28 décembre 2008
Combien de commissaires autour du futur président de la Commission européenne ? Comment le Parlement fraîchement élu pourra-t-il commencer à travailler sans Commission ? Réponse en octobre à Dublin. Peut-être.
“Le processus de Lisbonne est relancé. Les Irlandais seront de nouveau consultés”, a indiqué Nicolas Sarkozy à la fin du Conseil européen de décembre. Le referendum, s’il a lieu, se tiendra avant le 31 octobre, date d’expiration du mandat de la Commission Barroso. Outre sa date exacte qui n’est pas encore fixée, le doute plane sur les résultats. Or, les enjeux au Parlement ne sont pas les mêmes selon que l’on fonctionne sous le régime de Nice ou de Lisbonne. Le Conseil européen s’est également engagé à proposer, dès juin, son candidat à la tête de la Commission. Lisbonne ou pas, il devra tenir compte de la couleur politique des vainqueurs des élections européennes. Le 15 juillet, le candidat devra recueillir la majorité absolue au Parlement.
Lisbonne ou Nice : pas le même travail pour les députés
C’est alors que va se poser pour le Parlement le problème de la suite : Nice ou Lisbonne ? Comment éviter de se retrouver les bras croisés entre un nouveau président sans commissaires et une Commission Barroso réduite à “l’expédition des affaires courantes et privée de toute initiative”, comme le décrit Peter Schiffauer, responsable du secrétariat de la commission parlementaire aux Affaires constitutionnelles ?
En misant tantôt sur Nice, tantôt sur Lisbonne.
Côté travail parlementaire, tout doit être prêt pour septembre et d’abord l’organisation des commissions parlementaires, base de l’activité législative. Or, les prérogatives du Parlement ne sont pas les mêmes sous Nice ou sous Lisbonne et les commissions parlementaires ne représentent pas les mêmes enjeux. Avec Lisbonne, la commission Agriculture disposera de la co-décision et la commission Justice et libertés étendra ses compétences à tout le domaine de la justice et des affaires intérieures. La commission de l'énergie se voit aussi promise à de beaux jours. Celle de la défense pourrait également gagner quelques galons.
Alors, que faire ? "Jusqu’au vote irlandais, on fera comme si rien ne changeait, estime Timothy Kirkhope, vice-président de la commission aux Affaires constitutionnelles. Si le “oui” l’emporte, “le processus sera révisé. Jusqu’où ? Je ne sais pas, confesse-t-il, j’imagine qu’il y aura une nouvelle vague de nominations et que les gens pourront changer de commission”.
Ignorer le “non”
Reste la question de la Commission européenne. Avec Nice, elle est composée de 26 commissaires tout au plus. Sous Lisbonne, promesse a été faite aux Irlandais qu’il y en aurait 27.
Et pas question d’attendre jusqu’à novembre pour commencer les auditions au Parlement des candidats-commissaires. Le scénario envisagé est cette fois d’ignorer le premier “non” irlandais, ce qui permettrait au Conseil européen de nommer 27 commissaires. Quitte à tout recommencer en cas de deuxième “non”.
Une provocation ouverte contre Dublin ? “Pas vraiment, explique Peter Schiffauer. Le vote formel du Parlement sur la Commission ne se fera qu’après l’entrée en vigueur du traité. Aucune décision ne sera prise avant le référendum”.
Selon lui, la situation pourrait tout à fait se débloquer avant la fin du mandat de la Commission Barroso qui expire normalement le 31 octobre et au plus tard le 21 novembre à minuit*. “Si le vote est organisé le 15 octobre, on peut envisager, si volonté politique il y a, que l’Irlande se dépêche de présenter ses instruments de ratification avant le 31 octobre. Le traité entrerait en vigueur le 1er novembre”.
En revanche, prolonger le mandat de la Commission Barroso, “il n’y a aucun moyen de le faire dans les traités, précise Peter Schiffauer. Cela ne s’est jamais fait”.
