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Six mois pour s'installer


28 décembre 2008

Repères

Adresse, budget, président, implantation électorale, nombre d'élus... Fiches d'identité des europartis.

De 1974 à 2007, comment ils profitent de la démocratisation de l'Union.

Les critères d'accès aux financements de l'Union.

Conservateurs, socialistes, libéraux, voire eurosceptiques : les familles politiques représentées au Parlement européen, à la Commission et au Conseil.

Qui peut voter ? A quel âge ? Où le panachage des listes est-il autorisé ? Mode d'emploi des élections européennes dans les pays membres.

Depuis 1979, l'abstention aux élections européennes n'a cessé d'augmenter. C'est la grande inconnue du scrutin de juin 2009.

2009, année décisive

Le temps des enchères

Entre les élections et la session inaugurale du Parlement : la répartition des postes de la machine parlementaire. Les négociations de couloir ont commencé. Les partis britanniques et allemands, qui ont déjà constitué leurs listes, partent avec un temps politique d’avance.

« Le 15 juillet, le nouveau Parlement s’installe mais on ne sait pas qui va où... », explique Chantal Rigaud, secrétaire général de la délégation française au PSE. Surtout si on ne s’est pas préoccupé de régler la question avant. Viser un poste clé ne suffit pas, il faut s’y prendre tôt et s’assurer le soutien de ses camarades de groupe. Catherine Trautmann en a fait les frais en 2004. Elle n’a pas obtenu un rôle de coordinateur du groupe PSE dans sa commission. Un accord de vote entre les petits partis de l'est et scandinaves avait été conclu bien avant, derrière son dos. Une mésaventure révélatrice de l'importance d'anticiper.

Première étape : unir ses forces au sein des groupes

Après les résultats du 7 juin 2009 suivra la formation des groupes politiques de la septième législature, car un député sans groupe est condamné à l’inefficacité pour cinq ans. Les délégations nationales se rassemblent selon leurs affinités politiques. Il s'agit tout d'abord de penser “alliance”. Plus le groupe sera gros, plus il obtiendra des moyens humains, financiers, techniques (voir Les fonctionnaires, soutiers de la machine) et pourra prétendre aux postes les plus influents au Parlement. La formule de répartition en vigueur au Parlement y veille (voir ci-dessous la vidéo de Bernard Poignant).
Dans ces manœuvres d’approche, un enjeu de taille : à qui la présidence du groupe ? Elle n’assure pas seulement la maîtrise de l’agenda et des négociations avec les autres. Elle donne automatiquement accès à la conférence des présidents. C’est elle qui répartit les rapports entre les commissions, fixe l’ordre du jour des sessions, distribue les temps de parole. En cas de désaccord, la conférence des présidents tranche ses différends à la majorité pondérée.
Les délégations nationales une fois réunies au sein d'un même groupe devront donc transiger sur un nom. En janvier 2007, après plusieurs tours au sein du PPE, Joseph Daul avait été soutenu par la délégation allemande, la plus nombreuse. Mais, obtenir cette présidence s’est révélé coûteux pour la délégation française qui n’a obtenu aucun autre poste clé de l’appareil du groupe ou de la machine parlementaire.

Deuxième étape : négocier la présidence du Parlement

Débutent ensuite les négociations intergroupes sur les postes clés du Parlement. Celui de président du Parlement est le trophée le plus convoité. Sa candidature doit être présentée par un groupe politique ou par au moins quarante députés. Selon le règlement, “il convient de tenir compte de façon globale d’une représentation équitable des États membres et des tendances politiques”. Il faudra ensuite, le 15 juillet à Strasbourg, réunir une majorité sur son nom, soit 369 voix.
Dans la pratique, il est presque constant que les deux groupes majoritaires passent un ”accord technique” pour présider chacun la moitié de la législature. Mis à part l’intermède de 1999, quand les libéraux et le PPE-DE ont formé une majorité, cette alternance a toujours concerné le PSE et le PPE-DE. La première présidence va naturellement à celui des deux qui est arrivé devant l’autre aux élections.

