La mort de l’ancien président chilien Sebastian Piñera dans le crash de son hélicoptère ravive l'idée reçue selon laquelle ces engins seraient plus dangereux que l'avion. Un cliché que les chiffres démentent.
Le 11 janvier dernier, deux personnes sont mortes en hélicoptère durant leur formation, après une panne moteur. © Md. Shaifuzzaman Ayon
Comme « le club des 27 », on pourrait presque imaginer un « club » des célébrités victimes de crash d’hélicoptères. Le 6 février, l’ancien président chilien Sebastian Piñera a rejoint ses rangs. Il pilotait lui-même l’engin qui s’est écrasé dans le lac de Lago Ranco, au centre du Chili. Les trois passagers qu’il transportait ont survécu.
Le chef d'Etat s'ajoute à une liste de victimes déjà bien longue : en 2021, l’hélicoptère d’Olivier Dassault, fils de l’industriel Serge Dassault, percute un arbre au décollage. Lui et son pilote sont tous les deux tués. En 2020, le basketteur cinq fois champion de NBA Kobe Bryant a perdu la vie avec neuf autres personnes, dont sa fille Gianna, dans le crash de son hélicoptère personnel. En 2015, la navigatrice Florence Arthaud, la nageuse Camille Muffat et le boxeur Alexis Vastine meurent dans une collision entre deux hélicoptères en Argentine, dans le cadre du tournage de l’émission Dropped, sur TF1. Plus ancien mais tout aussi marquant : le décès de Daniel Balavoine, dont l’hélicoptère a heurté une dune dans le désert malien en 1986, lors du Paris-Dakar.
Les accidents mortels impliquant des civils alimentent également les pages des médias locaux et nationaux : le dernier en date a eu lieu le 11 janvier, au large de Mandelieu-la-Napoule (Alpes-Maritimes). Deux personnes sont mortes durant une formation après que l’appareil a subi une panne moteur et a coulé en mer. Ces accidents impressionnants et très médiatisés soulèvent la question de la sécurité des hélicoptères. Alors que les avions de ligne sont présentés comme le moyen de transport le plus sûr au monde, les hélicoptères paraissent porter une malédiction. Mais que nous disent les données disponibles ?
Un seul accident mortel en France en 2022
Le rapport annuel sur la sécurité aérienne de 2022, produit par le ministère des Transports, n’a répertorié que 12 accidents impliquant des hélicoptères cette année en France, dont un seul a été mortel. Par comparaison, le rapport fait état de 71 accidents d’avions, dont dix mortels, et de 108 accidents d’ULM, dont 25 mortels. Mais si le nombre de crashs est plus faible pour les hélicoptères que les autres engins volants, leur proportion rapportée à la taille de la flotte française est plus préoccupante. Sur le nombre d’hélicoptères en France, 5% ont subi un accident, contre 1,5% des avions et 0,5% des ULM.
Dans son rapport de 2023, le Bureau d’enquêtes et d’analyses pour la sécurité de l’aviation civile (BEA), revient sur les dix enquêtes pour lesquelles il a été saisi. Il relève six accidents causés par une prise de risques du pilote face à un obstacle ou un relief, trois accidents relevant d’une « faible prise en compte, voire la méconnaissance des caractéristiques et des limites de performance des aéronefs par certains pilotes », et un accident impliquant un pilote sous l’emprise de drogues. La plupart des accidents ont eu lieu pendant une formation au pilotage.
Pour être pilote, seules 45 heures de vol
Slate s’était déjà posé la question il y a plus de dix ans, dans un article intitulé « Pourquoi les hélicoptères semblent se crasher tout le temps ? » (en anglais). Le site l’explique par le fonctionnement des hélicoptères et les conditions dans lesquelles ils sont pilotés. Contrairement aux avions de ligne, qui volent très haut et dans des couloirs qui leur sont réservés, les hélicoptères volent proches du sol, et dans toutes les directions. Cela les rend plus susceptibles de percuter des arbres, des pylônes électriques, des montagnes. Le BEA rappelle également que les hélicoptères sont les aéronefs privilégiés pour atteindre des zones escarpées ou difficiles d’accès, ce qui complexifie donc les conditions de vol, même pour des professionnels.
L’accidentologie plus élevée peut s’expliquer aussi par la formation des pilotes. Aucun diplôme n’est nécessaire, il suffit d’avoir 17 ans au moins, et d’avoir suivi 45 heures de vol en formation. Pour devenir pilotes professionnels et piloter en conditions météorologiques dégradées, certains suivent des formations complémentaires. Les pilotes d’avion, eux, doivent passer par une formation bien plus sélective, qui requiert souvent un diplôme préalable et la réussite à un concours où peu de places sont ouvertes.
Mais comme pour les crashs d’avion de ligne, chaque accident d’hélicoptère renforce leur sécurité. Ils sont souvent impressionnants, et donc médiatisés, de par leur bilan généralement lourd, mais ils permettent de repérer les erreurs humaines ou défauts mécaniques à corriger dans le futur. À la fin de chacun de ses rapports d’enquête, le BEA donne ses recommandations pour prévenir un incident similaire. Beaucoup concernent précisément la formation des pilotes, que le bureau conseille d’étoffer et d’allonger.
Eva Pontecaille
Edité par Lisa Delagneau