Le mouvement de grève chez Lidl France débute ce vendredi 7 février et s’annonce massif. En Alsace et en Moselle, il sera pourtant toujours possible d'y faire ses courses. Un cas particulier propre au droit local.
Le premier magasin Lidl ouvert en France, en 1989, est celui de Sarguemines (Moselle). Photo Shutterstock / Longfin Media
Une "grève illimitée" s’ouvre ce vendredi 7 février chez Lidl France. Cette mobilisation fait suite à l’échec des négociations de mercredi, lors de la réunion annuelle obligatoire (NAO) avec le groupe. Les organisations syndicales demandaient, entre autres, une "revalorisation de leur salaire" et une "amélioration des conditions de travail". La réponse est loin d’avoir convaincu. Et pour cause, ce qui a été proposé irait même plutôt dans le sens d’une dégradation des conditions de travail, selon les syndicats, avec notamment la menace d’une généralisation du travail dominical. À l’heure actuelle, seule une partie du parc – 767 magasins sur 1580 - le pratique déjà.
Cinq organisations syndicales - la CGT, la CFDT, la CFTC, FO-FGTA et SNCDD – appellent donc les 46 000 salariés de l’enseigne à faire grève, pour une durée indéterminée. "Les structures en supermarché ont été sacrifiées sur l’autel de la performance", écrivent d’une même plume les syndicats dans leur communiqué. De son côté, l’Union nationale des syndicats autonomes (Unsa), 1e syndicat majoritaire chez Lidl France, ne s’est pas rallié au mouvement et a indiqué privilégier "le dialogue" à la grève pour ne pas léser "le pouvoir d’achat des salariés" ni "mettre l’entreprise par terre".
Le syndicat majoritaire opposé à la grève
Parmi les presque 1600 magasins en France, ceux d’Alsace et de Moselle ne fermeront pas leurs portes ce vendredi 7 février. Une position qui s’explique en partie par la position de l’Unsa Lidl, implantée à Strasbourg et majoritaire à 83% dans le département. "Pour nous, c’est contre-productif, voire irresponsable, de mener les salariés dans un conflit social", critique le secrétaire général du syndicat, Sylla Mohamed. "On a fait un communiqué qui n’appelle pas à la grève. Ce n’est pas le moment, on est encore en discussion et toutes les portes ne sont pas fermées." L’Unsa espère qu’à l’issue de la quatrième rencontre, le 12 mars, un "accord intelligent" sera trouvé sur le travail dominical. À la fois pour les salariés voulant travailler le dimanche, notamment les étudiants, et ceux qui ne peuvent ou ne veulent pas.
Pour ce qui est des revendications salariales, l’Unsa s’en remet à l’avis de ses adhérents. "S’ils sont satisfaits de la revalorisation à 1,2 %, on signera l’accord", annonce Sylla Mohamed. De son côté, la déléguée syndicale centrale de FO, Sabine Pruvost, accuse le syndicat majoritaire de "saboter [leur] mouvement" et d’appeler "tous leurs petits soldats" à ne pas soutenir la grève.
Bien que les magasins restent ouverts à Strasbourg et dans les villes alentours, les employés du Lidl d’Obernai et de celui de Barr organisent un piquet de grève ce vendredi, en soutien à leurs collègues. Dans ces deux communes du Bas-Rhin, les salariés grévistes se relaieront pour maintenir l’activité du supermarché tout en manifestant leur solidarité avec les revendications nationales.
Une conséquence du droit local
En Alsace et en Moselle, les salariés ne sont effectivement pas touchés par l’ouverture généralisée le dimanche. Dans ces territoires, c’est le droit local qui s’applique. Historiquement, le droit spécifique à ces localités est né avec le rattachement de l’Alsace et des territoires lorrains à l’Allemagne en 1871. Les autorités allemandes avaient maintenu l’essentiel de la législation française qui y était en vigueur et fait appliquer les lois allemandes. Quatre-vingts ans après, ces textes de loi, allemands comme français, sont toujours en vigueur et limités à l’Alsace-Moselle.
Pour ce qui est de l’ouverture d’un commerce le dimanche, ce droit particulier ne le permet pas. Dès 1956, des arrêtés préfectoraux ont abouti à une interdiction d’ouverture et d’emploi de salariés pour ce dernier jour de la semaine. Depuis 2008, ces dispositions sont intégrées dans le Code du travail en tant que dispositions particulières à ces territoires. L’article L 3134-2 stipule que "l’emploi de salariés dans les entreprises industrielles, commerciales ou artisanales est interdit les dimanches et jours fériés" concernant les départements "de la Moselle, du Bas-Rhin et du Haut-Rhin".
Pour autant, des exceptions demeurent et des dérogations peuvent être demandées par certains commerces. En 2015, le syndicat Force ouvrière s’était déjà soulevé face à un arrêté ayant pour objectif de doubler les catégories d’activités pouvant bénéficier de ce type de passe-droit et ainsi ouvrir le dimanche. Après trois ans de procédure, la Cour d’appel administrative de Nancy a en partie donné raison au syndicat en retirant les commerces de gare de la liste dérogatoire.
Liza Hervy-Marquer
édité par Louise Pointin