Rumeurs d’alliances

Dans les couloirs du Parlement, on parle déjà d’une première moitié de législature 2009-2011 sous la présidence de Jerzy Buzek , PPE-DE et ancien Premier ministre polonais. La seconde moitié, 2012-2014, serait assurée par Martin Schultz, l’Allemand qui préside le groupe PSE.
Mais déjà, de son côté, l’ELDR est en campagne. "Graham Watson -le président du groupe, qui rêve du perchoir suprême-, a entamé les négociations avec certains PPE-DE voire le PSE, confirme Daniel Tanahatoe, conseiller politique du groupe. Si tout le monde se met d’accord pour avancer, on pourrait se répartir 75% des postes qui comptent au Parlement”.
Les socialistes ne semblent pas favorables à un accord avec l’ELDR. Pas favorables non plus à une alliance avec les Verts, pourtant insistants sur le sujet. Pour Juan Behrend, secrétaire général du parti écologiste, les convergences avec le PSE seraient suffisantes pour s'entendre sur un partage de la présidence entre Martin Schulz et Daniel Cohn-Bendit.
Pour l’instant, le PPE-DE se dit ouvert à une grande coalition avec les libéraux. Quant à une alliance avec les Verts, l'idée est envisagée par Angela Merkel, également désireuse de conclure ce genre d'alliance chez elle. Or, cette fois, ce sont les écologistes qui freinent : pas question de gouverner avec les troupes de Nicolas Sarkozy et de Silvio Berlusconi.
Après l’entente sur le nom et la couleur politique du président, il restera à composer le Bureau, qui assurera la gestion politique des moyens du Parlement avec ses lots de consolation : dix-sept vice-présidents et six questeurs.

Troisième étape : se partager les commissions parlementaires

Mais c’est avec les postes de présidents de commission qu’on pénètre au cœur des rouages du Parlement européen. L’essentiel du travail des députés se déroule dans les commissions parlementaires, dont les équilibres politiques sont un modèle réduit de ceux de l’hémicycle.
Obtenir la présidence de l'une des 22 commissions est un enjeu majeur. Là encore, c’est d’abord la proportionnelle entre les groupes qui est de règle. Les plus prisées, outre les affaires étrangères pour le prestige, sont les commissions législatives -celle de l’environnement, ou du marché intérieur. Les moins courues : celles des droits de la femme et des droits de l'homme où les pouvoirs du Parlement sont essentiellement tribuniciens.

Priorité à la délégation la plus nombreuse

La grande redistribution des postes à l’intérieur des groupes commence alors. Les chefs de délégation se retrouvent autour de la table et négocient en fonction de leur poids. Priorité à la délégation la plus nombreuse. "En 2004, avec 31 élus, nous étions la première délégation du groupe PSE. Nous sommes passés en premier, raconte Chantal Rigaud. Le PS a demandé la présidence de la commission économique et monétaire, l’une des plus importantes”. Chaque poste coût un certain nombre de points. “En 2004, les négociations ont duré une semaine. Chaque jour, les chefs de délégations rendent comptent à leurs compatriotes de ce qu’ils ont obtenu".
Une fois la répartition établie, ce sont capitales nationales, et leurs dirigeants de partis, qui conservent la haute main sur les nominations de chacun. “Nous avons eu une réunion dans le bureau de François Hollande avec Bernard Poignant, le président de notre délégation, se souvient Pervenche Berès. Il y avait là les cinq personnes qui pouvaient prétendre à des postes. On a regardé les meilleurs solutions possibles et il y a eu un accord sur les candidats pour chaque poste”. C’est elle qui, pour sa part, a décroché la présidence de la Commission économique et monétaire.

