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Entre ambition sociale et compétitivité : le défi du semestre européen


13 mars 2025

Débattu et voté lors de la session plénière, le semestre européen contient son lot de contradictions. Pour la première fois, le Parlement a exigé la mise en place de mesures sociales au sein du texte. Ces ambitions se heurtent à un objectif d’amélioration de la compétitivité européenne.

Après la crise de 2008, les Etats membres de l’Union européenne ont été contraints de coordonner leurs politiques économiques. C’est dans ce cadre que s’inscrit le semestre européen. L’objectif est simple : permettre aux 27 de s’accorder sur une politique budgétaire afin de respecter le Pacte de stabilité et de croissance. Celui-ci impose que la dette de chaque pays soit inférieure à 60% de son PIB et que le déficit public reste sous le seuil des 3%. 

 

Le Semestre européen 2025, un équilibre entre mesures sociales et restriction budgétaire©Pauline Moyer

 

En 2020, ces limites ont été temporairement suspendues. Pour faire face à la crise sanitaire, tous les Etats membres ont considérablement augmenté leurs dépenses. Les seuils ont été rétablis l’année dernière, mais pour huit pays, les budgets ne sont pas revenus dans les clous. La Commission européenne a pointé du doigt ces pays trop dépensiers, et les a placés sous le coup d’une procédure de déficit excessif. 

 

La compétitivité comme priorité

Outre la stabilité budgétaire, la priorité de la Commission européenne pour le semestre 2025 est de « mobiliser les investissements publics et privés pour relever les défis en termes de compétitivité », explique Roxana Minzatu, vice-présidente de la Commission européenne chargée de l'Éducation, de l’Emploi et des Droits sociaux. Une amélioration de l’efficacité économique qui a pour but de relancer une croissance européenne au ralenti (0,8 % en 2024) et de rattraper le retard de l’Union sur les Etats-Unis et la Chine.

Pour ce semestre 2025,  les groupes parlementaires de gauche ont poussé pour que de nouvelles priorités figurent dans le texte. « Nous voulons absolument mettre en avant l’aspect social et environnemental », souligne Claire Fita, membre du groupe S&D. Des investissements supplémentaires dans la formation des jeunes, dans la santé mentale et dans la transition écologique sont recommandés.

Les ambitions sociales ne sont cependant pas au goût de tous les députés. À droite et à l’extrême-droite de l’hémicycle, les parlementaires insistent pour que l’Union européenne n’entrave pas la souveraineté des pays. « L’Union a énormément de décisions à prendre dans le domaine commercial, ou de la politique internationale, c’est là qu’elle doit se concentrer », déclare Henrik Dahl, membre du Parti populaire européen.

 

Un exercice d’équilibriste

L'exercice lui-même du semestre est critiqué par les députés. Marie Toussaint, membre du groupe des Verts, dénonce un deux poids, deux mesures : « Nous faisons face à d'immenses contradictions. D’un côté des règles budgétaires imposent une camisole de force aux États, et les mènent à conduire une politique austéritaire aux conséquences catastrophiques, et de l’autre la commission reconnaît les besoins massifs en termes d’investissement. » 

Cette situation s’illustre dans l’actualité. Mardi 4 mars, Ursula Von der Leyen, présidente de la Commission européenne, a annoncé un plan de 800 milliards d’euros pour réarmer l’Europe. Martin Schirdewan, coprésident du groupe The Left, dénonce la priorité donnée à la défense dans les budgets européens : « On parle de défense comme si c’était un bien public alors que des mesures d’épargne sont imposées pour les secteurs de la santé. »

 

Que signifie la procédure de déficit excessif ? 

La procédure de déficit excessif suit plusieurs étapes. Dans un premier temps, la Commission rédige un rapport, montrant les écueils dans le budget de l'État concerné. En tandem avec le Conseil des ministres, si le déficit excessif est confirmé, elle propose des recommandations pour le combler. L'État membre dispose d’un délai de six mois pour prendre des mesures en conséquence. En cas d'inaction, « si la procédure de déficit excessif est poussée jusqu’au bout, les Etats pourraient se voir infliger des sanctions financières », explique Amandine Crespy, spécialiste de l’économie européenne et enseignante à l’Université libre de Bruxelles. C’est le Conseil de l’UE qui impose les sanctions, à savoir une amende pouvant atteindre 0,05 % du PIB de l’année précédente, qui sera renouvelée tous les six mois jusqu’à ce que des mesures soient mises en place.

Pauline Moyer et Paul Marcille

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