"Cash Investigation" va diffuser ce jeudi 6 février une enquête à charge contre Decathlon, suspecté d’exploiter des ouvriers de la communauté ouïghoure en Chine. L’entreprise française a démenti.
En 2023, Decathlon possédait 1 751 magasins dans le monde, dont 325 en France. Photo Emilius 123
Decathlon est au centre d’une affaire très épineuse. Mercredi 5 février, le média d’investigation Disclose a publié une enquête dans laquelle l’équipementier sportif français est accusé d’utiliser dans des conditions inhumaines la main-d’œuvre des Ouïghours, minorité musulmane opprimée en Chine. Impliquée dans les révélations, l’émission “Cash Investigation” de France 2 va consacrer ce jeudi 6 février (21h10) une émission aux controverses qui touchent le groupe Mulliez, maison mère de Decathlon. Voilà ce que l’on sait de l’affaire, quelques heures avant la diffusion du programme.
Dans le cadre de leur enquête, Disclose et Cash Investigation ont eu accès à la liste des sous-traitants de Decathlon. Parmi eux figurerait Qingdao Jifa Group, une entreprise soupçonnée de profiter du travail forcé des Ouïghours dans l’Ouest de la Chine. L’enquête révèle également qu’une partie du coton utilisé pour confectionner le textile vendu par Decathlon serait originaire des champs de la province chinoise du Xinjiang. Depuis cinq ans, des programmes gouvernementaux chinois visent à faire travailler, sous la contrainte, les ethnies musulmanes dans l’industrie et l’agriculture dans la région, au prétexte de la lutte antiterroriste. Entre 2017 et 2020, plus d’un million d’entre eux ont été capturés et enfermés dans des camps par l’armée chinoise, pour le même motif, selon un rapport publié par l’ONU en 2022.
Contacté par les deux médias, Decathlon a confirmé travailler avec le sous-traitant chinois mais a réfuté tout lien avec ses filiales situées au Xinjiang. Basé sur des dizaines de documents internes, des témoignages d’ex-employés et des vidéos d’usines de sous-traitants, le programme de Cash Investigation doit témoigner des coulisses de la stratégie “low-cost” de l’équipementier sportif en Chine, mais aussi au Bangladesh et au Brésil, selon les informations de Libération. En réponse à la polémique, l’entreprise a affirmé son engagement “au quotidien pour garantir l’intégrité et le respect des droits fondamentaux”. L’enseigne française s’est également adressée à ses collaborateurs mercredi. “Nous comprenons que vous puissiez avoir quelques questions”, pouvait-on lire dans Libération, dont la rédaction a pu consulter le mail interne.
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Les accusations portées contre Decathlon ne sont pas inédites. Fin 2023, l’entreprise française était déjà ciblée par un rapport commandé par le groupe socialiste du Parlement européen, pour utilisation du travail forcé des Ouïghours. Parmi les près de 40 enseignes visées par le dossier, d’autres géants du textile apparaissent tels que Zara, Next ou encore Prada. “Une quantité substantielle de vêtements fabriqués par des Ouïghours subissant le travail forcé est introduite dans l’Union européenne sans restriction”, dénonçait le rapport. Début 2024, le Parlement européen a approuvé un ensemble de règles pour faire reculer le phénomène. À partir de 2027, les produits issus du travail forcé qui se trouveront sur le marché européen seront donnés, recyclés ou détruits.
François Bertrand
Edité par Lilou Bourgeois