Alexandra du Boucheron, à Bruxelles
Emilie Salvaing, à Bruxelles
Les partis politiques européens hésitent. Peut-être n’attendront-ils pas la ratification du traité de Lisbonne pour appliquer l’une de ses innovations, en présentant un candidat à la présidence de la Commission européenne lors des élections de juin 2009. S’il était élu, il deviendrait une sorte de premier ministre de l’Union. Le poids politique de la Commission en serait considérablement augmenté.
Dans le traité de Lisbonne, ce pouvoir doit être contrebalancé par un président du Conseil européen, élu pour deux ans et demi, et par un ”ministre des affaires étrangères” également vice-président de la Commission. Un triumvirat équilibré, négocié sous forme de ticket entre les partis politiques européens, seules entités présentes dans toutes les institutions.
Jean-Luc Dehaene, député belge du PPE, avait arrêté de travailler à la rédaction d’un rapport sur le sujet en juin 2008, après le “non” irlandais. “Pour éviter de donner l’impression à l’Irlande que la machine avance sans tenir compte de leur avis", précise-t-il. Il s'est remis au travail. Son rapport sur "l’impact du traité de Lisbonne sur le développement de l'équilibre institutionnel de l'Union européenne" pourrait être adopté en commission le 23 mars. "Même si l’on ne peut pas s’y préparer de manière officielle, nous allons faire exactement comme si le traité de Lisbonne allait entrer en vigueur”. En clair, comme si l’exécutif à trois têtes était sur le point de voir le jour. Et si, malgré tout, ce scénario tombait à l’eau?
“Si la Commission gagne un poids supérieur, c’est tant mieux, estime le député. Car c’est elle qui a le droit d’initiative sur la législation européenne. Le risque serait plutôt, avec un président élu du Conseil européen, d’aboutir à une situation où la Commission serait affaiblie. Pour moi, elle est l’institution centrale.”
Olivier Devos, à Bruxelles
Suite à la feuille de route du Conseil européen adoptée en décembre, la commission parlementaire des Affaires constitutionnelles a repris, dans la plus grande discrétion, ses travaux sur l’entrée en vigueur du traité de Lisbonne. “Le Conseil européen a ouvert la voie à une ratification du traité de Lisbonne par les Irlandais, explique Peter Schiffauer, responsable du secrétariat de cette commission. Disons que la situation permet d’en discuter de nouveau”. Suspendus depuis le “non” irlandais, ces rapports sont “des réflexions préparatoires en amont du traité et non des prises de décision”, précise-t-il. Plusieurs rapporteurs se sont ainsi remis au travail.
- Richard Corbett (Britannique, PSE) sur la révision générale du règlement interieur: ce rapport devrait être adopté en commission le 9 mars et en session le 21 avril.
- Genowefa Grabowska (Polonaise, PSE) sur les perspectives de développement du dialogue civil dans le cadre du traité, adopté le 2 décembre en commission, qui devrait être approuvé en séance le 13 janvier.
- Sylvia-Yvonne Kaufmann (Allemande, GUE/NGL) sur la mise en œuvre d’une initiative citoyenne européenne, prévu pour être adopté en commission le 22 janvier et en session le 9 mars.
- Jo Leinen (Allemand, PSE) sur le rôle nouveau et les responsabilités nouvelles du Parlement; présenté en avril dernier, il pourrait être adopté en commission le 9 mars et en session le 23 avril.
- Elmar Brok (Allemand, PPE-DE) sur l'évolution des relations entre le Parlement européen et les parlements nationaux, qui devrait être adopté en commission le 23 mars et en session le 23 avril. Il a aussi remis sur le métier son rapport sur les aspects institutionnels de la création d'un « service européen pour l'action extérieure » qui doit, entre autres, assister le Haut représentant de l’Union pour les affaires étrangères et la politique de sécurité.
- Jean-Luc Dehaene (Belge, PPE-DE) sur l'impact du traité sur le développement de l'équilibre institutionnel de l'Union européenne; son rapport sera débattu en commission les 9/10 février et en séance plénière en avril.
D’autres attendent toujours dans les tiroirs comme le rapport global de Jo Leinen.
Les travaux de la commission des affaires constitutionnelles
Alexandra du Boucheron, à Bruxelles