Au conseil municipal du 21 mars prochain, la Ville devrait décider de la fermeture de l'espace Hoche et de l'installation d'un nouveau site d'insertion temporaire des Roms plus proche du centre-ville, sur le modèle de l'espace 16, où vivent 140 Roms depuis 2011. Malgré de meilleures conditions de vie que dans les bidonvilles, le quotidien y reste difficile.
L'espace Hoche d'insertion temporaire des Roms fermera ses portes d'ici juillet 2017. Installé à 12 km de Strasbourg sur un terrain militaire, il était à maintes reprises critiqué au vu de cette situation géographique peu idéale à l'intégration sociale. "Le centre sera transféré sur un nouveau lieu plus proche du centre-ville pour faciliter l'insertion de ces familles", révèle Jean-Claude Bournez, chef de la mission Roms de la Ville. Il pourra accueillir environ 150 personnes (contre 108 actuellement à Hoche), en particulier les familles qui habitent encore dans des terrains du quartier de l'Elsau encadrés par la Ville. Le but : fermer définitivement tous ces bidonvilles de Strasbourg que Jean-Claude Bournez qualifie "d'indignes pour ceux qui y vivent et ceux autour".
Le nouveau site devrait ressembler à l'espace 16, une structure temporaire d'insertion pour les Roms créée en 2011. Dans ce bastion situé derrière la gare de Strasbourg vivent 140 Roms, tous originaires de Roumanie. Ils habitaient auparavant dans les bidonvilles de Strasbourg que la municipalité a détruit pour les reloger dans de meilleures conditions. Pourtant, la vie quotidienne demeure difficile pour ces familles qui n'ont qu'un but : trouver un emploi pour bénéficier d'un logement social.
30 euros par mois. Les familles logent dans des caravanes fournies par la Ville. Ceux qui travaillent payent 30 euros par mois de loyer tandis que les autres sont logés gratuitement. L'association Horizon amitié les accompagne dans leurs démarches d'insertion professionnelle. Un préfabriqué au centre du camp fait office de bureaux pour les trois éducateurs qui y travaillent quotidiennement.
Les résidents se partagent les douches, les toilettes ainsi que les machines à laver. Beaucoup se plaignent du manque d'intimité qu'offrent ces sanitaires communs et de leur état souvent délabré. Dans son bilan de septembre 2015, la mission Roms de la Ville justifie l'état de ces installations par "leurs mauvaises utilisations et parce qu'elles font l'objet de dégradations liées à des petits règlements de compte entre familles."
Vasile Viorel, 29 ans, juriste en recherche d'emploi. Il habite sur le site depuis quelques mois dans une caravane avec sa femme. En Roumanie, il occupait le poste de juriste dans une association non-gouvernementale. Il travaillait jusqu'à douze heures par jour pour un salaire de 300 euros par mois. Aujourd'hui, il enchaîne les rendez-vous à Pôle emploi dans l'espoir de décrocher rapidement un travail. Il suit des cours de français à l'université populaire. Son rêve : devenir juriste en France.
Turca Marta, 50 ans, vit avec son concubin dans une caravane. Elle est venue en France pour chercher du travail en tant que femme de ménage. Sans succès jusqu'à présent. "Je n'ai pas de maison, d'argent en Roumanie", raconte-elle.
Objectif : baccalauréat. Arrivé à Strasbourg en juin 2014, David vit avec ses parents dans l’une des caravanes du site. Inscrit au collège Foch, le jeune adolescent de 15 ans a vite appris le français. Pendant ces deux semaines de vacances, David passe la plupart de son temps à aider ses parents dans les tâches ménagères. S’il obtient son bac d’ici trois ans, il souhaite suivre une formation en mécanique.
Sa fille comme interprète. Preda Lingurar vit depuis cinq ans à l’espace 16. Il fait partie des premiers Roms relogés sur le site. Depuis le décès sa femme, il y vit seul avec sa fille Narcissa âgée de 11 ans. Elle lui sert d'interprête car il ne maîtrise pas encore bien le français. Après avoir vécu dans un bidonville de Strasbourg, il apprécie les aménagements proposés sur le site. Toutefois, sans emploi, ni aides financières, il survit grâce à l’aide des Restos du cœur qui lui fournit chaque lundi une caisse de provisions.
Espace étroit. Depuis la démolition du bidonville de la Petite-forêt, Robert Meusca vit avec sa mère, sa femme et ses deux enfants sur le site de l’espace 16. Il se plaint du manque d’espace pour vivre dignement dans ces lieux avec sa petite famille. Ses lettres de refus à la main, il déplore la difficulté de trouver un emploi en France pour "quelqu'un qui ne parle pas parfaitement le français." Jean-Claude Bournez, chef de la mission Roms, confirme que cette réticence éprouvée par certains employeurs est liée à son "âge avancé" et à sa connaissance approximative de la langue.
Clément Grégoire et Estelle Pattée