C’est un record depuis plus de 30 ans: 234 000 interruptions volontaires de grossesse ont eu lieu en 2022. Les raisons sont multiples.
En 2022, il y avait 32 avortements pour 100 naissances, une forte augmentation par rapport aux deux précédentes années. Photo d'illustration : Pixabay
Le nombre d’interruptions volontaires de grossesse (IVG) atteint son niveau le plus haut depuis 1990. En 2022, 234 300 IVG ont été enregistrées en France, c’est ce que révèle le dernier rapport de la direction de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques (Drees) sorti le mercredi 27 septembre. Soit 32 IVG pour 100 naissances.
Ce record arrive après deux années exceptionnellement basses en raison de l’épidémie de Covid-19. Si on se réfère aux chiffres d’avant la pandémie, c’est donc 7 000 IVG de plus qu’en 2019, qui était déjà à l’époque l’année avec le plus haut niveau depuis 1990.
Cette augmentation se confirme avec le taux de recours de 16,2 IVG pour 1 000 femmes âgées de 15 à 49 ans contre 15,7 pour 1 000 en 2019. Une augmentation qui touche toutes les femmes majeures, même si c’est parmi les femmes âgées de 20 à 29 ans que les IVG sont les plus fréquentes.
Si au premier abord, l’allongement de 12 à 14 semaines du délai légal de recours, prévu dans la loi de mars 2022, semble être la raison évidente à cette subite augmentation, cela ne s’avère pas en être la principale. Selon le rapport de la Drees, « ces IVG dites tardives, pratiquées après 13 semaines d'aménorrhée, représentent moins d’un cinquième du surplus observé » par rapport à l’année 2021. Plusieurs autres facteurs entrent en jeu avec « un contexte plus général d’évolution des comportements autour de la reproduction ».
Une baisse du nombre de naissance et un rejet des contraceptions médicales
Toujours selon ce rapport, « le nombre de naissances baisse depuis une dizaine d’années », passé de 818 565 en 2014 à 723 000 en 2022. Une baisse qui peut s’expliquer par des raisons personnelles mais aussi par de l’éco-anxiété, phénomène grandissant chez les jeunes. « J’ai pas mal de demandes de contraceptions définitives par des personnes entre 20 et 30 ans alors qu’il y a quelques années c’était extrêmement rare, voire impensable », explique Dr Philippe David, gynécologue obstétricien et président de la Commission d’Éthique du Collège national des gynécologues et obstétriciens français.
À cela s’ajoute un changement des pratiques en matière de contraception. Un constat partagé par le Dr Philippe David : « Il y a une défiance vis-à-vis de la contraception médicale. La jeune génération demande donc de plus en plus des contraceptions naturelles or la nature ne correspond pas toujours au non-désir d’enfant », soulève-t-il. Dans les faits, les méthodes de contraceptions naturelles comme le retrait, la méthode des températures ou les trousses de prédiction de l’ovulation, sont bien moins fiables que la pilule ou le stérilet. Le rapport met aussi en avant une « hausse de la vente de produits de contraception d’urgence depuis 2017 » qui a connu une augmentation de 40 % en deux ans.
Autre aspect à prendre en compte : 78 % des IVG sont médicamenteuses. Un chiffre qui pourrait avoir son importance. Selon le Dr Philippe David, « il existe l’idée fallacieuse que les recours à l’IVG médicamenteuse sont plus faciles et donc qu’en cas d’accident ce n’est pas très grave ». Ce qui pourrait expliquer chez certaines personnes un laisser-aller face à la contraception. « Pourtant il ne faut pas oublier que l’IVG médicamenteuse provoque régulièrement de fortes douleurs, surtout quand il s’agit d’une première grossesse, ce n’est donc pas un acte anodin », tient-il à préciser. Les chiffres restent malgré tout à relativiser. Dr Philippe David rappelle que ces derniers sont toujours très fluctuants d’année en année tout en restant en moyenne stable sur le long terme. Il ne faut donc pas exclure que ce record soit « un petit épiphénomène ».
Manon Boudsocq
Edité par Julie Lescarmontier