Serge Dassault est ressorti libre de sa garde à vue, jeudi soir. L'industriel français, accusé de corruption, sera toutefois convoqué par un juge d'instruction ultérieurement. Le milliardaire est soupçonné d'avoir acheté des électeurs lorsqu'il était maire de Corbeil-Essonnes, entre 1995 et 2008.
Le sénateur (UMP) Dassault, 88 ans, nie les accusations selon lesquelles il aurait utilisé sa fortune pour assurer son élection dans cette ville de la banlieue parisienne. Le système de corruption aurait été mis en place, selon les juges, au profit de Serge Dassault et de Jean-Pierre Bechter, son successeur à la mairie de Corbeil à partir de 2008.
Achat de voix présumé
Les juges d'instruction Guillaume Daïeff et Serge Tournaire enquêtent depuis mars 2013 sur un possible système d'achat de voix, lors des élections municipales de 2008, 2009 et 2010 (les deux premières avaient été invalidées).
Les juges se penchent notamment sur des mouvements de fonds entre la France et le Liban, plus particulièrement un transfert d'environ 18 millions d'euros sur le compte d'une société, Iskandia. Environ trois millions seraient revenus en France. Les juges soupçonnent que cet argent aurait pu servir à l'achat frauduleux de voix. Serge Dassault continue de nier tout achat de voix, reconnaissant simplement des dons d'argent.
Mouvements de fonds suspects
L'enquête s'est accélérée ces dernières semaines, avec les premières mises en examen prononcées le 17 janvier contre trois personnes-clés du système, dont Jean-Pierre Bechter, maire depuis 2010, qui sera candidat à sa propre succession pour les élections prévues en mars.
Deux intermédiaires ont également été incarcérés. Il s'agit de Younès Bounouara, le « relais » de Dassault, dans les cités de Corbeil. Celui-ci est détenu pour avoir commis une tentative d'assassinat présumée dans cette commune le 19 février 2013. Le second intermédiaire est Mamadou Kebe, mis en examen pour tentatives d'extorsion de fonds et appels téléphoniques malveillants à l'encontre de proches du sénateur.
« Dassault donnait son argent à qui voulait »
L'industriel a été placé en garde à vue pour la première fois mercredi matin, mais l'existence d'un « système Dassault » a été largement documenté, par la justice et les citoyens de Corbeil-Essonnes. « Toute le monde le sait à Corbeil, que Dassault donnait son argent à qui voulait. Ses billets, je l'ai vu les donner à des jeunes aux entrées des supermarchés. Et à l'époque, c'était des francs », ironisait une retraitée citée par L'Humanité.
Le maire a investi son propre argent pour sa ville, permettant notamment la rénovation de la cathédrale. Au cœur du « système », le quartier des Tarterêts, dans lequel Serge Dassault a entrepris de grands travaux de rénovation urbaine, sans y faire baisser le chômage ni l'insécurité.
Raphaël Czarny (avec afp)