Coordinateur, un rôle qui compte

Dernier rôle qui compte au sein des commissions, celui de coordinateur. "Un poste politique capital. C’est lui qui négocie la répartition des rapports entre les groupes représentés dans une commission. Il doit connaître tous les rapports de sa commission, répartir les temps de parole, décider des amendements. En bref, il coordonne son groupe au sein de la commission", précise Chantal Rigaud.
“On est plus importants que les vice-présidents de commission qui ne servent à rien, assure la socialiste française Catherine Guy-Quint, l'une des huit Français qui occupent ce poste. Plus le groupe est grand et homogène, plus le coordinateur est important. Si je suis d’accord sur un vote, les 220 membres du PSE suivent".
Là, pas de formule mathématique. Pour être coordinateur, il faut convaincre et être élu par les membres de son groupe au sein d’une commission. “J’avais contre moi la Britannique mais j’avais réussi à convaincre les Allemands, les Espagnols, l’Italien, le Grec. Bref, j’avais fait mon lobby, explique Catherine Guy-Quint. Ca n’a pas demandé beaucoup de temps mais ça nécessite d’être connu dans la commission et d’être fiable. C'est vraiment un vote de reconnaissance des membres du groupe sur des qualités techniques et politiques. En ce moment les lobby sont déjà en train de se structurer", confie-t-elle. Pour ce job, il faut avoir fait ses preuves européennes. “Je ne connais pas de coordinateur qui soient blanc-becs”.
Aujourd'hui, les eurodéputés français, incertains de leur avenir, restent à l’écart de ces grandes manoeuvres. Les Britanniques, eux, sont prêts depuis décembre 2007, les Allemands depuis décembre dernier. Les Espagnols le seront certainement en janvier.

Alexandra du Boucheron, à Bruxelles

Le parcours du combattant des « petits » du Parlement

Comment affirmer ses positions au Parlement européen lorsque l'on a moins de dix députés sur 785? Pour les représentants maltais, estoniens, slovènes,... devenir rapporteur parlementaire est souvent une gageure, où stratégie et « rapports amicaux » deviennent indispensables.

785 députés au Parlement européen, seulement 5 pour Malte, éclatés entre les deux grands groupes du Parlement, le PPE et le PSE. L'île, située au sud de l'Italie, grande comme trois fois Paris, n'est peuplée de 400 000 âmes, autant qu'à Toulouse. Comment faire entendre sa voix au Parlement face aux 99 députés allemands ou aux 78 Français?
Les règles du jeu semblent simples. Il faut se répartir entre les commissions qui pèsent, soit une douzaine sur un total de 22. C’est là que se décident les positions du Parlement. Les commissions de l’environnement et du budget sont ainsi parmi les plus recherchées.
Pour un député d'une petite délégation, tout est plus compliqué, tant les places sont chères. Simon Busuttil, député maltais du PPE, est membre de la très demandée commission des budgets, et de la commission pétition, celle dont personne ne veut. Pourtant, être membre d’une commission ne signifie pas grand chose en soi : c’est à travers les rapports que le travail parlementaire prend forme. Etre rapporteur sur un dossier, c’est maîtriser le processus législatif, en filtrant les amendements susceptibles de recueillir une majorité, c’est-à-dire les modifications que le Parlement apporte à un texte proposé par la Commission européenne.

« On est raisonnable »

Jan Micallef, assistant parlementaire du député maltais, est rompu aux coulisses du travail parlementaire. Au quotidien, « nous entretenons des relations amicales avec nos collègues, pour que le jour où un sujet nous intéresse vraiment, nous ayons une chance d’être rapporteur. En pratique, quand on nous demande du soutien sur un dossier, on est raisonnables, on suit. Malgré ça, le plus souvent, nous n'obtenons rien en retour. » Au terme de la législature, la mallette de son député ne contient qu’un seul rapport. Et pas dans la commission des budgets, mais dans la commission des pétitions. Une affaire d'arnaque aux PME à l'échelle européenne, l'« European city guide ».
Pour influer sur les commissions dont elles sont absentes, les petites délégations doivent mettre les bouchées doubles. Après avoir identifié les domaines qui intéressent Malte, ses députés doivent nouer des alliances pour faire passer leurs amendements. « La clé, c'est le lobbying », explique l’assistant. Première étape, identifier les pays dont les intérêts rejoignent ceux de la petite République. Dossier clé pour Malte, l'immigration d'Afrique du nord. « Sur ce thème, nos alliés sont l'Italie, la Grèce, l'Espagne... Nous contactons les chefs de leurs délégations pour obtenir leur soutien. »

