Vous êtes ici

Le choix des listes dans le Grand Est


10 mars 2014

2009, année décisive

Dans le Grand Est comme ailleurs, c'est Paris qui choisit

Dans cette circonscription, les candidats aux élections européennes se disputeront neuf sièges, un de moins qu’à la précédente législature*. La composition des listes de candidats n’est pas encore finalisée mais ce sont les états-majors qui décideront tout depuis Paris. Dans la cuisine électorale des partis.

A droite, le Front National et l’UMP s’apprêtent à reconduire les têtes de liste sortantes. A gauche Catherine Trautmann se verrait bien mener l’attelage socialiste. Chez les Verts le rassemblement écologiste complique la tâche. Au Modem les eurodéputés sortants se seraient bien passés de l’arrivée impromptue de Jean-François Kahn.

PS : Trautmann espère la tête de liste

« En 2004, j’ai poussé la liste, en 2009 j’espère la tirer. » A six mois des élections européennes, Catherine Trautmann ne cache son ambition d’être tête de liste socialiste dans le Grand Est. En quatrième position derrière Pierre Moscovici, Adeline Hazan et Benoît Hamon, l’ancienne maire de Strasbourg a obtenu de justesse son siège au Parlement européen lors du dernier scrutin. « A cette époque, aucun des trois n’était très connu dans la circonscription, ils ont profité de son aura », rappelle son attaché parlementaire.
Parmi les quatre députés élus en 2004, elle est la seule à se présenter à nouveau. Pierre Moscovici et Adeline Hazan ont lâché leur mandat dès qu’ils ont pu obtenir un mandat national à la hauteur de leurs ambitions. Benoît Hamon cherche à se faire élire en Ile-de-France - il est conseiller municipal de Brétigny-sur-Orge, dans l’Essonne.
Malgré cela Mme Trautmann sait que sa place n’est pas acquise : « En 2004, la Lorraine n'avait aucun représentant éligible, donc cette année, elle doit être en position d’être élue. Mais il ne s’agit pas d’une équation mathématique, ce sera décidé au niveau national. »
Rassembler les différents courants du parti, équilibrer la présence des régions en respectant les règles de parité, la synthèse n’est pas facile à obtenir. « Pour certains candidats, un poste éligible sera une récompense », admet Catherine Boursier, remplaçante d’Adeline Hazan au Parlement européen. A charge pour d’autres d’attirer les électeurs.
Au parti socialiste la lutte interne devrait être musclée. En 2004 les socialistes avait récolté quatre sièges d’eurodéputés (28, 41% des voix). « En 2009 si nous obtenons trois sièges, ce sera une victoire inespérée », confie-t-on rue de Solférino. Fragilisé par un Congrès désastreux, le PS s’attend à perdre au moins un siège. Seul les deux premiers de la liste sont assurés d’être élus.

UMP : on prend les mêmes...

Le 24 janvier 2009, Joseph Daul devrait être investi par l’UMP pour conduire la liste du PPE dans l’Est. Président du groupe PPE-DE au Parlement européen, l’eurodéputé alsacien devrait garder son siège. Si aucune personnalité féminine ne se distingue d’ici là, la Vosgienne Véronique Mathieu pourrait garder sa place de numéro deux sur la liste. « Sa candidature a permis en 2004 de respecter la parité et d’assurer un certain équilibre géographique », explique Antoine Ripoll, porte-parole de Joseph Daul. Aux dernières élections, la liste conduite par Joseph Daul a rassemblé 17,62% des voix. Le parti compte conserver ses deux sièges.

