Le leader mondial des produits laitiers a annoncé, mercredi, réduire de près de 9 % ses volumes de lait collecté en France entre la fin de l’année 2024 et 2030. Un moyen de valoriser les produits français, au détriment de centaines de producteurs. Décryptage en chiffres et infographies.
Lactalis, leader mondial des produits laitiers, a décidé de réduire ses volumes de lait collecté. Photo : Paul Keiffer
Camembert Président, mozzarella Galbani, crème Bridélice… derrière ses marques, un seul et même groupe : Lactalis, le numéro 1 mondial du lait. Mercredi 25 septembre, le géant mayennais de l’agro-industrie a annoncé à l’Union nationale des éleveurs livreurs Lactalis (Unell), réduire “progressivement” sa collecte de lait en France de 8,8 % d’ici 2030. Webex fait le point sur cette décision en cinq chiffres.
1. 450 millions de litres de lait collectés en moins chaque année
Lactalis va réduire son volume de lait collecté dans les fermes françaises qui s’élève à 5,1 milliards de litres par an, de 450 millions de litres, à partir de fin 2024. Une baisse de 8,8% présentée comme un moyen de se "recentrer sur les produits de grande consommation français, mieux valorisés, car moins sujets aux aléas des marchés mondiaux", justifie l’entreprise. Les 450 millions de litres collectés en moins représentent 2% du volume total de lait collecté en France, pour le groupe qui collecte 22% du lait français, d’après les données de l’Agreste.
La Confédération paysanne, syndicat agricole classé à gauche, dénonce "la stratégie mortifère de Lactalis et la dépendance économique structurelle des producteurs face aux laiteries" qui les dissuade de revendiquer de meilleurs revenus par peur de cessation de collecte.
2. Le beurre et le lait en poudre, peu valorisables, représentent 30 % de l’offre de Lactalis
30% de l’offre produite à partir du lait collecté sont des produits tels que le beurre ou le lait en poudre, vendus sur les marchés internationaux comme ingrédients aux industriels. Or, le lait en poudre connaît depuis 2022 une forte dévalorisation, avec une baisse des cours mondiaux de -31 % pour la poudre maigre (poudre de lait demi-écrémé) et -23 % pour la poudre grasse (lait entier), d’après le rapport sur les marchés mondiaux de lait et de viande publié par l’Institut de l’élevage en juin 2024. Lactalis entend donc éviter des excédents de lait de plus en plus difficiles à revendre. " Les marchés se sont écroulés. On payait plus cher le lait qu'on le vendait " sur ces produits exportés, a justifié une porte-parole à l’AFP.
3. Un prix d’achat à 435 euros les 1000 litres
Lactalis présente la baisse des volumes comme la contrepartie d’un meilleur prix d’achat de la tonne de lait, sujet qui fait régulièrement l’objet de vives tensions agricoles. Chaque mois, le groupe fixe le prix d’achat du lait aux éleveurs avec l’Unell, l’association d'organisation de producteurs. Entre 2022 et 2023, ce prix d’achat a augmenté de 1 %. Par comparaison, le prix d’achat annuel moyen du concurrent direct de Lactalis, le groupe coopératif Sodiaal qui exploite les marques Candia, Entremont ou Yoplait a progressé de 8 %. Pour l’année 2024, en attendant les données définitives, Lactalis n’a pas acheté son lait beaucoup plus cher avec un hausse de 2 % entre juillet 2023 et juillet 2024, de 425 à 435 euros la tonne.
4. Lactalis achète 22 % de son lait à des éleveurs français
Avec cette réduction de la collecte, ce sont les producteurs de lait qui vont se retrouver sur le carreau. Particulièrement ceux du Grand Est et du sud de la Loire avec respectivement 150 et 120 exploitations concernées. En première ligne, Unicoolait, la coopérative mosellane aux 238 producteurs, qui n’a que Lactalis pour client. Même si le groupe a précisé qu’il ne rompait pas les contrats et qu’il souhaitait "travailler très en amont avec les organisations de producteurs sur les modalités d’accompagnement, une fois les contrats arrivés à échéance", environ 800 des 12 500 producteurs français se retrouvent contraints de toquer à la porte de d’autres acheteurs ou de réduire leur cheptel.
"Une déflagration pour le milieu laitier" a réagi le président de la FNSEA, Arnaud Rousseau. D’autant plus que chez les éleveurs, la crainte que Lactalis compense en collectant du lait moins cher à l’étranger, dans l’un des 49 pays où la firme est présente, s’installe. Le n°1 mondial ne collecte que 22 % de son lait en France.
5. Un chiffre d’affaire record de 30 milliards d’euros en 2023
Pourtant, la multinationale est loin d’être en grande difficulté financière. En 2023, elle a même atteint un nouveau record avec 30 milliards d’euros de chiffre d’affaires et 420 millions d’euros de bénéfices. Des montants qui font déjà grincer les dents des syndicats agricoles.
Ismérie Vergne
Édité par Louise Pointin