Où l'influence dépend de la réputation

Ona Jukneviciene est membre de la délégation lituanienne au PDE. Sur les 13 Lituaniens présents au Parlement, sept sont membres de son groupe, l’ADLE (Alliance des démocrates et des libéraux pour l’Europe). Une façon de rassembler les forces pour peser. Selon elle, c'est avant tout la réputation du député qui permet d'obtenir des rapports. Dès sa première année au Parlement, en 2004, elle a travaillé au sein de la commission du contrôle budgétaire, moins demandée que la commission des budgets, mais tout de même classée en 10e position dans les préférences manifestées par les groupes politiques. « Sur un des sujets les plus polémiques, sourit-elle, puisqu'il touchait notamment au salaire des députés. Bien sûr, j'aimerais travailler sur des sujets plus importants. Mais de toute façon, en tant que 3e groupe politique, nous passons après le PPE et le PSE. »
Dans ce combat pour les rapports, les négociations se passent d’abord entre les coordinateurs, personnage clé du groupe politique dans chaque commission. Elles prennent la forme d’une vente aux enchères, où chaque groupe achète les places de rapporteur à l’aide d’un système de points. Plus un groupe a d’élus, plus il a de points. Les coordinateurs répartissent ensuite les trophées entre les délégations de leur groupe.
Valdis Dombrovskis, député letton du PPE, ne se fait pas d'illusion. « Les grosses délégations bien organisées, comme les Allemands ou les Espagnols, obtiennent presque tous les coordinateurs. En Lettonie, nous n'en avons pas un seul. Je n'essaie même pas : il n'y a aucune chance. »

Olivier Devos, à Bruxelles

Dans l'enfer des non inscrits

Ils sont 31 eurodéputés étiquettés «non inscrits». Ils n’appartiennent à aucun des groupes politiques du Parlement. Ce sont des eurosceptiques acharnés, des élus d’extrême droite ou bien des originaux voulant garder leur liberté de ton. Problème : désorganisés, ils n’ont pas derrière eux de machine politique. Et avec un temps de parole réduit à la portion congrue, difficile de faire entendre sa voix.

La salle de réunion n’est pas prête. Des tasses vides, des bouteilles en plastique jonchent encore les tables de la salle A1-H1 du Parlement européen à Bruxelles. Ce qui énerve une des assistantes de Bruno Gollnisch (NI, Français) qui tance les agents d’entretien. Le leader du FN préside une réunion de « coordination des droites européennes ». Sobre réunion. Ils sont huit autour de la table, dont six Français. Elena, une Bulgare, est venue représenter son eurodéputé. Et puis, il y a Jorg Maier, un Autrichien, l’ancien secrétaire général d’ITS (Identité Tradition Souveraineté).
ITS, c’est le groupe politique estampillé extrême droite disparu en janvier dernier. Malgré sa dissolution, la « droite patriote » comme elle se fait appeler continue de se réunir deux fois par mois avant les sessions plénières. Des réunions expresses comme celle d’aujourd’hui : vingt minutes. L’objectif : se répartir le temps de parole famélique octroyé par le Parlement aux non inscrits. Une minute le lundi pour la session du soir pour Carl Lang, le banni du FN ; deux minutes le mardi matin suivi de deux autres minutes l’après-midi… Et jeudi matin, un Belge du Vlams Belang (les indépendantistes flamands) veut intervenir : 2 minutes aussi. Bruno Gollnisch remercie les présents et fait un peu de publicité pour le congrès de Attaca, l’extrême droite bulgare, le 21 décembre prochain, tout en regrettant de ne pouvoir venir. La réunion est close.

Pas de groupe, peu de ressources

Le système du Parlement s’appuie sur les groupes politiques. « Avoir un groupe, c’est la possibilité d’avoir des financements du Parlement, mais cela permet aussi d’obtenir du personnel en secrétariat ainsi que des traducteurs pour nos réunions », détaille Bruno Gollnisch, le président d’un groupe fantôme. Pas de groupe, ça veut dire moins de temps de parole dans l’hémicycle, moins de rapporteurs et moins de choix dans les commissions parlementaires. L'extrême-gauche est confrontée au même problème. Alain Krivine (groupe GUE/NGL), député européen de 1999 à 2004, confirme:
Pour Bruno Gollnisch, pourfendeur du « super Etat négateur » de Bruxelles, c’est la preuve que les dirigeants de l’Union ont mis en place un « totalitarisme mou » qui nie la démocratie et ne défend pas les minorités politiques. Mais le leader du FN ne s’avoue pas vaincu. « Depuis des mois, je multiplie les réunions avec les gens qui pensent comme nous en Europe, avec ceux d’Attaca en Bulgarie, avec le BNP (British National Party) au Royaume-Uni. » Bruno Gollnisch attend donc les élections européennes avec impatience : « On va voir les résultats de juin, et puis on se comptera à ce moment-là. » Mais les règles du jeu ont changé. Et il faudra maintenant 25 élus à l’extrême-droite, dans sept pays membres, pour pouvoir recréer un groupe politique.

