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La détention hors frontières : le plan de la Commission face à l'immigration illégale


13 mars 2025

La Commission européenne a présenté mardi 11 mars aux eurodéputés réunis à Strasbourg un projet de réforme encadrant l’expulsion des migrants en situation irrégulière. Parmi les mesures proposées, la création des « hubs de retour » hors de l’Union européenne a suscité de nombreux débats.

« Les nouvelles règles indiqueront clairement que lorsqu'on vous ordonne de quitter l'Union européenne, vous le ferez, de force ou volontairement », a averti Magnus Brunner, le commissaire européen aux Affaires intérieures et à la Migration en dévoilant le 11 mars au Parlement européen un plan pour l’expulsion des migrants en situation irrégulière dans l’Union européenne.

Mesure phare de ce nouveau plan : la création de « hubs de retour », des centres pour migrants situés dans des pays en dehors de l’UE. L’objectif est d’augmenter les taux d’expulsion, qui peinent aujourd’hui à atteindre les 20%. « Quatre décisions d’éloignement sur cinq prises par les Etats membres ne sont pas suivies d’effet », s’est indigné M. Brunner dans l’hémicycle.

Ces « hubs de retour » proposés par la Commission pourront accueillir des migrants soumis à une obligation de quitter le territoire d’un État membre de l’UE et dont la demande d’asile a été rejetée, après épuisement des possibilités d’appel. Les personnes visées attendront dans ces centres hors de l’UE une expulsion définitive vers leur pays d’origine.

Cette idée est déjà expérimentée depuis octobre dernier par l’Italie, en vertu d’un accord controversé signé fin 2023 avec l’Albanie pour une durée de cinq ans. Deux centres de rétention gérés par Rome ont déjà été construits dans ce pays du sud-est de l’Europe, non membre de l’UE. 

Des risques d’atteinte aux droits humains

Ce plan ne nomme de pays précis où pourront être implantés ces centres de retour. Il précise seulement qu’ils devront respecter « les normes et principes internationaux en matière de droits de l'homme, conformément au droit international ».

Ce défaut de garanties claires n’a pas manqué de faire réagir les eurodéputés. « [Ce texte] parle de rapatrier des personnes vers des pays tiers qui doivent respecter les droits, mais sans aucune exigence spécifique, comme le fait d'être signataire des conventions internationales sur les droits de l'homme », assène Cecilia Strada, députée italienne du groupe S&D et membre de la commission des libertés civiles.

Avec les futurs « hubs de retour »  l'Union européenne se ferme un peu plus. © Kim Du

Une inquiétude partagée par les associations de défense des droits humains, qui voient en la mesure un recul juridique. « La législation européenne interdit le renvoi des personnes contre leur gré dans des pays avec lesquels ils n’ont pas de lien. C’est donc une proposition contraire au droit européen », dénonce Anne Savinel-Barras, la présidente d’Amnesty International France.

Une efficacité questionnée

Un problème de conformité avec le droit européen pourrait déboucher sur un scénario à l’italienne. Fin 2024, la justice italienne a invalidé les transferts de migrants prévus par l’accord entre Rome et Tirana. Les personnes déjà expulsées vers l’Albanie ont dû être rapatriées en Italie. L’efficacité des « hubs de retour » reste donc très incertaine, partage Tania Racho, chercheuse en droit européen et membre du collectif Désinfox Migrations.

La directive « retour » de 2008 et le Pacte sur la migration et l’asile adopté en mai dernier fixent déjà des mesures de retour contraint. Mais c’est l’application de ces mesures qui demeure aléatoire, affirme la chercheuse, en raison notamment de la complexité des relations diplomatiques avec les pays d’origine des migrants visés par une procédure d’expulsion : « En France, il y a des négociations difficiles avec certains pays comme l’Algérie pour obtenir un laissez-passer consulaire [papier administratif qui autorise une personne à pénétrer dans le territoire vers lequel elle est expulsée, NDLR] quand une personne en situation irrégulière n’a pas de papiers qui démontrent qu’elle est de nationalité algérienne. »

Outre les « hubs de retour », la feuille de route de la Commission propose de réduire le nombre de visas Schengen accordés aux pays qui refusent de reprendre leurs ressortissants expulsés.

Diarouga Baldé et Kim Du

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