Les tensions se cristallisent à l’Assemblée nationale, notamment depuis la nomination de la dernière législature. Retour en images sur les sanctions les plus marquantes de l’histoire parlementaire.
Depuis 2017, plus de sanctions ont été prononcées que durant toute la Ve République. © CC BY-SA / Richard Ying et Tangui Morlier
L’Assemblée nationale est-elle en passe de se « zadifier » comme le soutient Yaël Braun-Pivet, la présidente de l'Assemblée nationale ? Dans une tribune publiée mardi 14 février dans Le Figaro, elle a appelé à la bonne tenue des débats dans l’hémicycle. Pour cause, la reprise de l’examen de la réforme des retraites a suscité plusieurs altercations à l’Assemblée.
Déjà deux exclusions temporaires de députés en trois mois, et un député de La France Insoumise (LFI) sanctionné encore ce lundi 13 février pour des propos dans l’hémicycle. Une violence qui ne cesse de s’accentuer au fil des législatures. Au total, il y a eu autant de sanctions depuis l’arrivée d’Emmanuel Macron au pouvoir en 2017 (25) que durant toute la Ve République de 1958 à nos jours (23).
Encore du remous sur les retraites
Les députés sont soumis à la « loi intérieure », c’est-à-dire le Règlement de l’Assemblée nationale. S’ils ne le respectent pas, les élus encourent des sanctions pouvant aller du simple rappel à l’ordre à la censure avec exclusion temporaire, la plus sévère dans l’échelle disciplinaire.
La plus récente remonte au lundi 13 février. Lors de la reprise de l’examen de l’épineux projet de réforme des retraites, le député des Hauts-de-Seine Aurélien Saintoul (LFI) a accusé le ministre du Travail, Olivier Dussopt (Renaissance), d’être un « imposteur » et un « assassin » au sujet du nombre de morts au travail. Conséquence ? La suspension de la séance et surtout l’indignation de tous les autres partis politiques face à de tels propos. Si l'élu a fini par présenter ses excuses, il a été sanctionné d'un « rappel à l'ordre avec inscription au procès-verbal », c’est-à-dire la privation pendant un mois d'un quart de son indemnité parlementaire.
En réaction à la multiplication de ses sanctions, une réflexion plus générale sur le règlement punitif du Palais-Bourbon se pose. « On pourrait très bien réfléchir à l'échelle des sanctions », a déclaré la présidente de l'Assemblée nationale, Yaël Braun-Pivet. Si le record d’exclusions temporaires est atteint sous cette législature, retour sur les escarmouches et les comportements sanctionnés les plus marquants de ces dernières années.
Vendredi dernier, c’est Thomas Portes (LFI) qui a été sanctionné. Le député de Seine-Saint-Denis est exclu pour quinze jours de l’Assemblée nationale après un tweet où il s’était mis en scène, écharpe tricolore en bandoulière et le pied sur un ballon à l’effigie du ministre du Travail, Olivier Dussopt. « C'est consternant et c'est surtout consternant pour l'auteur », a réagi le ministre au micro de Franceinfo.
Cette sanction d’exclusion de quinze jours de séance a été également prononcée contre le député du parti du Rassemblement National Grégoire de Fournas. En novembre dernier, l’élu a rapporté des propos jugés racistes lors d’une séance de questions au gouvernement sur le drame de l’immigration clandestine. « Qu’il(s) retourne(nt) en Afrique ! », avait-il lancé au député noir du Val d’Oise Carlos Martens Bilongo (LFI). En plus de son exclusion des bancs du Palais-Bourbon, il avait été privé de la moitié de son indemnité parlementaire pendant deux mois.
En l’espace d’une journée, la présidente de l’Assemblée Yaël Braun-Pivet a rappelé à l’ordre trois députés lors de l’examen du budget. Le député de Moselle Alexandre Loubet (RN) a reçu un rappel à l’ordre avec inscription au procès-verbal après avoir traité de « lâche » le ministre de l’Économie Bruno Le Maire. Les deux autres rappels à l’ordre – simples – ont concerné quant à eux le député du Var Frédéric Boccaletti (RN), qui a traité de « communautariste » le ministre de l’Éducation nationale Pap Ndiaye, et la députée Astrid Panosyan-Bouvet (Renaissance), qui a qualifié le Rassemblement National de parti « à l’ADN xénophobe ».
Lors d’une séance dédiée sur la lutte contre les violences faites aux femmes à l’Assemblée, la présidente Yaël Braun-Pivet prononce un rappel à l’ordre avec inscription au procès-verbal à l’encontre de la députée Danièle Obono (LFI).
À l’origine, un propos de la présidente du groupe Renaissance, Aurore Bergé, déclenche de vives réactions de la part de la gauche. « Depuis plusieurs semaines, on loue la vertu de celui qui reconnaît des faits de violences conjugales, on entend ceux qui parlent de leur affection pour un homme qui frappe sa femme », déclare l’élue de la majorité. Cette allusion au député insoumis Adrien Quatennens, qui avait reconnu avoir giflé sa femme et faisant l'objet d'une plainte déposée par celle-ci, interpelle des députés de la Nupes.
Dans la même lignée qu’Aurore Bergé, la Première ministre Elisabeth Borne poursuit : « Nous avons agi aussi avec force contre toutes les formes de violences sexistes et sexuelles ». Danièle Obono, s’en prend alors à la première ministre en scandant à trois reprises « Il faut 1 milliard d’euros », ce qui lui vaut un premier rappel à l’ordre de la présidente de l’Assemblée. Mais la députée de la 17e circonscription de Paris continue de marteler son mécontentement : « Je n’invective pas, je m’exprime ! ».
« Vous persistez, Madame Obono ? C’est un rappel au règlement, avec inscription au compte-rendu », tranche Yaël Braun-Pivet. Selon l’article 73 du règlement de l’Assemblée nationale, le rappel à l’ordre avec inscription au procès-verbal signifie « la privation, pendant un mois, du quart de l’indemnité parlementaire allouée au député ».
En juillet dernier, le député Rémy Rebeyrotte (Renaissance) avait fait un salut nazi en pleine séance à l’Assemblée nationale à destination d’un député d’extrême droite, qu’il accusait d’avoir fait ce geste. L’élu de Saône-et-Loire a été sanctionné par un simple rappel à l’ordre, premier niveau de sanction prévu par le règlement intérieur du Palais-Bourbon.
En mars 2011, Maxime Gremetz, l'élu de la Somme, apparenté au PCF avait fait irruption auprès des députés dans la salle d’audition consacrée à la crise nucléaire de Fukushima au Japon. Il était venu se plaindre que plusieurs véhicules en stationnement de ministres et des dirigeants de la filière nucléaire bloquaient sa voiture : « Les ministres, vous faites dégager vos voitures, s'il vous plaît ! ». Cela lui aura valu une exclusion temporaire de l’Assemblée nationale et privé de la moitié de son indemnité parlementaire pendant deux mois. Une première depuis le début de la Ve République.
Charlotte Thiede
Édité par Quentin Celet