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Un vide-dressing pour attirer les femmes

Dans le square proche du Norma, sur les coups du midi, pas de traces d’enfants. Les bancs sont occupés par une dizaine d’habitants du quartier, en majorité des hommes entre quarante et cinquante ans, réunis autour de bières achetées dans le supermarché du coin. Ce rituel se répète tous les jours, à toute heure. Céline Braune et Julie Guignard s’aventurent dans le petit parc, à la rencontre des deux seules femmes assises à l’écart du groupe d’hommes. 

« Salut Christine ! Vous allez bien ? », lance Julie Guignard à l’une des deux. Sourire aux lèvres, Christine s’avance vers la psychologue et lui claque la bise. La conversation s’engage, avant que la fille de Christine, 23 ans, n'arrive à vélo, demandant qui sont ces personnes qui accostent sa mère. « Ce sont les gens d'Opali-Ne, elles s'occupent de nos problèmes d'addiction, tout ça... ». Sa fille la coupe en rigolant : « Ah oui, ça ne me regarde pas, les drogues, c'est pour toi ! » Christine s'en défend, arguant : « Les drogues, j'ai arrêté ! Il n'y a plus que l'alcool maintenant. » Personne ne relève cette quasi-confession, lancée au détour de la conversation.

Ce n'est que plus tard, quand nous quittons le parc, que Céline Braune s'enthousiasme : « C'est la première fois qu'elle évoque l'arrêt de la drogue. C'est au cours de ce genre de discussions informelles qu'on en apprend plus sur eux. » Et qu'elles approchent de nouveaux consommateurs. « Ça vous dirait qu’on organise un vide dressing le mois prochain à Opali-Ne, interroge Julie Guignard. Comme celui qu’on avait fait au début de l’été ? » La proposition attire une seconde femme, installée sur un banc avec Christine. Cheveux bruns courts, lunettes de soleil aviateur sur le nez, elle laisse son numéro aux spécialistes pour être avertie de la date de l’événement.

Un quartier en manque de commerces

L’implantation de Carrefour au Port du Rhin pourrait pourtant soulager les employés de Chez Abdel, qui seuls font face à la demande alimentaire de la zone. « On a une vraie masse de travail depuis que le quartier s’est agrandi », souligne Aderrahim Hallous. « Avant, c’était pépère. » Cette surcharge salariale est aussi due à la disparation progressive des commerces des alentours. Marie-Pia Meyer, gérante de Au Port’Unes, une entreprise d’insertion dans le quartier, regrette  l'époque où ce dernier était plus animé: « Avant, il y avait deux boulangeries, deux boucheries et un coiffeur. »  Même son de cloche Chez Abdel : « Quand on va dans un commerce qui rassemble tout, c’est par obligation. Quand on est jeune, on ne fait pas attention à ce qu’il y a dans le quartier, en grandissant on se rend compte qu’il manque des choses. »

Face à ce constat, Au Port’Unes, décide en 1999, de créer un commerce de proximité, la Com’Au Rhin, «à la demande de Jean-Claude Petitmange, adjoint au maire de l’époque», se souvient Marie-Pia Meyer. Gérante du magasin aujourd’hui fermé, elle raconte : « L’objectif a toujours été de faire de lien social. » La volonté est là, mais l’histoire du magasin va se ponctuer de fermetures, d’incivilités et de vols.

« On a essayé un tas de trucs », résume Marie-Pia Meyer. « Ce magasin n’a jamais été rentable, ni même équilibré dans les comptes. » Après 18 ans de présence au Port du Rhin, la Com’Au Rhin ferme définitivement ses portes en mai 2017. La date de fin de son engagement avec le Fonds social européen (FSE) devait correspondre avec l’arrivée du tram dans le quartier et d’un nouveau commerce de proximité, mais « le Carrefour a mis un peu plus de temps ».

Un Carrefour Express loin de faire l’unanimité

Toujours gérante d’Au Port’Unes, Marie-Pia Meyer  reste toutefois pessimiste face à l’implantation du nouveau magasin : « Le Carrefour ne marchera pas. Ils visent une autre clientèle que celle du quartier historique, une clientèle active, les tarifs seront élevés. » Abderrahim Hallous n’est pas plus enthousiaste. Selon lui, la demande n’est pas assez élevée pour que l’enseigne rentre dans ses frais. Autre problématique qui pourrait empêcher le magasin de fonctionner, selon Marie-Pia Meyer : le manque de places pour se garer. Un avis qui n’est pas partagé par Vincent Richart : « En se basant sur la clientèle à 5 minutes à pied du magasin, il sera viable. » 

Tifenn Clinkemaillié et Corentin Parbaud

L'épicerie Chez Abdel est le seul commerce encore présent dans le quartier.  ©Tifenn Clinkemaillié 

Un magasin de 220m2, trois emplois et un renouveau pour le quartier du Port du Rhin. C’est ce que promet d’apporter, le 28 novembre prochain, l’ouverture d’un Carrefour Express, rue de l'Abbé François-Xavier-Scherer. L’entreprise relève le défi de s’installer dans ce quartier où les commerces de proximité peinent à s’implanter durablement.

