Les déclarations du président de la Fédération française de football irritent les militants anti-homophobie et agacent les associations de supporters.
Le président de la Fédération française de football s'est mis à dos tous les acteurs du dossier./ Photo CC-BY-SA-4.0 Chabe01
« Un pas en arrière dans la lutte contre l’homophobie », c’est le sentiment des membres de La Station, à Strasbourg, lieu de développement et de visibilité pour les personnes LGBTI, après les déclarations de Noël Le Graët, président de la Fédération française de football. Le patron du football français s’est mis à dos les associations de lutte contre l’homophobie mais aussi les groupes de supporters et se retrouve bien isolé. Le président de la République, Emmanuel Macron, est aussi entré dans le débat hier en appelant à la « clarté » et au « discernement ». Le président de la FFF avait notamment affirmé : « l’arrêt des matchs [à cause de banderoles ou de chants jugés homophobes, ndlr] ne m’intéresse pas. J’arrêterais un match pour des cris racistes, j’arrêterais un match pour une bagarre, des incidents s’il y a un danger dans les tribunes ».
« C’est insupportable d’entendre ça »
« Cela revient à dire que la lutte contre l’homophobie est moins importante que les autres sujets », s’insurge Franck, membre de La Station. À l’instar d’Olivier Rouyer, international français à la retraite et seul joueur français à avoir fait son coming-out : « c'est absolument scandaleux. C'est insupportable d'entendre ça ». Le militant l’affirme : « Il faut combattre ça au niveau social, alors si les acteurs publics se désengagent... »
Noël Le Graët a tenté de se justifier : « L’homophobie est un problème national. Je n’accepte pas que seul le football soit concerné par l’homophobie parce que c’est tellement faux. Je ne veux pas être pris en otage sur l’homophobie ». Mais Alekseï, également membre de La Station, dénonce une posture à ses yeux « un peu facile. Il n’a juste pas envie de s’engager dans cette lutte. Ca laisse penser qu’il a peur de perdre les supporters », ajoute-t-elle.
Pour les supporters c’est « un coup d’épée dans l’eau »
Le Kop Ciel & Blanc, groupe de supporters du Racing Club de Strasbourg, estime que la lutte contre l’homophobie doit d’abord s’effectuer dans la société : « Cela s’arrêtera le jour où les instances auront décidé de ne plus s’approprier cette lutte, puisqu’il est évident que c’est juste du folklore de tribune, dit l’un de ses représentants. Qu’ils combattent les actes homophobes dans la rue, les actes de violence en tout genre au lieu de se focaliser sur le second degré et du potache ». Le dialogue semble rompu avec les instances, « il y a un problème de déconnexion vis à vis des tribunes ». Le 2 septembre une banderole avait été déployée au stade de La Meinau. Il y était inscrit : « Votre nouvelle pseudo lutte contre l’homophobie ne masquera pas votre incompétence en terme de gestion de supporters ».
Les ultras sont davantage remontés contre la volonté du président de laisser la gestion et l’interdiction des banderoles aux agents de sécurité des stades. Les supporters préconisent de prendre en exemple la gestion des stades en Allemagne pour « avancer dans le bon sens ». De l’autre côté du Rhin, en effet, on prône un dialogue renforcé entre les instances, les clubs et les associations de supporters. Le tout sans perdre la ferveur des tribunes.
« Chacun doit un peu bouger »
Mais leur cheval de bataille demeure les nombreux arrêtés préfectoraux et interdictions de stade qui les frappent. Dans un communiqué, l’Association nationale des supporters juge ainsi « impensable [...] de travailler sur la lutte contre les discriminations qui résultent de l'homophobie sans recevoir au préalable des gages sur les travaux à mener contre les autres discriminations, celles que vivent les supporters tous les week-ends ».
Une rencontre est d’ailleurs prévue aujourd’hui entre l'ANS et les associations de lutte contre l'homophobie (SOS Homophobie, Foot ensemble, Licra, Panam'Boyz) sous l'égide de la LFP pour tenter de nouer un dialogue. « Soit on discute de tout, soit on ne discute de rien », préviennent les groupes de supporters. « Chacun doit un peu bouger, je suis confiant dans la réconciliation, le sport doit unir », a appelé de ses voeux Emmanuel Macron. Tâche désormais à Noël Le Graët de renouer le dialogue avec les différents acteurs afin de ne pas perdre totalement pied.
Victor Boutonnat