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Eman a été mariée à 16 ans. © Manon Boudsocq

Mariées par leurs familles alors qu’elles étaient adolescentes, les réfugiées syriennes se retrouvent confrontées à un cycle de violence où seules les associations les soutiennent. Mais en raison des guerres récentes, l’aide internationale est à « un niveau historiquement bas ».

En Jordanie, le sacré est omniprésent. Dans l'intimité ou à la mosquée, les cinq prières rythment le quotidien des musulmans. Si l'islam est la religion officielle du royaume, qui compte 92 % de sunnites, le roi Abdallah II est le protecteur des lieux saint – chrétiens et musulmans – de Jérusalem. Il doit donc garantir la liberté des différents cultes.

Aïcha a obtenu son certicifat de réfugiée en juin 2014, cinq mois après son arrivée en Jordanie. © Manon Boudsocq

« Aujourd’hui la zone humide est en sécurité parce qu’on peut compter sur l’eau du ministère, assure Tamir Akili, écologue à la RSCN. Mais la demande en eau ne fait qu’augmenter dans le pays, et si elle s’accroît trop, on pourrait être réellement en danger. » L’évaporation étant très forte en raison de la chaleur, deux à trois mois sans apport en eau suffiraient à tarir de nouveau l’oasis. 

Originaire d’Azraq, le jeune écologue est cependant fier des efforts réalisés jusqu’à présent. Ils ont permis de faire revenir beaucoup d’espèces d’oiseaux ayant déserté le marais et la vasière. En avril, un courlis corlieu, qui ne s’était plus posé à Azraq depuis soixante ans, a été observé.

L’aide humanitaire au plus bas

Pour lutter contre ce phénomène, l’AWO réalise des campagnes de sensibilisation, notamment dans les écoles. L’association assure un suivi des jeunes filles qui ne vont plus en cours en se rendant dans les familles et propose des formations de coiffures pour permettre à des femmes d'ouvrir leur propre salon.

Mais pour que ces initiatives soient durables, les associations sur le terrain ont besoin de financements. Problème : les donateurs internationaux, très mobilisés par la guerre en Ukraine, ont réduit les subventions. AWO, comme d’autres associations arabes, a également pâti de son soutien intransigeant à la cause palestinienne, qui a amputé plusieurs donations, comme celle de la Suède et de l’Allemagne. « Soit tu n’affiches pas d’opinion politique, soit tu ne reçois plus de financement », s’indigne Dania Al-Mousa, coordinatrice de projet à l’AWO. Une baisse de financement qui dégrade l’accès à l’éducation, reconnue pourtant comme l’un des piliers dans la lutte contre le mariage précoce. En mars, l’Unicef sonnait l’alarme : « Cette aide a atteint un niveau historiquement bas, tant à l’intérieur du pays qu’en faveur des Syriens réfugiés dans les pays voisins. » Un changement de paradigme encouragé par le gouvernement jordanien. L’année dernière, il a décrété la crise syrienne « terminée ». « Les réfugiées syriennes sont censées rentrer chez elles, souffle Dania Al-Mousa, mais c’est impossible. » Cette perspective de retour est inquiétante pour ces femmes qui perdraient alors les rares soutiens acquis dans leur pays d’accueil.

Manon Boudsocq
Jade Lacroix

« Dès le premier soir, il m’a battu »

Assise au bout de la table, Eman se rapproche de l’avant de la salle. Elle assure qu’elle « n’a rien à cacher » et se lance. « Dès le premier soir, il m’a battu. Tous les jours il me frappait, il n’y avait pas d’amour entre nous. Ma famille et la sienne le savaient, mais elles n’ont rien dit », se livre la femme de 33 ans, le regard droit, sans laisser transparaitre d’émotion. Eman tombe enceinte dès le premier mois et est forcée de rester avec cet homme maltraitant et infidèle. Ses grossesses sont des moments encore plus difficiles. « Il est devenu davantage violent quand il a appris que j’étais enceinte d’une petite fille. Un jour, il m’a frappée pour que je perde le bébé. »

En 2011, le couple fuit avec ses trois enfants la région de Homs pour s’installer en Jordanie. Alors que son mari décide de divorcer, c’est à Eman qu’on reproche cette décision, y compris dans sa propre famille. « C’était la pire année de ma vie. Après le divorce, je suis revenue le voir en lui disant que j’étais enceinte. Il m’a dit que ce n’était pas son enfant. Alors, j’ai tenté de me suicider et malheureusement, le bébé est mort », confie-t-elle au milieu des autres femmes, silencieuses face à ce récit cauchemardesque. Son mari décide de lui confisquer la garde des enfants. Désormais, Eman ne les voit que toutes les deux semaines. « Au début, ils voulaient vivre avec moi mais maintenant, leur père les a fait changer d’avis. »Son histoire, Eman ne peut même pas en parler à ses amies : « Elles seraient médisantes. »Depuis un an, elle est suivie par une psychologue, trouvée par l’AWO.

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