Tom Wise, l'ovni politique

Parmi les non-inscrits, il n’y a pas que des nationalistes de droite. Nombreux sont les électrons libres, des députés de gauche comme de droite, des ovnis politiques. Tom Wise, par exemple, Britannique et membre de l’Ukip (eurosceptique de droite). L’Ukip est plutôt bien représenté au Parlement avec huit membres qui siègent avec le groupe souverainiste ID. Sauf que Tom Wise a rompu avec l’Ukip et avec ID en mai dernier car il les jugeait trop… fédéralistes. « Les membres du groupe ID ne veulent plus la fin de l’Union européenne, ils veulent la changer de l’intérieur, affirme Tom Wise, moi ce que je réclame, c’est que le Royaume-Uni sorte de l’Europe ! »
Tom Wise est très isolé à Bruxelles. Et son activité parlementaire s’en ressent. « J’ai moins de moyen qu’avant, mais au moins je suis libre de dire ce que je pense. » Une liberté de parole limitée puisque ces derniers mois, l’Anti-européen n’a pas beaucoup fait entendre sa voix. Depuis début octobre, il n’a formulé que deux interventions écrites de quelques lignes.
Bref, Tom Wise a du temps. Son bureau de Bruxelles ressemble presque à une chambre d’étudiant. Une petite télévision, une vitrine avec une collection de bouteilles de vin venus des quatre coins d’Europe et des paquets cadeaux. Tom Wise prépare Noël. De toute façon, le Parlement pour lui, c’est déjà fini. En juin prochain, il ne se représente pas dans sa circonscription du sud-ouest du Bedforshire dans l’Est de l’Angleterre. En attendant, son objectif est simple : répéter à ses concitoyens qu’il faut en finir avec l’UE, et « faire le plus de dégâts possibles. »

Jérémy Lemaire, à Bruxelles

Les souverainistes poussés vers l'union pour ne pas disparaître

Les critères pour créer un groupe politique au Parlement européen ont été durcis cet été. Résultat: les deux groupes souverainistes sont menacés de disparition. La solution pour les "Euroréalistes" pourrait donc venir de Libertas. Le futur parti politique pourrait créer un groupe du même nom, et ainsi fédérer tous les souverainistes.

En juin 2008, Richard Corbett (PSE, Royaume-Uni) a fait adopter un amendement au règlement intérieur du Parlement européen qui modifie les règles de formation des groupes politiques. Pour créer un groupe, il faudra réunir 25 eurodéputés (contre 20 auparavant) représentant au moins sept Etats membres (contre six).
"Un groupe, ça donne une visibilité politique et médiatique à ses membres, assène Richard Corbett, avec l'octroi de fonds, de personnels. Et je trouvais que cette reconnaissance, le Parlement la donnait à la légère." Avec cette modification, l'eurodéputé veut surtout empêcher l'extrême-droite de recréer un groupe politique. Mais celle-ci n'est pas la seule visée. L'existence des deux groupes souverainistes ID (Indépendance et Démocratie) et UEN (Union de l'Europe des Nations) est menacée par le nouveau règlement.

