Dans son texte adopté ce mardi 4 février, le Sénat durcit ses positions sur le projet de loi de bioéthique, en opposition avec l'Assemblée nationale.
L'hemicycle du palais du Luxembourg était quasi plein, ce mardi 4 février, lors du vote. Photo Jacques Paquier / Flickr
Le Sénat a adopté de justesse, mardi lors du vote solennel en première lecture, le projet de loi bioéthique qui ouvre notamment la procréation médicalement assistée (PMA) aux femmes seules et aux couples de femmes.
Le projet de loi a été voté par 153 voix pour, principalement de gauche. La majorité sénatoriale de droite a très largement voté contre (97 des 144 LR, 26 des 51 centristes, 7 des 13 Indépendants). 45 sénateurs se sont abstenus.
Le texte voté par la Haute assemblée a largement été modifié par rapport à celui initialement présenté par l’Assemblée nationale. Beaucoup plus contraignant et restrictif, il va maintenant repartir du côté du palais Bourbon afin d'être à nouveau examiné par les députés qui auront le dernier mot.
Voici les principaux points de désaccord entre les deux chambres parlementaires.
Remboursement de la PMA aux femmes célibataires et aux couples de femmes
Si le Sénat s’est montré favorable à l’ouverture de la PMA pour les femmes célibataires et aux couples de femmes, il a néanmoins limité son remboursement par la sécurité sociale aux cas à « caractère médical ». C’est à dire pour les femmes souffrant d’une infertilité médicalement constatée. Les autres devront donc régler la facture. Dans un avis de 2017, le Comité Consultatif National d’Ethique pour les sciences de la vie et de la santé avait évalué entre 3000 et 4000 euros le coût d’une fécondation in vitro, l’une des techniques de procréation médicalement assistée les plus utilisées.
La filiation
Conséquence de l’ouverture de la PMA aux couples lesbiens, le gouvernement préconise que celle qui n’a pas porté le bébé soit reconnue comme parent à égalité avec sa compagne qui accouche, par le moyen d’une reconnaissance anticipée de l’enfant devant un notaire. Comme peuvent le faire les couples hétérosexuels non mariés. Les sénateurs ont quant à eux proposé une solution beaucoup plus restrictive : l’établissement de la filiation de la mère d’intention, celle qui n’a pas accouché, par voie d’adoption.
La GPA à l’étranger
Tandis que le gouvernement proposait que la reconnaissance directe du lien de filiation d’un enfant né à l’étranger d’une GPA soit appréciée « au regard de la loi française » et non pas de la loi du pays où elle a été réalisée. L’objectif étant de limiter la transcription au seul parent biologique. Le second parent doit alors passer par une procédure d’adoption. Porté par le très conservateur Bruno Retailleau, président du groupe LR, les pensionnaires du palais du Luxembourg ont voté un amendement, interdisant la transcription complète à l’état-civil des actes de naissance établis à l’étranger mentionnant deux pères ou mentionnant comme mère une femme autre que celle ayant accouché.
Le double don
Mesure défendue par le gouvernement, la H aute assemblée s’est prononcée contre le double don de gamètes dans le cadre d’une PMA. Cette pratique consiste pour un couple à pouvoir recourir à la fois à un don d’ovocyte et à un don de sperme. Une technique qui pourrait offrir une nouvelle alternative aux couples dont les deux membres sont infertiles. Alors que la loi actuelle exige pour concevoir un embryon que les gamètes proviennent d’au moins un membre du couple.
Accès aux origines
Le Sénat a également réécrit l’article 3 du projet de loi bioéthique, relatif à l’accès aux origines d’un enfant issu d’un don de gamètes. Le texte initial voté par les députés prévoyait que les personnes nées d’une PMA avec don de gamètes ou d’embryons aient le droit d’accéder, à leur majorité, à des données dites « non identifiantes » (âge, caractéristiques physiques…) mais aussi à l’identité du donneur (ou de la donneuse). Les sénateurs ont quant à eux fait la distinction entre l’accès aux « données non identifiantes », « accepté de manière irrévocable par les futurs donneurs préalablement au don », et l’accès à l’identité des donneurs qui doit faire, selon eux, l’objet d’un consentement du donneur au moment de la demande d’accès.
Robin Magnier