Emmanuel Macron a fait rénover la salle des fêtes, l'un des lieux les plus emblématiques de l’Élysée. Depuis, la Toile s'écharpe sur la nouvelle couleur de la moquette et la disparition des rideaux.
Depuis son inauguration en 1889 par le président Sadi Carnot, la salle des fêtes de l’Élysée était connue pour ses somptueux rideaux pourpres et son épaisse moquette carmin. Mais voilà que 130 ans plus tard, cette image est reléguée au passé. On s’est débarrassé des rideaux, on a remisé les tapisseries des Gobelins au Mobilier national, et on a préféré une moquette grise que rouge. Un choix de Brigitte Macron, dit-on.
Coût de la rénovation : 500.000 euros, et une (énième) polémique sur les réseaux sociaux. Parmi les avis des internautes, on retient celui d’Aurélia, publié sur son compte Twitter : «Le gris ça fait très open space des grosses entreprises...» Il est semblable à l'avis de Louise : «C'est moche, c'est froid, c'est triste. C'était bien mieux en rouge.»
Il n’en fallait pas plus pour que les internautes s’engouffrent dans la brèche pour diffuser une infox (ou fake news) via la comparaison de deux images avant/après ne provenant pas de la même salle. Une infox reprise par le rédacteur en chef du Figaro et par Russia Today, épinglés par le service Checknews de Libération.
PATRIMOINE - #PalaisdelÉlysée : la salle des fêtes rénovée est dévoilée au public https://t.co/LddWoCe9wK via @Figaro_Culture pic.twitter.com/EZMaKrfLcU — Olivier Delcroix (@Delcroixx) 1 février 2019
Cette infox a pris la forme d’un photomontage diffusé sur les réseaux sociaux à partir du 1er février 2019. D’un côté, la salle des fêtes avant sa rénovation, toute rouge et dorée. De l’autre, une salle toute blanche, à la moquette grise, et aux dorures bien plus dépouillées. Problème : il ne s’agit pas de la salle des fêtes, mais du salon Napoléon III, attenant, qui a été lui aussi rénové dans le même temps. C’est ce qu’un internaute qui a repéré l’erreur s’évertue à expliquer dans le tweet ci-dessous.
En rouge: vues de l’article (je ne suis pas sûr de l’orientation pour celle du bas) —> pas le même salon
En vert: la photo que vous avez postée —> ne montre toujours qu’un seul des deux salons.
Ils sont proches mais pas identiques. C’est le seul truc que je dénonce. pic.twitter.com/q9D9vpJYQg— •Fzael• (@fzael) 3 février 2019
La réfection de la salle des fêtes a bien eu lieu. Mais les dorures, peintures aux plafonds, et lustres sont toujours présents. La moquette, grise, a bien été changée : c’est la même que celle visible dans la photographie du salon Napoléon III. Et pour remplacer les tapisseries des Gobelins, un grand monogramme républicain immaculé est apparu. C’est ce qu’on voit dans le tweet ci-dessous, publié par une journaliste de TF1.
La salle des fêtes de l'@Elysee version 2019 : moquette grise et symboles républicains pic.twitter.com/I7Dmgnmnhe
— Alison TASSIN (@AlisonTassin) 1 février 2019
Jérôme-Olivier Delb, architecte, ne comprend pas les critiques adressées à cette nouvelle décoration. «Je suis toujours méfiant envers l’avis populaire : si on l’avait écouté, on n’aurait pas de tour Eiffel ou de pyramide du Louvre. Rénover ce salon, ce n‘est pas de la mégalomanie, ce n’est pas un caprice ! L’Élysée n’a pas été ravagé !»
«C’est le fruit d’une réflexion globale avec les architectes du patrimoine» poursuit-il. «C’est un marché public, avec une architecte recrutée sur concours, avec des artisans qui interviennent sur tous les grands monuments nationaux. Il s’agit de préserver le patrimoine : on a retiré les tapisseries des Gobelins pour les restaurer. Elles étaient là depuis un siècle, elles risquaient de se déchirer.»
Tellement déçu que les réseaux sociaux n’aient pas existé à l’époque de Pompidou... on aurait eu droit aux tweets indignés contre la Première dame de l’époque, aka «la Pompidour», qui avait aussi rédécoré l’Élysée (et beaucoup plus radicalement). pic.twitter.com/kj33A890dY
— Adrien DLP (@adrien_dlp) 4 février 2019
Jérôme-Olivier Delb rappelle aussi que redécorer le palais s’inscrit dans l’histoire des différents présidents de la République. «Pompidou avait aménagé le salon Paulin. Mitterrand avait fait percer toutes les fenêtres de la salle des fêtes car il n’y en avait pas avant. Tous ont apporté quelque chose à l’Élysée, et tous ont reçu des critiques.»
Est-ce que c’était mieux avant ? Non, tient à souligner l’architecte : «Pour le choix de la couleur, chacun voit midi à sa porte : pour moi, cette salle ampoulée et rococo était horrible ! On aurait dit un bordel ! Quand j’y suis allé, on y étouffait, c’était sombre, car la lumière est absorbée par le rouge. Alors que maintenant, le gris la réfléchit : ça se voit sur les photos...»
Pendant 130 ans, cette salle aura accueilli des visites et des réceptions tout de rouge vêtue. C’est fini désormais : place au gris de la modernité. Bien qu’il reste possible de la revoir comme à l’origine… sur le petit écran. Mystère à l’Élysée, avec Clémentine Célarié, a été en partie filmé dans cette salle des fêtes. Quelques mois avant sa rénovation.
Vincent Ballester