Modem : Jean-François Kahn candidat

« Je revendique la tête de liste. Je suis sortante, je n'ai pas démérité, je suis profondément attachée au territoire que je représente. En 2004, j'avais obtenu 12,40% des voix, le deuxième meilleur score de l'UDF aux européennes. »
Le 13 décembre, à Besançon, Nathalie Griesbeck, députée européenne sortante, a annoncé sa candidature à la tête de la liste du Modem dans la circonscription. Une mise au point à l’attention de Jean-François Kahn. Fin octobre, l’ancien journaliste a annoncé qu’il serait candidat aux européennes sur la liste Modem du Grand Est.
Outre Nathalie Griesbeck, le Modem compte un autre député sortant, Jean-Marie Beaupuy, qui a également l’intention de se représenter. « Je ferai en sorte qu'il y ait trois élus, et si ce n’est pas le cas, je leur laisserai ma place », a assuré Jean-François Kahn. Une promesse qui ne rassure pas ses rivaux. Aux dernières élections l’UDF avait obtenu de justesse son deuxième siège. La nouvelle législature ne devrait pas être plus favorable au parti de François Bayrou qui a perdu une frange de son électorat traditionnel au profit du Nouveau Centre. Le comité exécutif investira officiellement les candidats le 8 février 2009 après la consultation des militants sur internet.

FN : Gollnish « souverain »

Pas de surprise au Front National, Bruno Gollnisch a été reconduit à la tête de la liste Grand Est au début du mois de décembre. En 2004, le vice-président du FN y avait déjà mené campagne. Conseiller régional de Rhône-Alpes, basé à Lyon, Bruno Gollnisch ne pouvait pas être tête de liste dans le Sud-Est, la circonscription étant réservée à Jean-Marie Le Pen.
Les noms de Sophie Montel et Bruno Subtil circulent depuis quelques semaines pour les deuxième et troisième places. Mais la direction du parti avoue avoir « peu de chance de placer un deuxième député dans l’Est ». Au scrutin précédent le FN avait rassemblé 12, 17% des voix et obtenu un siège. Si le parti peut compter sur un électorat fidèle dans l’Est, il craint de ne pas avoir surmonté les mauvais résultats de l’élection présidentielle de 2007. La composition de la liste sera validée par une commission nationale composée de dix membres du bureau politique, soit les cadres du parti. « Bruno Gollnisch décidera souverainement de la composition de sa liste », affirme son attachée parlementaire, Catherine Salagnac.

Verts : « Une usine à gaz »

Il n’y aura pas de liste Verte mais un rassemblement Europe Ecologie emmené par Daniel Cohn-Bendit au niveau national. «Europe Ecologie devra donner l’impression aux électeurs que Cohn-Bendit est tête de liste dans chaque circonscription », explique le secrétaire régional des Verts en Alsace, Jacques Fernique.
La fabrication des listes sera plus compliquée qu’en 2004 pour le parti écologiste. Les militants Verts ont jusqu’au 31 décembre pour désigner leurs six candidats préférés, 3 hommes et 3 femmes parmi les 15 candidats déclarés dans le Grand Est. Le reste de la liste sera composé de personnalités issues du monde associatif. La député sortante Marie-Anne Isler-Béguin n’est pas assurée de rester tête de liste. Elle pourrait être supplantée par Sandrine Bélier, issue de l’ONG France Nature Environnement ou par Yannick Jadot, l’ancien responsable des campagnes françaises de Greenpeace.
Dans les rangs du parti Vert ce processus ne fait pas l’unanimité. « C’est un sacré piège car les Verts en déduisent que Cohn-Bendit choisit seul. Il y a déjà des mécontents qui trouvent cela illégitime. C’est une vraie usine à gaz. » Le leader européen tranchera avec la secrétaire nationale Cécile Duflot, et Pascal Durand, un membre du comité de campagne.
Pour conserver un siège, la tête de liste d’Europe écologie devra faire mieux que les Verts en 2004. la liste de Marie-Anne Isler-Béguin avait rassemblé 6,69% des électeurs. La députée sortante avait finalement été élue à la plus forte moyenne après une soirée à suspense.

*Les élections de 2009 se dérouleront selon les règles du Traité de Nice. La France perd donc 6 sièges d’eurodéputés par rapport à le législature précédente, dont un dans la circonscription Grand Est. L’entrée en vigueur du Traité de Lisbonne permettrait à la France de récupérer deux sièges supplémentaires, lors d'une élection partielle en 2010 ou 2011. Selon le ministère de l’Intérieur, l’un de ces deux sièges devrait être rendu au Grand Est qui récupérerait ainsi un dixième eurodéputé.

