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Elle s’est maquillée « pour l’occasion » , dit-elle en riant. Maria Haddad, 40 ans et co-gérante de Beit Sitti, (Chez Mamie en français), nous invite dans un intérieur où les photos de familles se mêlent aux vieux ustensiles de cuisine et aux odeurs de fleur d’oranger et de sumac, une épice du Moyen-Orient. Dans le quartier bohème de Weibdeh, à Amman, un petit village de commerçants et d’artistes où vivent de nombreux expatriés, Maria Haddad et ses sœurs, Dina et Tania, ont réhabilité une charmante bâtisse des années 1940.
Installées depuis 2010, ces trois sœurs issues de la bourgeoisie jordanienne ont créé un temple de la gastronomie, prisé des touristes du monde entier et des Jordaniens les plus fortunés, venus manger et… cuisiner. « Il fallait qu’on trouve un concept où le convive puisse déguster et vivre un moment unique autour de la cuisine arabe en mettant également la main à la pâte » , explique Maria Haddad, servant un verre de sa limonade parfumée à la fleur d’oranger.
La Tchétchénie, un autre monde
Jumana et Tina n’ont jamais mis les pieds en Tchétchénie. « Si je vais là-bas, je me sentirais comme une touriste car ma maison, c’est la Jordanie », estime Tina. Pour sa mère, ce territoire, où vivent encore des membres de sa famille, semble être un autre monde. « Cela doit être incroyable d’entendre dans la rue tout le monde parler tchétchène. » Originaire du Caucase, leur langue est bien différente de l’arabe et ne ressemble plus vraiment à celle parlée actuellement en Tchétchénie : « Nous avons mieux conservé la langue ici. Nous n'avons pas été influencés par le russe », affirme Jumana.
La pérennité de leur culture est loin d’être évidente. « Pour mes enfants, cette identité ne sera pas préservée déjà parce que je suis aussi circassienne [autre peuple caucasien de Russie, ndlr] du côté de mon père et je ne sais pas encore qui sera mon mari », considère Tina. Sa mère qui espère la voir s’unir avec un Tchéchène se veut plus optimiste. « Ne t’inquiète pas pour ça, tu viendras me rendre visite avec tes enfants chaque jour sans exception », lâche-t-elle dans un éclat de rire complice avec sa fille.
Océane Caillat
Johanna Mohr
« Nous avons le droit d’être nous-mêmes »
Trouver sa place dans le pays leur paraît moins difficile en Jordanie qu’en Russie. « Ceux qui ont grandi en Tchétchénie sont fatigués de l'histoire et ne veulent plus de problèmes » , explique Tina. Opposée à la fédération de Russie, la Tchétchénie s’est battue pour son indépendance lors de deux guerres sanglantes, la première de 1994 à 1996 et la seconde de 1999 à 2009. « Ici, nous n'avons pas à lutter pour exister, nous avons le droit d'être nous-mêmes », affirme Jumana.
Grâce à l’islam sunnite, cette dernière se sent même proche des autres Jordaniens : « Quand on pratique la religion, nous sommes tous égaux. » Même avec une croyance et une nationalité commune, Jumana insiste sur les différences entre les Arabes et les Tchétchènes. « Nous sommes si fiers de notre culture et ils sont si fiers de la leur. Nous ne partageons pas les mêmes traditions et je crains parfois de les offenser. Contrairement à eux par exemple, nous ne faisons pas la bise. »
Des sons étranges retentissent. Tina Halaw, 24 ans, vient de frapper les cordes d’un merz ponder, un instrument tchéchtène de la taille d'un ukulélé. « Malheureusement, il est désaccordé, mais je ne peux pas en jouer de toute façon. On ne trouve pas de tutoriel sur YouTube, on apprend grâce aux autres », regrette-t-elle. Comme sa mère, elle est née en Jordanie et se définit « Jordanienne-Tchétchène ». Ils sont une dizaine de milliers de leur communauté à vivre dans ce pays. « Je n'ai pas choisi de venir ici, mais je suis très reconnaissante de ce que nous avons aujourd’hui », reconnaît Jumana, 50 ans, consciente de ce que leurs ancêtres ont traversé. Mère et fille sont fières de tout ce qui fait partie de leur origine : la langue, la cuisine, mais aussi les danses et la musique.
En 1944, le grand-père de Jumana fuit la Tchétchénie avec sa famille pour la Jordanie alors que Staline ordonne la déportation vers l’Asie centrale de ce peuple du Caucase. « En URSS, les musulmans n'étaient pas autorisés à prier », raconte Jumana. Libre de pratiquer son culte sur le territoire jordanien, leur aïeul a préservé les traditions de sa communauté. Près d’un siècle plus tard, Jumana continue de transmettre cet héritage tchétchène à ses trois enfants. « C’est l’essentiel de mon identité », clame Tina, sa fille aînée.
« Malgré les horreurs auxquelles font face nos proches en Palestine, nous nous unissons pour accueillir des talents palestiniens et arabes. Ce soir, nous affirmons notre droit d’exister, de résister et de partager nos histoires au monde », lit-on avant qu’une minute d’hommage ne s’engage. Un silence avant le rire. Une chanson pour la « liberté de la Palestine » aussi.
D’origine tchétchène, Tina Halaw et Jumana Arslan ont toujours vécu en Jordanie. Même si elles s’y sentent chez elles, les deux femmes cherchent à préserver les traditions de leur communauté.
« Pétra, c’était les Champs-Élysées »
Les Occidentaux présents depuis les années 1920 se sont longtemps concentrés sur leurs périodes de prédilection, l’Antiquité romaine et la période biblique. Les Jordaniens ont, eux, tendance à se tourner vers les vestiges de la période islamique (VIIe-XIIIe siècles), seulement étudiée à partir des années 1990. Aujourd’hui, ils sont des centaines chaque week-end à arpenter le château médiéval d’Ajloun, au nord d'Amman. Les plus de 100 000 sites archéologiques de Jordanie sont une manne touristique pour le pays, dont 12 % du PIB dépend directement. Plus de 90 % des visiteurs sont occidentaux, attirés autant par la merveille qu’est Pétra que par les témoignages de l’occupation romaine et chrétienne de ces territoires bibliques.
Puis, ça enchaîne. La première partie, Ghalia Twal, ne s’embarrasse pas de politesses, et en vient vite au sujet de la guerre. « Est-ce qu’il y a des étrangers dans la salle ? » Malheur au groupe d’Américains qui se fait rapidement remarquer, la punchline est prête à l’emploi : « Vos taxes financent Israël et un génocide mais vos places de ce soir sont pour la bonne cause, donc je vous remercie ! » lâche la comédienne au ton cynique. Le tant attendu et acclamé Mo Amer arrive alors, moins offensif. À Amman, il se sent « un peu chez [lui] ». Émotion oblige, l’humoriste se confie… à sa manière : « J’ai dédié toute ma carrière à qui je suis. Bon, peut-être qu’après le 11 Septembre, j’ai été Italien pendant deux mois. » Pour le reste, beaucoup de classiques, peu de politique. L’accouchement de sa femme et les cris au moment des contractions « qu’on entend que sur National Geographic » ; les taxes en Jordanie ; la circulation au Caire. Ça rit, ça siffle, ça applaudit sans retenue.