Richard Ferrand, ici dans l'Hémicycle, était membre du PS avant de rejoindre En Marche. /Crédits Richard Ferrand
L’élection de Richard Ferrand à la tête de l’Assemblée nationale met au jour de nouvelles dissensions idéologiques au sein de la majorité.
En apparence, tout va bien du côté de La République En Marche (LREM). Du moins, on pourrait le croire. Richard Ferrand, marcheur de la première heure, prendra le 12 septembre la tête de l’Assemblée nationale. Le député du Finistère est sorti largement vainqueur d’un scrutin interne. Avec 64% des suffrages au premier tour, il a devancé l’ancienne écologiste Barbara Pompili. Le perchoir était vacant depuis le 4 septembre dernier et l’intégration au gouvernement de François de Rugy, en lieu et place de Nicolas Hulot, démissionnaire surprise.
Si la victoire de Richard Ferrand ne souffre d’aucune contestation sur le plan comptable, en coulisses, plusieurs élus macroniens grincent des dents. Certains, à l’heure de la parité, défendaient ardemment l’idée qu’une femme soit élue pour la première fois de l’histoire au perchoir. A commencer par Barbara Pompili, principale rivale de l’ancien ministre pour le poste. Celle-ci se prévalait d’incarner « un message d'audace, de renversement des codes. Un message appelant à casser le plafond de verre pour les femmes ». Mais si l’on en croit les témoignages que Ouest France a pu glaner, sa campagne sur les plateaux de télévision est assez mal passée au sein du groupe. Preuve de cet élan féministe, deux autres femmes marcheuses prétendaient aussi à s’emparer de la présidence de l’Assemblée nationale : Yaël Braun-Pivet et Cendra Motin.
Fraîchement élu par ses pairs, Richard Ferrand s’est fendu d’une petite pique significative des tensions qui peuvent régner au sein du parti d’Emmanuel Macron. « Le choix s'est porté sur moi. Vous me pardonnerez de ne pas être une dame », a ainsi déclaré le député du Finistère. De quoi déclencher l’ire de personnalités politiques féminines. L’ancienne ministre du Droit des femmes, Laurence Rossignol, a ainsi déclaré sur Twitter qu’il allait falloir « faire un effort pour pardonner au monsieur la bêtise infatuée de ses propos. »
Ne pas rajouter de « désordre » au « désordre »
Dans ses colonnes, Libération relatait la volonté de certains députés macroniens de ne pas rajouter « de désordre », en votant en faveur d’une figure majeure du parti. Leur choix s’est donc porté sur Richard Ferrand, bien que toujours sous le coup d’une information judiciaire. En 2017, l’affaire des Mutuelles de Bretagne lui avait coûté sa place de ministre de l’Aménagement du territoire. En guise de consolation, Emmanuel Macron l’avait propulsé à la tête du groupe parlementaire LREM au lendemain des législatives. Toujours selon Libération, pas moins de quinze parlementaires LREM souhaiteraient lui succéder. Une nouvelle bataille interne s'annonce.
Affaire Benalla, démission surprise de Nicolas Hulot ou encore débats électriques autour de la loi Asile et immigration, des périodes de « désordre », Emmanuel Macron et son gouvernement en ont traversées ces derniers mois. En avril, les réactions contraires sur le texte défendu par Gérard Colomb ont laissé entrevoir un début de fronde au sein de la majorité, rappelant le quinquennat Hollande. Certains élus de La République En Marche ont pointé le « manque d’humanisme » de cette loi envers les migrants, avant de menacer de quitter le parti. C’est notamment le cas d’Aina Kuric, députée de la Marne, qui a été sanctionnée par la suite. Cependant, ni elle ni aucun autre député n’est allé au bout de sa démarche. Dans le même temps, l’opinion publique a décroché. Selon un sondage Odoxa dévoilé en septembre, 71% des Français estiment qu’Emmanuel Macron n’est pas un bon président. Un record.
Eviter une scission
Les dissensions grandissantes au sein du parti du président constituent-elles pour autant une surprise ? La République En Marche est un parti jeune, fondé en 2016 par Emmanuel Macron pour préparer sa candidature à la présidence de la République. Composé en partie de personnes issues de la société civile, il est naturellement moins expérimenté qu’un parti établi depuis des dizaines d’années. Aussi, et surtout, La République En Marche regroupe en son sein des femmes et des hommes provenant des différentes franges de l’échiquier politique français. Difficile pour un ex-membre des Républicains d’être en adéquation sur tous les sujets avec un transfuge du Parti socialiste.
Interrogé par franceinfo, François-Michel Lambert, député LREM des Bouches-du-Rhône, a confirmé les tensions existantes mais a réfuté l’idée d’une scission au sein de la majorité. A ses yeux, « ce n'est pas un groupe de frondeurs qu'il faut créer mais un groupe dans la majorité qui porterait les dimensions de l'écologie, des territoires et la dimension de l'humanisme... » A Tours, devant les parlementaires LREM, Edouard Philippe a quant à lui souhaité « prendre la hauteur » selon les mots du journal Le Monde. Aux yeux du Premier ministre, les « rumeurs, petites phrases et polémiques » masquent « l’essentiel ».
Florian Bouhot