Marion Soullié, Clarisse Briot, Claire-Marie Kostmann, Isabelle Bertinet

Catherine Trautmann : « On est au début du processus de régionalisation »

La régionalisation des élections européennes de 2004 avait notamment pour but de rapprocher les citoyens de leurs députés. Dans le grand Est, dix parlementaires ont été élus. C’est surtout par leurs mandats locaux que les députés sont connus. Leur statut de parlementaire ne leur donne pas de pouvoir particulier pour défendre les intérêts de leur région.
Dans la permanence parlementaire de l’eurodéputée Catherine Trautmann, 6 rue des Orphelins à Strasbourg, pas de drapeau européen ou de photo du Parlement. Et encore moins de documentation pour informer les éventuels visiteurs du fonctionnement de l’Union.
Catherine Trautmann est présente dans son bureau en moyenne une demie journée par semaine. Elle y reçoit des citoyens dont les demandes n’ont pas forcément de rapport avec ses fonctions d’eurodéputée. « En tant qu'ancien maire de Strasbourg, des particuliers viennent lui demander un soutien pour un logement, des papiers, un emploi », explique Pernelle Richardot, une de ses attachées parlementaires.
Le constat est partagé par les équipes des autres députés. Dans les permanences se succèdent des particuliers, des maires, des syndicats ou des organisations professionnelles aux requêtes très variées: visites du Parlement européen, demandes de stages, d’aides régionales, de subvention, de parrainage. Certains viennent même chercher des conseils pour leur feuille d’impôts. « Je prends les doléances mais j’explique que je ne peux rien faire », admet Agnès Guillaumont, attachée parlementaire de la socialiste Catherine Boursier.

Une eurorégion trop grande, estiment les candidats

Sur les dix députés de la circonscription, seuls sept ont une permanence parlementaire. Joseph Daul, originaire de Pfettisheim près de Strasbourg, se contente de son bureau au Parlement. Benoît Hamon et Bruno Gollnisch ne disposent pas de bureau dans le Grand Est car ils n’habitent pas dans la région. Le nouveau porte-parole du PS réside à Brétigny-sur-Orge dans l’Essonne où il a une permanence en tant que conseiller municipal. En semaine turquoise, dédiée à la circonscription européenne, « il n’est pas particulièrement présent mais il se déplace selon les demandes dans le grand Est », affirme son attachée Marion Carré.
Cinq ans après la réforme du scrutin, la grande région n’a toujours pas trouvé de sens pour beaucoup de députés. Selon le FN, «ce sont des représentants de la France et des Français qui vont au Parlement européen. Les thèmes de sécurité et d'immigration que nous défendons particulièrement sont des problématiques nationales. » Le parti d’extrême-droite assume le parachutage du Lyonnais Bruno Gollnisch dans le Grand Est.
Les Verts se montrent également critiques. « Le système a été mis en place pour casser la dynamique du vote pour les écologistes», assure Jacques Fernique, secrétaire régional des Verts en Alsace. Selon tous les députés, l’eurorégion est trop grande. Ils n’ont pas le temps de se déplacer sur tout le territoire de la circonscription et n’arrivent pas à se faire connaître des habitants.

Cumul des mandats « compatible »

Exerçant différents mandats locaux, les députés arrivent en revanche à se faire connaître dans leur ville ou leur région. Ainsi Pierre Pribetich est vice-président du Grand Dijon, Catherine Boursier occupe la présidence du Pays du Val de Lorraine tandis que Nathalie Griesbeck est conseillère générale de Moselle. « On a intérêt à avoir les mains dans le cambouis et les pieds dans la glaise », assure Jean-Marie Beaupuy, conseiller municipal d’opposition à Reims. Selon Catherine Boursier, « certains mandats locaux sont compatibles avec celui de député européen ». Un avis qui n’est pas partagé par Marie-Anne Isler-Béguin pour qui «c’est un mandat à plein temps ».
Cette implantation locale des députés est aussi un moyen de relayer les préoccupations du terrain au niveau européen. « En Lorraine, le problème des effondrements miniers ne relève pas de la compétence de l’UE, poursuit Marie-Anne Isler-Béguin, installée à Metz. Mais on a pu le lier à la directive cadre sur l’eau et lancer une pétition. Cela peut concerner d’autres pays de l’UE.»
La grande mission des députés reste pédagogique. Il s'agit de parler de l'Europe face à des classes ou lors de forums avec des citoyens. Une activité qui s'est développée selon Catherine Trautmann. « Les fédérations ou les associations pensent davantage à m'associer à des conférences et des débats, y compris sur le plan politique. On est au début du processus de régionalisation. »

