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L'intelligence artificielle, une nouvelle ambition pour l'Europe


05 mai 2022

Le Parlement européen a adopté ce mardi 3 mai une feuille de route sur l’intelligence artificielle. Elle servira de base pour les législations à venir. Toutefois des interrogations persistent sur la protection des droits humains.

« L’intelligence artificielle doit être développée dans le respect des droits fondamentaux », a déclaré Axel Voss, eurodéputé allemand du Parti populaire européen (EPP, droite) et auteur du rapport d’initiative sur l’intelligence artificielle (IA). Avec ce texte, les eurodéputés souhaitent développer l’IA et rattraper le retard de l’Union européenne sur les États-Unis et la Chine en matière d’innovation et d’investissement. Ils fournissent des recommandations pour légiférer sur le sujet à l’horizon 2030. Une nécessité pour éviter « qu’un scénario à la chinoise se produise sur le sol européen » prévient Axel Voss. Il estime que l’IA y est développée de « façon contraire aux droits humains », notamment dans l’usage de la reconnaissance faciale pour lutter contre le Covid-19. Dans ce cadre, les résultats de la commission spéciale sur l’intelligence artificielle à l’ère du numérique (AIDA) visent l’économie, la santé, la géopolitique et la défense.

Une UE plus compétitive

Les parlementaires ont l’ambition d’inciter 75% des entreprises européennes à utiliser l’IA d’ici 2030. La lutte contre le Covid-19 ayant accentué le déploiement de cette technologie, les députés mettent l’accent sur la santé. Ils proposent d’intégrer l’IA dans les données médicales, d’offrir une formation dédiée aux professionnels, d’accélérer la recherche scientifique et faciliter l’accès aux soins. Ce qui devrait permettre à l’UE de rester compétitive au niveau mondial. Un point sur lequel BusinessEurope, le lobby qui représente le patronat européen, insiste.

Il y a nécessité, selon eux, de légiférer sur l’IA sans trop de contraintes sur les entreprises sous peine de décourager les investissements. Des préoccupations qui semblent avoir été entendues par la commission AIDA pour permettre, entre autres, aux PME de réussir dans le numérique. Mais ces ambitions dans l’intelligence artificielle posent des problèmes éthiques et moraux. Des ONG et groupes politiques s’inquiètent du respect de la vie privée et de la protection des données face au déploiement de l’IA.

Des risques éthiques

L’IA peut aider l’humanité, mais « dans les mains d’entreprises, ce bénéfice est limité et des dangers perdurent dans la 

Mardi 3 mai 2022, le rapport sur l'intelligence artificielle a été adopté à une large majorité : 495 voix pour, 34 voix contre et 102 absentions. © Anthony Jilli

protection de la vie privée », précise Clare Daly, députée irlandaise d'extrême gauche (The Left, extrême-gauche). Une position partagée par Noémie Levain, juriste à la Quadrature du net, une association qui promeut et défend les libertés fondamentales dans l’environnement numérique : « Malgré ce qui est avancé, le rapport place l’IA comme un enjeu économique et industriel mais oublie que la reconnaissance faciale et la biométrie peuvent être liberticides et contraires aux droits fondamentaux. »

Noémie Levain considère que cette technologie est « une nouvelle étape dans la surveillance des citoyens », domaine pour lequel elle estime que ce texte va à l’encontre du règlement général sur la protection des données (RGPD). Une législation instaurée en 2016 qui protège les Européens des dangers du numérique.

Certaines de ces préoccupations sont prises en compte. Une amélioration de la loi sur la protection des données de 2014 est suggérée. Des campagnes de sensibilisation sont aussi recommandées pour informer les citoyens des risques liés à l’IA. Mais ces mesures n’ont pas suffi à convaincre l'extrême gauche, qui a voté contre le texte. Pour l’heure, cette feuille de route, résultat de 18 mois de travail, aspire à servir de base aux futures législations sur l’intelligence artificielle dans l’UE.

Anthony Jilli et Joffray Vasseur

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