L'élaboration du projet
Les violences routières font partie intégrante des événements traités quotidiennement dans les journaux, mais n'y prennent qu'une place restreinte. Nous avons voulu en parler dans leur globalité, tout en évitant de tomber dans la compassion trop forte, ou de nous disperser dans la prévention. Une question nous a aiguillés : les accidents sont-ils prévisibles, ou le hasard joue-t-il un rôle ?
Pour y répondre, il a fallu rechercher et lister tous ceux qui, de près ou de loin, sont liés aux risques et à la prévention routière : membres des forces de l'ordre, pompiers, médecins, lobbys, victimes et auteurs d'accidents, chercheurs…
Apprendre à recueillir la peine
Qu'ils soient responsables d'un accident, proches d'une personne décédée, blessés, les témoignages de victimes nous étaient indispensables pour comprendre les conséquences des drames de la route.
Pour les retrouver, nous avons épluché les archives de la presse régionale, en ligne ou au format papier. Les accidents mortels font la plupart du temps l'objet d'un compte-rendu bref mais détaillé, sur lequel apparaît parfois le nom des victimes. Avec ces noms, nous avons pu retrouver certaines familles, souvent par le biais des annuaires. Quand les victimes n'étaient pas identifiées, les avis de décès en ligne nous ont aidés à les retrouver en recoupant la date et le lieu de l'accident. Enfin, nous avons pu rencontrer au tribunal correctionnel de Strasbourg des personnes blessées, alors qu'elles y étaient en tant que parties civiles ou témoins.
La prise de contact n'était pas évidente, en partie à cause de notre appréhension. Nous craignions de remuer des souvenirs ou de nous imposer dans le deuil. Au téléphone, il a souvent été nécessaire d'écouter, avant de demander. Nous ne savions pas à quelle réaction nous attendre, beaucoup ont refusé.
Une veille informationnelle indispensable
Il nous fallait aussi, pour illustrer notre propos, nous rendre sur les lieux d'un accident au moment où interviennent les secours. En effet, comment informer des violences routières sans avoir des images de cette violence ? Nous avons rapidement mis en place trois groupes de veille, disposant d'une voiture, d'une caméra et d'un matériel de prise de son. Par roulement de 24 heures, les groupes veillaient sur internet afin d'être informés en temps réel de l'état du trafic routier dans le Bas-Rhin. A chaque ralentissement ou accident signalé, ils contactaient le service de police ou de gendarmerie du secteur concerné. Cette méthode n'a rien donné, mais a permis de visualiser plus concrètement quels dispositifs se déclenchent lors d'un accident.
Sur les lieux d'un accident
Arrivés à la moitié du temps d'enquête, nous n'étions plus sûrs d'obtenir des images et des témoignages sur le terrain juste après un accident de la route. Jusqu'à ce que le Samu de Strasbourg accepte que deux étudiants passent quatre nuits en immersion avec une équipe d'intervention. Cela nous a permis d'être informés d'un accident dans la vallée de la Bruche peu après minuit, le 7 décembre. Un membre du groupe de veille s'y est rendu. Cette expérience inédite ne s'est pas déroulée sans appréhension. En pleine forêt, sur une route de montagne à une quarantaine de minutes de Strasbourg, gyrophares et panneaux de signalisation balisaient le lieu du drame. Sur place, les différents acteurs opérationnels, que nous connaissions bien sur le papier mais n'avions jamais vu dans l'exercice de leur fonction. L'occasion d'interroger, entre autres, le chef de groupe des pompiers, et le maire de la commune où avait eu lieu l'accident. Dans un véhicule de secours, le corps d'un homme décédé dans la collision. Difficile, en reprenant la route pour rentrer, de dépasser les 60 km/h.
La création du support
Afin de créer un support multimédia pour le dossier, nous avons travaillé conjointement avec six étudiants du DUT Métiers du Multimédia et de l'Internet (MMI) à l'IUT de Haguenau. Pour les étudiants du Cuej, une telle collaboration est une première.
Nous nous sommes questionnés sur la faisabilité d'un tel échange, étant donné la différence des spécialités. La tentation de « passer commande », d'un côté comme de l'autre, nous a semblé inévitable au début, mais il n'en a rien été. L'intérêt de travailler ensemble plutôt que de déléguer les tâches nous a vite semblé évident et a fait gagner du temps à tous. Les trois développeurs et trois graphistes ont rapidement proposé une maquette du site internet suivant le modèle que nous avions défini ensemble. Il a ensuite fallu intégrer et ajuster le contenu dans la forme. Tout au long de l'avancée du projet, les méthodes conjointes d'organisation et de technique entre les deux spécialités ont porté leurs fruits. Pour certains, ce site est une première publication et donc un véritable enjeu, compte tenu de la nature du sujet.
Rémi Carlier et Antoine Laroche