[DATA] Le commissaire aux droits de l'Homme du Conseil de l'Europe s'inquiète de la politique d'évacuation des bidonvilles en France. Sur les 116 menées en 2015, un quart seulement a fait l'objet de mesures de relogement.
Le bidonville des Trois Pigeons, à Aix-en-Provence, deux jours avant l'expulsion programmée fin juin 2015. (Photo Nicolas Serve)
Le Conseil de l'Europe s'alarme des conditions d'évacuation des bidonvilles où vivent une grande majorité des Roms en France. Dans une lettre adressée au ministre de l'Intérieur, Bernard Cazeneuve, et rendue publique par l'AFP le16 février, Nils Muiznieks, commissaire aux droits de l'Homme, déplore le manque de solutions de relogement déployées par l'Etat. Qu'il s'agisse d'action des autorités ou d'évacuations forcées, après un incendie par exemple, ces pratiques, dénonce le commissaire, "interrompent les parcours scolaires des enfants roms, compromettent le suivi médical et fragilisent le maintien dans l’emploi."
D'après un rapport de la Ligue des droits de l'Homme (LDH) et L'European Roma Rights Center, publié le 12 janvier, seules 29 des 116 évacuations de l'année 2015, soit un quart, ont été suivies de propositions temporaires de relogement. Les données accumulées pour les quatre trimestres 2015 montrent que les évacuations, donc les bidonvilles, se concentrent massivement dans l'agglomération des grandes villes, Paris, Marseille (où 14 bidonvilles ont été vidés cette année), ou encore Nantes .
Face aux remontrances de Nils Muiznieks, Bernard Cazeneuve répond que ces expulsions "visent à faire respecter le droit de propriété, mais aussi à protéger les occupants de risques liés à leur santé, à leur sécurité, ou à d'autres périls que peut engendrer l'économie de la misère."
Deux jours après la désertion, les familles du bidonville des Trois Pigeons se réinstallent illégalement, là où elles le peuvent. (Photo Nicolas Serve)
Concernant les 111 évacuations pratiquées par les autorités en 2015, la LDH en dénombre 76 "faisant suite à une assignation devant les tribunaux par le propriétaire des terrains ou des squats", 31 "faisant suite à un arrêté d'insalubrité ou de péril pris par la mairie ou le préfet" et quatre "abandons de bidonvilles par les personnes elles-même sous la menace d'une évacuation forcée et imminente". Le rapport mentionne également cinq incendies à l'origine d'évacuations.
A priori, la loi ALUR, adoptée le 20 février 2014, a rétabli la trêve hivernale, qui s'étale du 1er novembre au 31 mars, pour les occupants de bidonvilles et squats. Néanmoins, un juge peut décider au cas par cas de déroger à ce principe. Certains juges sont en outre réticents à l'idée de faire évacuer un bidonville en période scolaire lorsqu'une majorité d'enfants est inscrite dans des établissements voisins, d'où un pic de procédures au mois de juillet.
Nina Moreno et Nicolas Serve