L'Institut national de la recherche en agronomie (Inra) refuse de retirer son rapport controversé sur les performances de l'agriculture biologique en France. Dans un communiqué publié lundi, le prestigieux institut répond à une lettre d'une centaine de chercheurs en agronomie, qui dénonçaient le "parti-pris non scientifique" de l'étude.
Daté de septembre 2013, le rapport polémique expose notamment deux constats : l'agriculture biologique est un handicap en terme de productivité et les produits bios n'apportent aucun bénéfice à la santé des consommateurs. A l'époque, l'Inra répondait à un appel à projets lancé par le commissariat général à la stratégie et à la prospective (CGSP), institution rattachée au Premier ministre.
Les conclusions du rapport provoquent le mécontement d'une centaine d'agronomes, économistes, sociologues, généticiens... parmi lesquels des membres de l'Inra. Dans un courrier envoyé en décembre au PDG de l'Inra, François Houllier, et à Stéphane Le Foll, ministre de l'Agriculture, ils dénonçent un document qui cite essentiellement "des ouvrages et pamphlets connus pour leur hostilité à l'agriculture biologique", tout en précisant : "Il ne s'agit pas de prendre parti en faveur de l'agriculture biologique, mais bien en faveur d'une analyse rigoureuse de ses forces et de ses faiblesses. (...) Ce qui n'est pas le cas dans ce rapport". Et les signataires de la lettre (lire ci-dessous) de demander une "expertise scientifique collective" sur l'agriculture biologique.
Les pesticides au coeur du débat
Le rapport estime que les pesticides n'ont pas d'incidence sur la santé, et suggère en ce sens de supprimer les normes imposées à l'agriculture biologique et d'autoriser les pesticides de synthèse, dans le but d'améliorer les performances économiques. A cette recommandation, les signataires répondent que de nombreuses études attestent des effets dangereux sur la santé de certains produits phytosanitaire.
Par ailleurs, ils n'approuvent pas la vision réductrice de l'agronomie développée dans l'étude qui assimile la performance agronomique au rendement, sans prendre en compte les conséquences bénéfiques sur l'environnement.
Stéphane Le Foll interpellé
L'Inra affirme avoir déjà répondu à l'interpellation des scientifiques en janvier dans une lettre de son PDG, François Houllier, qui leur propose de "prolonger le débat de manière constructive" le 20 mars sous l'égide du CGSP. Un deuxième document apporte des réponses détaillées aux critiques.
Mardi, la polémique a glissé sur le terrain politique. Brigitte Allain, député Europe Ecologie-Les Verts de Dordogne, a envoyé une question écrite à Stéphane Le Foll, et demande au ministre "s’il envisage de retirer cette publication et de demander une expertise scientifique collective". Le sénateur écologiste du Morbihan Joël Labbé a également annoncé avoir envoyé un courrier au ministre.
Claire Le Moine