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Une aide record pour la Moldavie


13 mars 2025

Le 11 mars, le Parlement européen a voté un plan de soutien de 1,9 milliard d’euros pour la croissance de la Moldavie. Un soulagement pour le pays, dont l’économie est fragilisée par la guerre russo-ukrainienne et le retrait de l’aide américaine.

1,9 milliard d'euros. C'est l'aide la plus importante jamais attribuée par l’Union européenne à la Moldavie depuis son indépendance en 1991. Le 11 mars, les eurodéputés ont voté à 66 % un financement à destination de Chisinau, échelonné sur la période 2025-2027. Sur les presque 2 milliards d’euros qui constituent cette aide, 620 millions sont des subventions. Le reste est constitué d’emprunts à « faibles taux d’intérêts ».

Relever la Moldavie de sa crise

Ce vote arrive à point nommé. Début février, les Etats-Unis ont suspendu l’USAID, leur fonds d’aide aux pays en développement, dont la Moldavie était l’un des principaux bénéficiaires en Europe : 2,5 milliards de dollars en l’espace de trente ans. «  Dans quasiment tous les festivals, manifestations sportives, événements, on voyait le logo de l’USAID  », raconte Thierry Ernst, fondateur de l’ONG humanitaire Vent d’Est, bénéficiaire de l’aide américaine.

Selon le député du groupe de gauche S&D Sven Mikser, qui a soutenu ce plan devant le Parlement, l’Union se doit de réagir face à « notre partenaire transatlantique qui se désengage à tous les niveaux  ». Par ailleurs, l’Europe entend aussi par cette aide permettre à la Moldavie d’être plus «  résiliente » face aux «  tentatives de déstabilisation  » russes. «  Nous ne pouvons pas être en sécurité dans nos frontières si nos voisins ne le sont pas  », soutient Sven Mikser.

La corruption, principale inquiétude

Dans l'hémicycle, ce plan suscite toutefois quelques réticences. «  C’est du gaspillage des ressources de l’Union européenne  », soutient Julien Sanchez, député du groupe d’extrême droite PfE. Il s’inquiète de la capacité d’un pays à l’économie si fragilisée à rembourser les prêts. La Moldavie doit en effet faire face à des problèmes structurels, notamment dans les secteurs de l’énergie, du commerce, de la sécurité ou encore de l’agriculture. 

Cette réticence est partagée par un autre groupe d’extrême droite, ESN, qui craint de voir l’argent de l’Europe « remplir les poches d’oligarques », le pays étant touché par une corruption endémique. Selon l’ONG Transparency International, en 2019, la Moldavie était le 60ème pays le plus corrompu du monde sur 180. En 2024, elle n’était plus que 104ème. Un progrès de 44 places expliqué par la politique anti-corruption de la présidente pro-européenne Maia Sandu. «  Les personnes à l’origine des problèmes de corruption que le pays a connus il y a dix ans ne sont plus au pouvoir  », selon le politologue Florent Parmentier. 

Maia Sandu, présidente de la Moldavie, s'adressant au Parlement sur la guerre en Ukraine et ses conséquences. ©Parlement européen

L’adhésion à l'UE en ligne de mire

Ce n’est pas la première fois que la Moldavie bénéficie du soutien de l’Union européenne. Chisinau a touché près de 270 millions d’aides d’urgence de l’UE entre 2021 et 2024 pour redresser son système énergétique, en crise suite au retrait de l’entreprise russe Gazprom. 

Le déclenchement de la guerre russo-ukrainienne a ainsi servi d’accélérateur au rapprochement de la Moldavie avec les 27, allant jusqu’à en faire une candidate officielle à l’adhésion en 2022. Avec ce plan de croissance, l'Europe souhaite mettre le pays à niveau pour qu’il puisse faire face à la concurrence du marché en cas d’intégration à l’Union européenne. «  70 % du commerce moldave se fait [déjà] avec l’UE  » rappelle Florent Parmentier. 

Toutefois, la politologue Claudia Badulescu nuance le tableau : «  Ce qu’on voit, c’est une aide massive, qui va permettre de stabiliser le pays en profondeur. Mais il reste à déterminer s’il existe une perspective réelle d’adhésion dans les dix prochaines années. » En attendant, le premier versement du plan de croissance devrait être touché par Chisinau avant la fin avril. Un calendrier volontairement accéléré, pour un pays qui craint d’être la prochaine cible de l’appétit impérialiste du Kremlin. 

Joris Schamberger et Carol Burel

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