L'Union du peuple alsacien a l'esprit de groupe

En 1988, le parti autonomiste régional, Union du Peuple Alsacien (UPA), s’est rattaché à l’Alliance Libre Européenne (ALE), qui siège à Strasbourg avec le Parti Vert. Son but: gagner un peu plus de poids et de visibilité. Aujourd’hui l’objectif n’a toujours pas été atteint. Selon son président, Daniel Willmé, faire partie de l’ALE ne fait pas gagner des voix. Verbatim.

« Faire partie de l’ALE était pour l’UPA une opportunité de se faire un petit peu plus entendre. On milite pour que l’Alsace dispose d’un statut particulier d’autonomie régionale. La France est un des pays les plus centralisés d’Europe, tout se décide à Paris. On aimerait donc que l’Alsace ait le même statut que la Catalogne, le Tyrol du Sud, ou encore les Länder allemands.
Avec le temps nous avons compris que ce n’était pas l’Europe qui pourrait résoudre tous nos problèmes, c’est à nous d’agir sur le terrain. C’est tout de même bien de faire partie d’une grande structure. L’ALE lutte pour une Europe des peuples et pour la défense et la promotion de la diversité des langues et des cultures régionales au sein de l’Union. Nous soutenons ces idées et sommes heureux de pouvoir être représentés au Parlement Européen. Mais ça se limite à ça.
Vous savez, nous sommes un tout petit parti, nous n’avons pas de permanents, nous avons une centaine d’adhérents, la moitié âgée de plus de 60 ans… Nous ne sommes pas assez crédibles aux yeux de l’Etat pour obtenir ce que l’on veut.
Les autres partis membres de l’ALE, nous ne les voyons qu’une seule fois par an, lors de l’Assemblée Générale. C’est un moment convivial, on partage nos expériences. On discute du programme annuel du parti, mais nous n’avons pas le droit de voter, car nous ne sommes là qu’en tant que parti observateur.
Je suis président de l’UPA depuis quatre ans mais je ne suis allé à cette réunion qu’une seule fois. Sinon, tout le reste de l’année on échange avec l’ALE, entre deux et trois mails seulement. Pour être sincère, faire partie de l’ALE ne nous apporte rien.
On s’est posé plusieurs fois la question : mais pourquoi rester ? La cotisation nous coûte quand même 600 euros. C’est beaucoup pour un parti qui a un budget de 8 000 euros par an. Nous restons donc par amitié envers l’ALE, Nelly Maes, la présidente et Günther Dauwen, le directeur. Et aussi pour faire vivre ce parti qui est le seul régionaliste dans l’Union. Eux non plus n’ont pas beaucoup d’argent.
Je n’ai aucun contact avec les six eurodéputés de l’ALE. Je suis plus particulièrement proche de Gérard Onesta, eurodéputé vert. Pour la campagne des élections européennes de 2009, nous allons donc appeler à voter pour la liste de Daniel Cohn-Bendit. Il faut savoir que tous les partis autonomistes ont également une forte composante écologiste. Cette liste fera certainement plus de 10% et comme dans la région PACA (Provence-Alpes-Côte d’Azur), le numéro deux de la liste des verts est un autonomiste (François Alfonsi, membre du parti de la nation corse), on aura donc la chance d’avoir un élu qui nous représente bien au Parlement Européen. »

Isabelle Bertinet

Les électeurs de l'Est à la découverte de leurs élus

Vendredi 12 décembre, une cinquantaine de citoyens participait à un forum-citoyen sur le thème "Europe et développement durable" à Dijon. En face d'eux, sept des dix eurodéputés du Grand Est. L'occasion de découvrir leurs élus à quelques mois de la fin de leur mandat.

 

 

 

 

 

 

 

Imprimer la page