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 Le député AfD (extrême droite) Stefan Räpple assure que la délinquance a augmenté à Kehl. Les riverains attribuent ce phénomène à l'arrivée du tram. La corrélation entre les faits n'est pourtant pas évidente.

La ligne D du tram relie, depuis un an, les Strasbourgeois à la petite commune allemande de Kehl.  En seulement quelques minutes, les voilà de l'autre côté du Rhin. Piscines en plein air, produits discounts, tabac à bas prix : les opportunités sont nombreuses. La nuit, ce sont plutôt les casinos, les bars à chicha et les discothèques qui attirent les frontaliers outre-Rhin. L'arrivée du tram en son centre a accru cette attractivité.

Malgré un bilan comptable positif, l'extension de la ligne n'enthousiasme pas tout le monde. En effet, de nombreux riverains déplorent une hausse de la délinquance depuis la mise en service du tram. L'AfD (extrême droite) s'est de suite emparée du sujet. Le 2 octobre dernier, dans une interview pour la Kehler Zeitung, l'élu au parlement régional, Stefan Räpple allait même jusqu'à dire que « la police était totalement dépassée ».

Chef de la police de Kehl, Ingolf Grunwald constate, ces derniers mois, une hausse de la délinquance dans la petite bourgade allemande. Cuej/Pierre Griner

Malgré une campagne de communication intensive, les Illkirchois vivant à proximité du forage géothermique semblent ignorer son existence. Ils se plaignent du manque de communication autour de ce projet d’envergure et pointent du doigt des nuisances sonores. Deux points sur lesquels l’arrêté préfectoral du 21 septembre 2015 avait pourtant insisté.

« Je ne suis pas du tout au courant. Personne n’a cherché à me joindre, et pourtant depuis mon accident, il y a un an, je suis coincée chez moi. S’ils avaient voulu discuter, ils m’auraient facilement trouvée. » Danièle* vit depuis 21 ans à Illkirch-Graffenstaden. Début septembre, tout d’un coup, un gros bruit est venu perturber son quotidien. « Ça fait comme un bruit de moteur continu », décrit-elle. En discutant avec sa voisine, Chantal*, elle comprend : ce bourdonnement incessant, c’est le forage géothermique.

Lorsqu’on questionne les Illkirchois du quartier des Ormes, situé à 500m à vol d’oiseau du forage, leur méconnaissance, voire leur ignorance totale du projet, revient souvent. Même constat lorsqu’on discute avec les parents venus assister au match de foot de leurs enfants — le stade est  à 500m à peine du rig — ou les promeneurs du dimanche. Le forage géothermique, projet de grande envergure, aurait-il été lancé sans que les Illkirchois en soient avertis ?

Une campagne de communication (trop) intensive

« On a régulièrement communiqué, se défend Bernard Kempf, directeur du développement chez ES Energie, qui exloite le site. On a fait une importante campagne de presse au début du projet et on a de nouveau convoqué les médias le 6 septembre, au moment du lancement du forage. »

Emmanuel Bachmann, adjoint à la mairie d’Illkirch en charge des nouvelles technologies et du développement durable, est déçu. « On en est à six articles sur Infograff, notre magazine municipal. On a fait des réunions publiques, dont une, il y a trois ans, où 50 personnes se sont déplacées, dans une salle qui pouvait en contenir 450 ! »

Le rapport d’enquête publique stipule en effet que le 10 avril 2015, 80 personnes, dont « une majorité d’élus », ont assisté à la réunion publique du jour. Mais dans ce même document, l’enquêteur public en charge du dossier, Yves Kleiser, pointe « la manque d’information en amont de la population sur la géothermie par les pouvoirs publics, notamment de la part de l’Eurométropole ». Il va même jusqu’à qualifier l'erreur de « manquement grave », d'autant que le document santé et sécurité n’est pas mis à la libre disposition du public.

Depuis, l’Eurométropole a rectifié le tir. « L’ensemble du projet ES est accessible en ligne, sur un site internet qui lui est entièrement dédié, commente-t-on au centre administratif. Il y a toute une documentation disponible à la mairie de quartier. On est un service public, on n’avance pas masqué. »

« C’est le mal moderne, le manque de communication, ou plutôt le trop plein de communication, déplore Emmanuel Bachmann. C’est pareil dans tous les domaines. »

[ Plein écran ]

Le gribouillis de « Nabil Fekir », plus habile avec sa main qu'avec ses pieds. Cuej/Florian Bouhot

Ce déménagement met en difficulté la clinique Rhéna, déjà engagée dans un bras de fer avec la clinique de l'Orangerie pour accueillir ses cardiologues libéraux. Le sujet reste donc extrêmement sensible. Pour preuve : la clinique Rhéna a refusé de communiquer toute donnée sur le nombre de naissances réalisées à la clinique Adassa avant le regroupement, se contentant d'une estimation du bilan de l'année 2017.

Côté Sainte-Anne, on se félicite de l'arrivée des nouveaux praticiens qui ont permis à la maternité de retrouver sa cadence d'autrefois. La clinique qui, par le passé, recensait près de 2400 naissances annuelles était retombée depuis plusieurs années sous la barre des 2000, avec une année 2016 à 1681 naissances, pire score depuis 2012.

