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Les supporters entrent dans le Centre de performance Racing Soprema Parc par un grand portail situé dans la rue des Vanneaux. © MLR

Leurs affaires familiales, transmises de génération en génération, visent une clientèle aux revenus confortables. Sur leurs étals, on trouve aussi des clémentines d’Espagne à 4,80 euros le kilo, alors qu’il coûte quelques mètres plus loin, sur les stands des revendeurs, 1,93 euro en moyenne. Ces derniers, aux produits principalement importés d’Espagne et du Maroc se sont multipliés ces dernières années. Sans se concurrencer directement, ces commerçants s’adressent à deux types de clientèle qui cohabitent à la Meinau : l'une modeste, l'autre plus aisée.

9 h 45 : Sardines et anchois

Pour les trois poissonniers du marché placés dans une même allée, adapter son offre à la clientèle du quartier est indispensable en ces temps d’inflation. Momo, 24 ans, qui officie depuis trois ans pour la poissonnerie Deschamps, dresse la comparaison avec le marché de la place Broglie, en plein cœur de la Grande Île :  "Broglie c’est un marché de luxe avec des poissons à 40 voire 50 euros le kg. Ça ne sert à rien de prévoir ce type de poissons ici, ça me reste sur les bras. Pas de filets et privilégier les petits poissons", conseille-t-il, en pointant sardines et anchois. Un constat que partage Mohamed Tisghiti qui a repris la poissonnerie familiale L’Espadon en 2018. Chez lui aussi, la sardine, à 5 euros le kilo, est le produit le plus prisé. Or le marché, réputé abordable, n’est, aux yeux des habitants,

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Martine Uhlrich devant son ancien salon de thé, rebaptisé M Café en 2014. © Heïdi Soupault

8 h 30 : Producteurs ou revendeurs ?

"Tomates, kakis, oranges, allez-y servez-vous !", s'époumone un primeur adepte de la stratégie de la vente à la criée, relégué au bout de la rue de Bourgogne. Mais de l’autre côté de la place, sur l’allée principale, l’ambiance est plus calme. Derrière les étals de la ferme Anstett aux produits majoritairement locaux, Carine Peter insiste pour servir ses clients elle-même et prendre le temps d’échanger avec chacun. Elle s’enquiert de la santé de Denise, fidèle cliente de 88 ans. Depuis la rue de Touraine où elle vit depuis cinquante ans, Denise est venue lui rapporter ses pots en verre vides de miel de sapin. Mais pour Carine, la Meinau n’est plus un "aussi bon marché qu’il y a trente ans". Avec la ferme fruitière Hufschmitt de Véréna, elles sont les deux seules productrices. Elles proposent des fruits et légumes locaux et de saison : navets, poireaux, poires, potirons…

Le marché de la Meinau, créé en 1965, est avec ses 105 stands, le principal marché strasbourgeois du jeudi matin. "Il n’y a pas de place pour tout le monde et les déceptions sont fréquentes", raconte, craie en main, Jean-Marc, l’un des receveurs-placiers. Surtout pour l'alimentaire, dont les stands doivent se concentrer autour de la prisée rue de Franche-Comté. Les déçus iront tenter leur chance au marché de l’allée Reuss au Neuhof, sur l’autre rive du Rhin Tortu.
 

4 h 30 : Palettes et cagettes

"Tu fumes sans feu, c’est pour faire semblant ou quoi ?" Un éclat de rire résonne place de l’Île-de-France. Ni le réveil matinal ni les six degrés au thermomètre n'entament la bonne humeur de Véréna Heili, productrice de fruits et légumes - elle a repris l’exploitation familiale fondée par sa grand-mère en 1962. Chaque jeudi matin avant l’aube, le bruit des cageots lâchés au sol et des moteurs de camionnettes brise le silence de la nuit. À la lueur des réverbères, Véréna et les autres commerçants "fixes", à l’emplacement attitré, agencent un à un fruits et légumes sur leur étal.

7 h : Les dés sont jetés

Le ballet de camionnettes reprend avec l’arrivée des placiers et des commerçants vacataires. C’est l’heure décisive du tirage au sort (voir encadré). Un attroupement se crée, chacun est suspendu aux lèvres des deux receveurs-placiers, employés par l’Eurométropole de Strasbourg. 

Chaque jeudi matin, les habitants de la Meinau se retrouvent au marché de la place de l’Île-de-France, en plein cœur de la Canardière.

En avril 2023, des trains-navettes ont à nouveau assuré des liaisons entre la gare centrale de Strasbourg et Krimmeri-Meinau. Grâce au développement du Réseau express métropolitain européen (Reme), les fans du RCSA ont pu venir en train pour encourager leur équipe lors de la réception d'Ajaccio. Une tarification spéciale a été proposée pour les supporters. À chaque billet aller acheté, le billet retour à sa destination d’origine était de 1 euro. Une opération qui a encouragé 300 personnes à opter pour ce moyen de transport.

Entre la Région, l’EMS et le Racing, une réflexion est en cours pour voir dans quelle mesure il est possible de relancer une expérimentation similaire pour valider le dispositif d’ici la fin de l’agrandissement du stade. 

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Azzedine Tabete souhaite se faire inhumer à la Canardière. © Elsa Rancel 

Au numéro 50 de la rue de la Canardière, plus besoin de clefs ou de sonnette pour entrer. Au rez-de-chaussée, deux portes blindées bloquent l’accès aux appartements. Inutile de toquer, ils sont vides. "Ici c’est la catastrophe, on n’est plus que trois locataires", souffle Malika El Mouïchui, installée avec son mari depuis 1980. En 2019, ses voisins et elle ont appris la destruction programmée de leur barre d’immeuble, les 50-52-54-56-58 et 60 rue de la Canardière. Il ne leur a pas été annoncé d’échéance précise. Le bâtiment de quatre étages sera remplacé par des logements neufs. Des travaux qui s’inscrivent dans le Projet de renouvellement urbain (PRU) initié par la Ville et l’Eurométropole de Strasbourg. Depuis ce moment-là, dans un ensemble qui s'est peu à peu vidé de ses occupants, les derniers habitants demeurent dans l’incertitude. In’li, leur bailleur privé, examine leurs dossiers, mais n’est pas en mesure de dire où ils seront relogés, ni quand.

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