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Un premier pas vers une révision des traités


05 mai 2022

Mario Draghi a appelé le Parlement européen à lancer une procédure de révision des traités européens, qui permettrait selon lui d'accélérer la prise de décisions de l’UE. Une position partagée par les citoyens participant à la Conférence sur l’avenir de l’Europe.

 

Le premier ministre Italien Mario Draghi s'est ouvertement positionné en faveur d'une révision des traités européens. © Alain Rolland, European Union 2022 - Source : EP

« Une Europe capable de décider rapidement serait une Europe plus crédible », a clamé le Premier ministre italien devant les eurodéputés ce mardi à Strasbourg. Mario Draghi souhaite ainsi instaurer le principe de vote à l’unanimité qui accélérerait fortement la prise de décisions de l’Union européenne. Cela implique le passage à la majorité qualifiée qui nécessiterait forcément une révision des traités européens. Une annonce choc puisque jamais, depuis l’échec du projet de constitution européenne en 2005, un chef d'État de l’un des pays membres ne s’était risqué à se positionner en faveur d’une telle révision.

Accélérer la prise de décisions

Lors de son discours, le transalpin n’a pas caché sa volonté de dessiner les contours d’une Europe élargie avec l’adhésion de l’Ukraine, et de nombreux pays des Balkans occidentaux. Mais le principe d’unanimité représenterait aujourd’hui un frein pour l’UE, chacun des 27 pays membres pouvant user de son droit de veto pour bloquer la procédure d’élargissement. Autre exemple significatif : le sixième train de sanctions à l’encontre de la Russie, ralenti en raison de la frilosité de la Slovaquie et de la Hongrie de Viktor Orbán.

Le Parlement et Mario Draghi, qui poussent ensemble pour une révision des traités, vont dans le sens de Guy Verhofstadt, eurodéputé belge (Renew, libéraux) et coprésident de la conférence sur l’avenir de l’Europe, vaste consultation citoyenne : « La seule manière de respecter ces conclusions est de démarrer une révision des traités ». Mario Draghi n’a d’ailleurs pas manqué de rappeler que parmi les 325 propositions formulées par près de 800 citoyens figurait la suppression du droit de veto.

Une conférence instrumentalisée ?

Mais plusieurs groupes parlementaires ont exprimé leur réticence, estimant que la conférence sur l’avenir de l’Europe n’est qu’une instrumentalisation politique contrôlée par les partisans d’une révision des traités.  « De quelle représentativité parle-t-on ? Vous auriez dû inviter un clown, ça aurait été la même chose ! », lance Angel Dzhambazki (ECR, ultraconservateurs) aux élus de gauche, dénonçant une assemblée de citoyens qui n’incarnerait pas le peuple européen avec légitimité. Par la voix de son député Michiel Hoogeveen, le parti des conservateurs et réformistes critiquait quant à lui une conférence contrôlée par les « fédéralistes ». Une expérience qualifiée, enfin, de « pièce de théâtre Macronienne et Verhofstadtienne » par Gerolf Annemans (ID, extrême-droite). Ambiance. 

De son côté, Eric Maurice, membre de la fondation Robert Schuman, estime que la mise en œuvre des propositions citoyennes n’est pas forcément conditionnée par la révision des traités européens : « Beaucoup de points concernant la transition climatique et énergétique peuvent être réalisés sous les traités actuels ». Eric Maurice ne cache pas ses craintes de voir une grande partie de ces propositions oubliée avec le temps que prendrait une telle révision. 

Une procédure longue et incertaine

 

Ce qui est sûr, c’est que cette modification des traités, par sa durée et sa complexité, met en péril la mise en œuvre de nombreuses propositions citoyennes, qui ne nécessitent pas forcément un tel changement. 

Le Traité de Lisbonne prévoit qu’une convention, composée des représentants des parlements nationaux, des gouvernements des Etats membres, du parlement européen et de la commission européenne, soit chargée d'examiner les projets de révision. Elle adopte par consensus une recommandation et laisse place ensuite à une conférence intergouvernementale, dont le rôle est de statuer sur l’ouverture d’une révision de la Constitution. Enfin, chaque État membre procède à un vote national, parlementaire ou référendaire. 

Emmanuel Macron, en visite au Parlement le 9 mai prochain à l’occasion de la fête de l’Europe, et de la clôture officielle de la conférence citoyenne, aura l’occasion de s’exprimer sur le sujet. À n’en pas douter, son discours devrait être cohérent avec les positions du premier ministre italien.

Corentin Chabot-Agnesina et Luca Salvatore

 

Conférence sur l’avenir de l’Europe : l’heure du bilan

« C’est l’aventure d’une vie. Je suis convaincue que les choses peuvent changer ». Camille Girard, lycéenne française et plus jeune participante à la plénière de clôture de la Conférence, exprime ses espoirs de voir le travail fourni lors de la Conférence sur l’avenir de l’Europe aboutir à des mesures concrètes. L’initiative lancée il y a un an sous l’impulsion d’Emmanuel Macron vise à donner plus de place aux citoyens dans la prise de décisions politiques dans des thèmes comme la santé, le changement climatique et l'environnement. C’est aussi le cas pour la place de l’UE dans le monde, avec le souhait d’une armée commune pour les États de l’Union. Censée tracer le sillon d’un nouvel avenir pour l’UE, la conférence a rencontré un engouement sans précédent chez les participants. 

Tous espèrent désormais du concret comme Michaylakis Asimakis, citoyen chypriote et lui aussi participant à la conférence. Cet européen convaincu reste pragmatique. « J’ai quelques doutes évidemment. En politique, entre les mots et les actes, il se passe souvent beaucoup de temps ».

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