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Omnibus : accélérer la marche arrière sur le Pacte vert ?


13 mars 2025

Lundi 10 mars, le Parlement européen s’est penché sur la loi de simplification du Pacte vert, présentée par la Commission fin février. Baptisée « Omnibus », cette loi propose un allègement des normes administratives environnementales et sociales destinées aux entreprises. Les eurodéputés ont débattu sur l’activation de la procédure fast track, souhaitée par le PPE, qui permettrait une accélération de la procédure de vote.

De gauche à droite les eurodéputés Thomas Tobe (PPE), Gabriele Bischoff (S&D) et Marie Toussaint (Les verts européens), en route pour le vote de la procédure fast track, lors de la prochaine session plénière au mois d’avril. © Zoé Fraslin

Un détricotage n’aura jamais donné aussi chaud. Une procédure « fast track » (procédure accélérée) a été vivement débattue ce lundi au sein de l’hémicycle européen. Cette procédure exceptionnelle, parfois comparée au 49.3 français, permet de raccourcir les débats et d’avancer un vote. Elle a été proposée par le Parti populaire européen, le groupe de droite majoritaire dans l’hémicycle, et sera votée en session plénière le mois prochain.

Le PPE souhaite accélérer la procédure d’adoption d’un dispositif de la loi « Omnibus », présentée par la Commission le 26 février dernier pour alléger les charges règlementaires des entreprises européennes. Ce dispositif, « stop the clock » (arrêter la pendule), permettrait de reculer d’un, ou deux ans selon les obligations, l’échéance à laquelle les entreprises doivent se plier à certains impératifs écologiques et sociaux du Pacte vert.

Présenté fin 2019, sous l’ancienne mandature, ce dernier définit une stratégie commune aux Etats membres afin d’arriver à la neutralité carbone à l’horizon 2050. Mais ce Pacte vert est désormais considéré, par la nouvelle majorité de droite, comme trop contraignant pour les entreprises. C’est dans ce contexte que la loi Omnibus, qui vise à alléger ces obligations réglementaires, a été soumise par la Commission européenne. 

Elle cible principalement deux mesures du Pacte vert : d’une part l’obligation faite aux entreprises de fournir un rapport d’impact environnemental et social de leurs activités. Dans la nouvelle loi, 80 % des entreprises actuellement concernées seraient exemptées de toute obligation. Les 20 % restantes (les plus grandes entreprises), verraient la quantité d’informations à fournir considérablement réduites. D’autre part le devoir de vigilance, qui impose aux entreprises de prévenir les risques sociaux et environnementaux sur l’ensemble de leur chaîne de production. Si le projet de simplification est adopté en l’état, il limitera les informations que les entreprises peuvent demander à [certains] de leurs partenaires commerciaux.  

Une procédure accélérée qui divise

Pour le PPE, l’accélération de la procédure de vote est nécessaire tant « l’Europe prend du retard en termes de compétitivité et de croissance. La croissance, pas la bureaucratie, c’est cela qui relancera notre économie et qui permettra la transition verte », appuie le député PPE Tomas Tobé.

A gauche de l’hémicycle en revanche, les Socialistes et Démocrates (S&D) soutiennent que les propositions d’Omnibus sont « simplement de la déréglementation, pas de la simplification ». L’eurodéputé S&D Gabriele Bischoff dénonce également une loi « rédigée par les grandes entreprises qui ont fait du lobbying pendant très longtemps », et sa collègue Lara Wolters un « non-sens complètement absurde, [qui] nuit aux normes sociales et environnementales ». 

De leur côté, les Verts estiment qu’Omnibus est « un affaissement inédit des protections de l’économie européenne ». Pour la vice-présidente du groupe Marie Toussaint, le train de propositions « décourage les entreprises et investisseurs responsables qui ont déjà engagé le changement, […] il sanctionne la vertu et encourage le vice. »

Car pour les opposants se pose également une problématique de dignité et de droits humains. Pour Marie Toussaint, la réduction drastique du devoir de vigilance reviendrait à « abandonner les rares outils qui permettent de refuser l’entrée de produits issus du travail forcé des Ouïghours sur le marché européen, ou des firmes voyous façon Rana Plaza. »

La gauche et les Verts s’opposent donc à la procédure « fast track » soutenue par leurs collègues de droite et d’extrême-droite. Perçue comme un moyen de passer en force, cette réduction du temps des débats empêcherait une législation de simplification fidèle aux ambitions du Pacte vert, mais surtout respectueux de l’exercice démocratique.

Messaline Hamon et Samuel Rigolier

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