Un projet de loi, visant à apporter une meilleure prise en charge des soins liés au traitement du cancer du sein par l'assurance maladie, a été adopté mardi 28 janvier. Dans sa boutique strasbourgeoise spécialisée dans la vente de prothèses mammaires, de lingeries adaptées et de perruques, Elles & Embellies, Monik Bayard-Carette attend encore un peu pour y croire.
Monik Bayard-Carette finit de ranger les boîtes contenant des prothèses mammaires en silicone. Crèmes adaptées, vernis à ongle post-chimiothérapie et perruques trônent sur les différentes étagères de sa boutique strasbourgeoise Elles & Embellies. La sexagénaire a appris, une semaine après son adoption le 28 janvier, le projet de loi pour une meilleure prise en charge des soins liés au traitement du cancer du sein par l'assurance maladie. Une surprise pour elle qui, depuis l’ouverture de sa boutique en 2008, accompagne et conseille les patientes atteintes d’un cancer du sein. "Pour le moment, en tant que professionnelle, je n’ai pas été mise au courant de la marche à suivre", assure-t-elle.
Le projet de loi annonce une meilleure prise en charge et le remboursement de tatouages médicaux, soutiens-gorges adaptés et de certains produits spécifiques au cancer du sein. Mais pour le moment, Monik Bayard-Carette ne crie pas victoire. "Cela m’intrigue. J’en ai vu passer des lois. Je me réjouirai quand j’en connaîtrai tous les tenants et aboutissants", se méfie-t-elle.
Sur les portants de sa boutique, on trouve une vingtaine de soutiens-gorges. Pas n’importe lesquels : sans armature, ils permettent d’y glisser une prothèse mammaire. "Chaque femme en a besoin. Sans ça, la prothèse risque de s'abîmer. Le prix n’est pas forcément accessible aux plus précaires. Si la lingerie adaptée est remboursée, ce serait une grande avancée", espère Monik Bayard-Carette, qui vend chaque pièce entre 60 et 80 euros.
Pour l’instant, la prothèse mammaire chez Elles & Embellies coûte 212,99 euros et est remboursée par la sécurité sociale. Selon le site gouvernemental Vie publique, le projet de loi prévoit aussi le "remboursement intégral du renouvellement des prothèses."
"Vendre du rêve" ?
Le projet de loi prévoit également un forfait dédié au financement de produits prescrits, non remboursables jusqu’à présent et qui pèsent lourd dans le budget des patientes. Cela concerne notamment des crèmes et vernis. Après une chimiothérapie, le cuir chevelu peut former des croûtes et les ongles deviennent photosensibles, pouvant provoquer leur décollement. Tous les produits ne seront pas concernés et seront définis par arrêté. "Il n’y a pas de vignette, et je ne peux pas faire de facture de soin en vendant ces produits", explique Monik-Bayard Carette. De son côté, Nadine Baumann, référente régionale du Bas-Rhin pour l’association Vivre comme avant, "ne crie pas victoire trop vite". "J’aimerais savoir ce qui sera réellement remboursé et sous quelles conditions", ajoute-t-elle.
Ce que redoute particulièrement Monik-Bayard Carette, c’est que le projet de loi crée une fausse joie et "vend du rêve" pour des personnes déjà fragilisées par la maladie. Elle côtoie depuis plus de dix-sept ans des femmes atteintes du cancer du sein. "Si à l’autre bout, il ne se passe rien, cela va être catastrophique pour elles", s’inquiète-t-elle. En parallèle de sa boutique, cette ancienne attachée de presse préside l’association Les Ateliers de l'Embellie, où elle accompagne des personnes touchées par la maladie avec des soins de support, comme la musicothérapie ou de la sophrologie. "Au quotidien, je veux pouvoir leur apporter une bulle de douceur", souffle-t-elle.
Avec 60 000 cas de cancer du sein chaque année, la France métropolitaine a le plus haut taux d’incident au monde en 2022. De son côté, et de "manière évidente", Monik-Bayard Carette a observé un rajeunissement chez les patientes. "Quand j’ai ouvert, la moyenne d’âge était en 70 et 75 ans. Aujourd’hui, cela se situe plus entre 50 et 55 ans."
Elsa Rancel
Édité par Abel Berthomier