Mère de famille et étudiante en médecine, Zarina a le regard calme et sûr, presque indifférent, avant qu’un sourire n’éclaire son visage. Un foulard bleu recouvert d’une vague de tissu rose y dessine un ovale idéal. Tout en parlant, ses yeux continuent de naviguer, pour ne pas perdre de vue la casquette de son bébé, qui s'amuse à la laisse tomber. A 22 ans, cette Ouïghoure kazakhstanaise se dit à l’aise dans son rôle d’épouse et de mère musulmane. Son expérience d'aînée d'une famille nombreuse l’a aidée. « J’étais contente d’apprendre que j’étais enceinte. J’avais juste un peu peur pour mes études ».
Zarina poursuit les cours à la faculté de médecine de l’Université Asphéndiarov à Almaty. Son emploi du temps est certes devenu compliqué : cours le matin, puis retour à la maison pour préparer le dîner et s’occuper de l’enfant. Elle doit parfois surmonter les remarques de certains professeurs, qui jugent les études de médecine incompatibles avec les responsabilités d’une jeune mère de famille. Pourtant, elle a validé sa quatrième année et en juin, elle fera un stage à l'hôpital de Kalkaman.
La casquette est à nouveau au sol. Zarina s’incline pour la ramasser. « Pour les études, on s’est arrangés avant le mariage. J’ai dit que travailler n’était pas essentiel pour moi. En revanche, terminer mes études était important. » Son mari, Choukhrat, trois ans de plus qu’elle, ne s’y est pas opposé.
Il y a un peu plus de deux ans, ce jeune vendeur d’ordinateurs a décidé de se marier. Choukhrat cherchait une fille pieuse, « qui ne va pas glander toute la journée ». Un de ses amis a fait l'entremetteur auprès du père de Zarina. Au premier rendez-vous, elle est venue avec ses copines. Tout est ensuite allé très vite : un mois d’échanges par textos, deux ou trois rencontres. Puis Choukhrat l’a demandée en mariage. Elle a accepté.
Famille d'abord
« C’est surtout chez les musulmanes que des mariages sont arrangés, celles qui portent le voile. » Avant sa rencontre avec Choukhrat, elle n’imaginait pas se marier si jeune. Elle pensait à finir ses études. Ni surprise, ni choquée par les questions, elle affirme : « Je peux dire que j’aime mon mari. Sinon, j’aurais essayé de traîner. J’aurais attendu que le cœur réagisse. Je n’avais quand même pas 30 ans. »
Sans afficher beaucoup d’émotions, elle dit se sentir heureuse et, peut-être, plus chanceuse que les autres filles musulmanes mariées, à qui on interdit parfois de poursuivre leurs études. Elle ne vit pas dans « la tyrannie » et apprécie les parents de son mari, avec qui elle vit, et qui, contrairement au jeune couple, ne sont pas pratiquants. « Je ne suis pas une fille fermée, ajoute-t-elle. Mis à part les boîtes de nuit, je vais partout. »
Zarina veut se spécialiser en dermatologie, pour devenir plus tard cosmétologue. Ce métier lui assurerait un emploi du temps flexible et moins de responsabilité médicale. Mais l’autre envie, celle d’avoir jusqu’à cinq enfants, pourrait, d’après elle, l’amener à sacrifier son métier. Le voile rose embrasse l’air. Zarina retourne à la maison.
Danara Ismetova