommagées ont été réhabilitées.

Haïti a eu moins de chance : Matthew a frappé la zone la plus pauvre de l’île au moment où sa puissance atteignait son paroxysme. Au total, 550 personnes sont mortes et 175 000 autres ont été déplacées vers des centres d’hébergement ou chez des proches.

Au moment où Matthew touche les côtes des États-Unis, sa puissance diminue. Le nombre de morts a sans doute été limité par les évacuations préventives. Ainsi en Floride, Georgie, Caroline du Nord et du Sud, plus de 2,5 millions de personnes avaient reçu l’ordre de partir. Les autorités estiment que 35 à 50% d’entre elles ont respecté ces consignes. Au total, ce sont 875 000 personnes qui ont été déplacées à cause de l’ouragan. Lorsque le dernier centre d’hébergement a fermé, le 14 novembre, il restait 1400 personnes sans logement. Elles ont été redirigées vers des hôtels, aux frais du gouvernement.

Les zones les plus touchées par l’ouragan, tous pays confondus, sont des zones rurales avec des maisons traditionnelles en chaume et terre, incapables de résister à des vents forts. Six mois après le passage de Matthew, plusieurs centaines de milliers de personnes étaient encore logés dans des camps.

3.TYPHON EN ASIE

Le typhon Haiyan provoque des déplacements hyperlocaux

Part de la population affectée dans les régions touchées par le typhon (2013)

Source : ACAPS

Contrairement à d’autres, les Philippins n’ont pas quitté leur région après le passage du typhon. Ils ont probablement changé de ville, mais il n’existe pas de chiffres précis sur des déplacements aussi infimes. En revanche, le gouvernement philippin estime que seulement 3% des personnes déplacées se sont rendues dans des camps d’hébergement. La majorité a préféré rejoindre des proches.

Les régions d’Aklan et Capiz ont été les plus sévèrement touchées: avec respectivement 524 949 et 663 262 personnes concernées, c’est 98% et 92% des Philippins de la région qui ont dû fuir leur domicile, selon le rapport de l'ACAPS qui estime à 1 million le nombre de maisons détruites.

Quelques jours après le passage du typhon, les Philippines ont essuyé une tempête tropicale, aggravant un peu plus la situation. Dans la province de Guiuan, par exemple, quatre des cinq camps d’hébergement d’urgence, créés après le passage d’Haiyan, ont été détruits, forçant 1000 personnes à chercher un autre logement.

4.QUAND L'HOMME EN RAJOUTE

La disparition de la mer d'Aral fait partie des premières conséquences bien visibles de l'impact de l'Homme sur l'environnement, aggravée par le réchauffement climatique. Il s'agit d'un phénomène connu de longue date, mais qui ne suscite l'intérêt que depuis deux décennies.

La mer d'Aral était autrefois la quatrième plus grande masse d'eau continentale au monde, mais sa taille n'a cessé de se rétrécir au cours des 50 dernières années.

La disparition progressive de la mer d'Aral

Images satellites de la surface de la mer d'Aral entre 2000 et 2018

La mer d'Aral a été pratiquement détruite par le détournement de l'eau douce des rivières qui s'y jettent, Amu Darya et Syr Darya, à des fins d'irrigation. A cause de son déssèchement et de son rétrécissement, la mer d'Aral fait face à une concentration de sels, qui rend l'eau trop toxique pour les plantes et les animaux. Les terres environnantes souffrent également de la désertification.

L'Homme assèche la mer d'Aral

Évolution croisée de la salinité et du volume d'eau de la mer d'Aral entre 1957 et 2010

Source : National Chung Hsing University

Beaucoup de villes et villages ont, du fait de ce désatre, perdu une bonne partie de leur population: à la suite d'épidémies ou de départs, ou faute de travail, notamment suite à l'abandon de la pêche et industries connexes,ainsi que d'une partie des terres agricoles.


Dans les endroits les plus sensibles de la planète, le constat est le même: les désastres climatiques font croître les flux migratoires internes. Les régions, inhabitables, se vident de leur population, aux dépens d'autres zones, où la densité humaine est déjà forte. Si les anomalies de températures continuent de se creuser et les désastres à s'intensifier, la mer d'Aral ne sera plus qu'un exemple parmi d'autres. D'autres pays pourraient commencer à être touchés par des désastres climatiques, si l'on en croit les températures records de de février aux Etats-Unis (jusqu'à -49°C) et en Australie (jusqu'à +49,9°C).