Le Monde devait-il révéler que Mehdi Nemmouche était le geôlier d'ex-otages français, au risque de mettre en danger la vie de ceux toujours détenus ? Les médias, dont beaucoup avaient retenu l'information à la demande de la justice, mais aussi d'anciens otages divergent sur la ligne à adopter.
"Nous sommes journalistes, on doit l'explication, l'information, mais il y a un temps pour tout. Dans le cas particulier, il y a aussi un temps de la recherche, de l'enquête, de la Justice. Donc je pense qu'il n'etait pas totalement utile de donner, sans avoir maîtrisé le temps, des informations à une organisation particulèrement dangereuse (...) qui a encore entre ses mains un certain nombre d'otages", a estimé Didier François, journaliste et ex-otage déténu en Syrie.
Rumeurs et fantasmes
"Nous n'avons pas révélé l'info. Nicolas Hénin avait respecté le pacte. A partir du moment où l'information est sortie, qu'elle est publique, on choisit de l'expliquer. Dans son papier (sur le site du Point, NDLR) et au cours de sa conférence de presse, il a dit ce qu'il a pu et voulu dire avec beaucoup de retenue et de pudeur", a déclaré à l'AFP Etienne Gernelle.
Par la voix de son avocate, lundi, Nicolas Hénin a aussi regretté la parution de l'article du Monde tout en justifiant son intervention pour fermer la porte aux "rumeurs et fantasmes".
Sur son site internet ce week-end, Libération avait rapporté que les quatre otages français libérés en avril 2014 avaient tous "identifié sur photos, vidéo et matériel sonore Mehdi Nemmouche comme ayant été un de leurs gardiens".
En face, Jacques Follorou, l'auteur de l'article du Monde, s'est défendu lundi sur France Info en estimant que les critiques étaient "excessives et infondées", soulignant qu'il n'y a pas de négociations en cours pour libérer des otages et que Mehdi Nemmouche était en prison.
Dimanche, le Parquet avait expliqué avoir été interrogé vendredi par le Monde, à qui il avait "expressément demandé (...), comme il l'avait demandé auparavant aux autres médias (...) de ne pas publier ces éléments".
Si pour le journaliste du Figaro Georges Malbrunot, otage pendant 124 jours en Irak et libéré en décembre 2004, la nécessité d'informer ne prime pas sur la sécurité des otages encore détenus, Dorothée Moisan, journaliste à l'AFP et auteur de "Rançons, le business des otages" publié en octobre 2013 chez Fayard, rappelle que ces informations "ne révèlent rien aux ravisseurs".
Alexandra Zevallos-Ortiz avec AFP