Antoine Chevalier a décidé de convertir son outil de travail en logement. Depuis 10 ans, c’est dans sa péniche amarrée sur les bords de l’Ill que cet ancien marinier a choisi de couler des jours paisibles.
A l’échelle de la ville, le constat est le même : « Nous avons des personnes qui rentrent dans la clôture, des squats, des vols, des jardiniers jaloux du voisin ou encore des incendies », énumère Philippe Bambis. Pour prévenir ces actes de vandalisme, la Ville a mis en place des pavillons en béton effet bois. Depuis, les actes de pyromanie sont passés de 80 à un ou deux par an. Difficile cependant de protéger les 4850 jardins. La mairie emploie une société de surveillance, mais « nous ne pouvons pas mettre des caméras partout », explique Philippe Bambis. Ces actes n’encouragent pas les habitants à s’investir dans l’entretien de leur parcelle. « Si une personne veut escalader la clôture, elle le fera », observe Brahim Bouzid.
Le centre commercial Rivetoile n’est pas réservé aux consommateurs. Chaque jour, des usagers viennent flâner, skater, lire ou jouer, s’appropriant les lieux à leur façon.
Il est 10h et le bruit des pelleteuses résonne entre les tours de l’éco-quartier Danube. Autrefois en friche, cet espace est en pleine rénovation. Au milieu du brouhaha, Jérémy Hinnewinkel vient d’ouvrir sa première boulangerie, La Passion des délices : « A l’origine, je voulais m’installer à Port du Rhin, près du Crédit Mutuel, en face de la ligne du tram. Mais il n’y avait pas de raccordements électriques suffisants pour une boulangerie. »
C’est le logeur social Habitation Moderne, lié à la CUS, qui lui a proposé de s’installer dans le futur éco-quartier. Pour le moment, les immeubles en face de la boulangerie ne sont pas achevés, la route n’est pas encore bétonnée et des dizaines d’ouvriers installent les canalisations. Cet environnement défavorable au commerce n’a pas découragé ce jeune homme de 26 ans : « J’ai pris un gros risque, mais c’est aussi un rêve. »
A la différence des jardins familiaux, les associations ne paient pas de loyer mais sont liées à la mairie par une convention. Il n’y a pas de critères de sélection. « Il faut qu’il y ait un pilote et un collectif qui ait envie d’entretenir », explique Philippe Bambis, directeur du département jardins familiaux. Si les Strasbourgeois sont très attachés au jardinage, « partager un jardin ne fait pas l’unanimité. Le concept n’a pas encore trouvé ses adhérents », déplore Philippe Bambis. Les habitants restent attachés à leurs parcelles individuelles.
Une vingtaine de jardins partagés ont fleuri à Strasbourg depuis 2007. Ils prônent le « do it yourself » mais l’engagement citoyen n’est pas toujours au rendez-vous. Aux Deux-Rives, les mauvaises herbes ont envahi l’espace. Personne ne s’est occupé de l’entretien depuis le mois d’août. « Il y a un intérêt pour le jardinage mais les adhérents n’ont pas le temps. Le problème, c’est qu’une parcelle, il faut la suivre », déplore Brahim Bouzid, membre de l’association Au Delà des Ponts et gérant du jardin. L’arrivée du froid n’arrange rien. « Nous, on vient là tous les jours. Si on voit une personne par semaine, c’est un miracle », expliquent Kévin et Ludovic, employés des Espaces verts.
Ayla Passadori
Coralie Haenel
Implantée depuis 35 ans au Port du Rhin, la famille propriétaire de l’épicerie Chez Abdel ne ressent pas une réelle détermination de la part de la ville pour améliorer le vieux quartier. « Toutes ces nouvelles constructions ne changent pas la vie des gens ici. Elles servent surtout à l’enrichissement des investisseurs, regrette Chakib Laayoumi, l’un des gérants. Même si nous sommes ici depuis 35 ans, la ville ne nous accorde pas beaucoup d’importance », ajoute-t-il.
L’épicerie devra bientôt faire face à l’ouverture d’une supérette de l’autre côté de la ligne de tram. Pourtant, Amine, le frère de Chakib, n’a pas peur pour l’avenir de son affaire familiale, qui entretient au quotidien des liens solides avec les clients du quartier. «J’ai grandi ici, je ne me vois pas avoir une boutique ailleurs, raconte-t-il. C’est chez moi ici, c’est ma famille. Les gens du quartier, je les connais tous ».