Libertas en fédérateur

L'UEN, sur le papier, avec ses 43 députés dispose d'un matelas de sécurité. Sauf que le groupe n'est présent que dans six Etats. La situation est encore plus critique à l'ID qui compte seulement 22 députés. Pour l'eurodéputé socialiste, la solution est simple: "Ensemble, les eurosceptiques sont assez nombreux au Parlement..."
Le parti nouvellement créé par l'Irlandais Declan Ganley, Libertas, pourrait devenir le catalyseur des différentes branches dites "euroréalistes". Le noyau dur du groupe ID – à savoir les membres actuels des europartis ADIE (qui va disparaître pour se fondre dans Libertas) et EUD - pourrait ainsi se retrouver dans un nouveau groupe initié par Libertas.
Depuis plus d’un an, Declan Ganley rencontre tous ceux qui ont notamment pris position contre le Traité de Lisbonne. L’ex-député danois Jens-Peter Bonde (EUD) est partie prenante de l’aventure. "Mon idée est de faire un grand groupe au Parlement européen avec tous les réformateurs. Je ne sais pas si Declan Ganley le souhaite aussi", témoigne le conseiller politique du leader de Libertas et président de l'EUD (jusqu’au 29 janvier). Les élus EUD devraient ainsi suivre leur fondateur charismatique et rejoindre un groupe euroréaliste.
Ce groupe pourrait ainsi être composé d'élus villiéristes français (Libertas, ex-ADIE), de députés tchèques (Libertas), irlandais (EUD et Libertas), polonais (groupe UEN), italiens (groupe UEN), suédois (EUD), danois (EUD), grecs (Libertas ?), anglais (conservateurs, non-inscrits ou PPE-DE), additionnés de quelques représentants des pays baltes, dont certains sont en négociation pour entrer à EUD.
En Irlande, Declan Ganley aurait déjà conclu un accord pour ne pas se présenter face à la députée Kathy Sinnott (EUD). Du coup, le co-président d'UEN, Brian Crowley, se retrouverait isolé parmi les souverainistes. En effet son parti le Fianna Fail, à la tête du gouvernement, a appelé à voter oui à Lisbonne.

Les inconnues britannique, italienne et polonaise

Beaucoup voyaient les anglais d'Ukip rejoindre l'équipée. Mais la troisième composante d'ID (avec l'ADIE et EUD) a décliné l'invitation. Son leader Nigel Farage, co-président d'ID, a récemment démenti toute possibilité d'entente entre son parti et Libertas. Pas question de se mélanger avec des conservateurs britanniques jugés trop peu eurosceptiques!
Un grand bouleversement pourrait venir du PPE-DE. Le groupe compte actuellement dans ses rangs une vingtaine de députés britanniques eurosceptiques, regroupés au sein des Démocrates européens (DE). « Voilà 15 ans, qu'on dit que la branche DE pourrait quitter le groupe PPE-DE, rappelle Emmanuel Bordez, secrétaire général d’ID, ça pourrait arriver en 2009. » Feront-ils alors le choix de rejoindre les libéraux ou les "euroréalistes"?
Pour la droite italienne, le choix d'un groupe au PE est liée à une éventuelle réforme électorale pour 2009. Au Parlement européen, Forza Italia siège avec le PPE-DE et Alleanza nationale avec l'UEN. Pourtant au niveau national, les deux partis sont liés au sein de la coalition de droite ("Peuple de la liberté"), au pouvoir avec Silvio Berlusconi. Selon Eugenio Preta, secrétaire général adjoint d'UEN, c'est pour forcer la droite italienne à s'unir au niveau européen que le Premier ministre souhaite augmenter le nombre de circonscriptions pour les européennes. En cas d'accord électoral, Forza Italia (PPE-DE) et Alleanza nationale (UEN) devraient se fédérer au sein du groupe PPE-DE. Quant aux élus de la Ligue du Nord, qui siègent aujourd'hui à l'UEN, ils resteraient dans un groupe souverainiste.
Dernière inconnue : les conservateurs polonais. Si en Pologne, comme en Italie, deux partis de droite sont au pouvoir, ils ne forment pas de coalition. Le parti du premier ministre Donald Tusk (Plate-forme civique) ne devrait pas quitter le PPE-DE. Les élus Droit et justice (PIS) du président Kaczynski ne seraient pas non plus intéressés par Libertas. Qu'adviendra-t-il d'eux en cas de dissolution du groupe UEN, auquel ils appartiennent aujourd'hui? Sur les 19 députés polonais d'UEN, certains, notamment les derniers ralliés au PIS, pourraient être "attirés par les sirènes de Libertas", comme le souligne Eugenio Preta.
L'avenir d'un groupe souverainiste sera probablement étroitement lié aux résultats du parti Libertas lui-même.

Julie Bienvenu, Jérémy Lemaire, à Bruxelles

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