Pour pouvoir assurer son rôle de première maternité privée de la ville de Strasbourg, Sainte-Anne, membre de l'établissement privé de santé d'intérêt collectif Saint-Vincent, a engagé début 2018 des travaux de rénovation de son troisième étage. Au total, ce sont plus de 1100 m² qui seront destinés à améliorer le confort de la maternité pour quelque trois millions d'euros d'investissement : fin des travaux prévue pour décembre 2018. Par ailleurs, ce surplus d'activité s'est accompagné d'une phase de recrutement allant des sages-femmes aux auxiliaires puéricultrices.

Le public reste largement en tête

Historiquement, la clinique Sainte-Anne est la maternité du nord de Strasbourg et de sa périphérie : 35% de ses patientes viennent de la commune, 30% du reste de l'Eurométropole (Bischheim, Schiltigheim..), les 35% restants d'autres cantons alsaciens. "Notre clinique bénéficie d'un certain rayonnement qui lui permet de dépasser la seule commune de Strasbourg", explique David Quiring, gestionnaire de la clinique. "Tout le monde connaît quelqu'un qui a accouché à Sainte-Anne."

Malgré cette bonne réputation et des chiffres en hausse, elle est devancée par le Centre médico-chirurgical et obstétrical (CMCO) de Schiltigheim qui reste la première maternité de Strasbourg. L'établissement public dénombrait en effet 3337 naissances en 2017, qui, additionnée aux 2987 naissances du site de Hautepierre la même année, font sans conteste des hôpitaux universitaires la première maternité de l'agglomération avec un total de 6324 naissances.

Boris Granger

Juliette Mariage et Sophie Wlodarczak 

Créée en 1927, la clinique Sainte-Anne est un acteur historique de la maternité à Strasbourg. Elle tend, à la suite de profonds bouleversements dans le monde des cliniques strasbourgeoises, à confirmer sa place de premier acteur privé dans ce domaine.

C'est en février 2017 que la clinique Rhéna, située dans le quartier du Port-du-Rhin, ouvre ses portes, fruit du regroupement de trois établissements confessionnels : les cliniques Sainte-Odile, Diaconat et Adassa. Cette dernière disposait d'une maternité de niveau 1, prenant en charge les accouchements sans risque identifié, transférée dans les locaux de Rhéna. Lors de cette fusion, 10 des 17 gynéco-obstétriciens de l'équipe d'Adassa, regroupés au sein de l'association des gynécologues libéraux Agyl, se décident à rejoindre les 16 praticiens de la clinique Sainte-Anne qui dispose d'une maternité de niveau 2 pouvant accueillir des bébés prématurés nés à partir de 34 semaines de grossesse.

Une délinquance à nouveau en hausse

« Après deux ans de baisse, on assiste, depuis 2018, à une augmentation de la délinquance », confirme Ingolf Grunwald, chef de la police de Kehl, tout en précisant que les chiffres de l'année ne sont pas définitifs. Les cas de vol à l'étalage, de coups et blessures et de violence envers des membres des forces de l'ordre semblent s’être accrus ces derniers mois. « En 2017, nous avions comptabilisé 650 vols à l’étalage. Cette année, nous avons atteint ce résultat dès septembre », déplore le chef de police.

Depuis de nombreuses années, ce type de délinquance est constitutif du quotidien kehlois. Ce phénomène, Ingolf Grunwald le met sur le compte de l’alcool, bien moins cher en Allemagne qu’en France. « En discothèque, les alcools forts sont à bas prix, et les soft gratuits. Voilà pourquoi les clubs frontaliers sont très prisés. Certains week-ends, ils peuvent accueillir près de 5000 clients », note-t-il. Et encore, ces chiffres n'incluent pas les amateurs de bars à chicha et de casinos, peu ou pas présents dans les villes de l’Hexagone. Sans affirmer que l’arrivée du tram à Kehl est la raison de cette recrudescence de la criminalité, le chef de la police établit tout de même une corrélation : « Même si on ne peut analyser précisément l’impact du tram sur la délinquance, on remarque tout de même une augmentation depuis sa mise en service. »

Le chef de la police reconnaît que 95% des coupables d’infractions à Kehl résident en France. De là à dire que les Français sont plus délinquants que les Allemands, il y a un pas qu'il se garde bien de franchir. « Cela vient du fait que Strasbourg est une grande ville. En comparaison, Kehl est une toute petite commune. Nous n’avons que 35 000 habitants ». Le maire de Kehl, Toni Vetrano (CDU), partage cette analyse : « Naturellement, la proximité avec la ville de Strasbourg impacte la criminalité à Kehl. Tout simplement parce que Strasbourg est une métropole densément peuplée. Si plus de personnes viennent, la probabilité de trouver, parmi eux, des gens mal intentionnés, est aussi plus importante. Qu’ils viennent en voiture, à pied, à vélo, ou en tram importe peu. »

À un an seulement des élections communales, la résurgence de cette thématique n’est pas anodine. Ces discours alarmistes ont permis au parti d’extrême droite AfD d’entrer en septembre 2017 au Bundestag et, le 14 octobre 2018, au parlement régional bavarois. Cela n’empêche pas les forces de l’ordre de prendre la situation au sérieux. La coopération policière franco-allemande, déjà existante entre Kehl et l’Eurométropole, sera développée dès la fin des travaux d'extension de la ligne D. «Dans les prochains mois, nous mettrons en place des patrouilles franco-allemandes dans le tram, annonce Ingolf Grunwald. Les patrouilles existantes, à pied, à vélo, ou en voiture, seront quant à elles renforcées ».

Florian Bouhot, Lucie Duboua-Lorsch et Pierre Griner

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