« Il n’y a rien au Port du Rhin, aucun magasin alimentaire, résume Vincent Richart, futur gérant du Carrefour Express, quand on voit la densité de population, c’est dommage. » C’est pour répondre à l’expansion du quartier, dont la population a augmenté de 25% depuis 2009, mais aussi pour «créer un lieu de vie», que Carrefour a décidé d’ouvrir son magasin. Installé entre la Poste et le Crédit Mutuel, à deux pas du tram, le commerce proposera avant tout des produits alimentaires. « Il n’y aura que très peu de produits d’hygiène, ce sera surtout du dépannage », explique Vincent Richart.

Face à la concurrence des grandes surfaces allemandes, à une station de tram de là, l’enseigne adapte son offre. « Dans les magasins allemands, les produits alimentaires ne sont pas forcément donnés, la France a la chance d’avoir une force agricole, on va donc être capables de tirer notre épingle du jeu », note le futur gérant. « Les gens ne viendront pas acheter un gros panier de courses, mais le lait qu’ils ont oublié pour faire des crêpes à leurs enfants. »

Si 70% des habitants du quartier vivent des minima sociaux, la question du prix des produits ne l’inquiète pas : « Je m’adapterai aux clients. Si par exemple je me rends compte que le riz Lustucru ne marche pas, je proposerai du riz premier prix. »

À une rue de là, de l’autre côté du tram, dans l’épicerie historique du quartier, Chez Abdel, on ne partage pas l’enthousiasme du gérant. Abderrahim Hallous, habitant du Port du Rhin, explique derrière son comptoir : « Je sais qu’ils ont fait leur étude de marché, mais ils ne connaissent pas le quartier. » Autour de ce magasin ouvert depuis 38 ans, tous les commerces de proximité ont fermé. Pour lui, qui a passé toute sa vie dans le quartier, l’explication est simple : « Les gens au début du mois vont acheter un certain volume en Allemagne, cela leur tient dix jours, après ils viennent chez nous, et à partir du 25, on leur fait crédit. C’est ça qui fait la différence, cela leur donne envie de revenir. »

Depuis septembre, l’artiste Difracto a intégré la pépinière musicale de l’espace Django-Reinhardt au Neuhof. Ce jeune talent de la scène électro bénéficie d’un accompagnement privilégié pour développer son réseau et sa musique. Rencontre.

 

Ce vendredi soir au Mudd, club strasbourgeois, François Delamarre, alias Difracto, met l’ambiance. Devant une cinquantaine de personnes, il enchaîne sons, rythmes et mouvements de danse. François fait depuis une dizaine d'années de la musique électronique, dans la lignée de Flume et de Fakear. La sortie de son premier EP a officiellement lancé Difracto l'an dernier.

Depuis septembre, le jeune homme de 27 ans a intégré la pépinière musicale de l’espace Django-Reinhardt au Neuhof. Au programme : accompagnement, conseils, critiques… « Dans tous les projets musicaux, il n'y a pas d'école qui t'explique comment développer ton projet, comment tout gérer. Il y a des choses qu'on peut trouver sur internet, mais avec la pépinière ce sont des professionnels de la musique qui te prennent en charge. Moi qui suis seul aux manettes de Difracto, c'est d'autant plus intéressant par rapport à des groupes », ajoute-t-il.

Difracto n’en est pas à son premier coup d’essai. Il y a deux ans, l’artiste avait déjà postulé à la pépinière, mais en raison d’un projet encore trop embryonnaire, sa candidature avait été refusée. Deux ans plus tard, un EP sorti et plusieurs dates de bookées, dont certaines dans des festivals, sa persévérance a payé.

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Photos: CUEJ/Martin Greenacre

Camille Battinger

Laura Fallarino est luthière depuis presque trois ans. La jeune femme a choisi d’installer son atelier à La Drêche, au cœur du parc Gruber de Koenigshoffen.

Sa passion pour les instruments à cordes remonte à l’enfance. Laura Fallarino, 31 ans,  joue de la guitare depuis l’âge de 6 ans. Un déclic, après une sortie à filature de Mulhouse où elle découvre les instruments acoustiques de l’orchestre.

Fabriquer « la guitare parfaite »

A l’époque, Laura pratique avec une guitare achetée par ses parents. Mais elle aimerait un modèle plus performant, qu’ils ne peuvent malheureusement pas lui offrir. « C’était un vieux rêve de pouvoir réussir à fabriquer la guitare parfaite, celle que je rêverais d’avoir », raconte la jeune femme. Qu’à cela ne tienne. Après de premières années d’études en théâtre et en musicologie à Besançon, où elle ne voit pas d’avenir professionnel, Laura décide de se lancer dans l’aventure de la création d'instruments.

Une formation en Angleterre

Mais des écoles de lutherie, il y en a très peu en France. Et les places sont chères. « Jean-Noël Rohe, un luthier de Strasbourg, m’a conseillé le Newark College, près de Nottingham (en Angleterre), explique Laura. C’est une école réputée ». L’établissement forme ses élèves à la conception de violons et autres instruments à cordes. Laura se spécialise  alors dans la fabrication … de guitares, bien sûr ! Après deux années basées essentiellement sur de la pratique, la jeune femme rentre en Alsace, en 2013.

Des guitares dans la cave de la maison familiale

Pendant un an et demi, Laura enchaîne les boulots alimentaires. Mais elle s’aménage un atelier dans la cave de la maison de ses parents, dans le Haut-Rhin, où elle répare des guitares pour ses amis et commence à fabriquer ses propres instruments. Seulement, la jeune femme a la bougeotte. Elle part voyager en France pendant un an, sans jamais mettre ses ambitions professionnelles de côté. « Pendant ma période de woofing dans un centre équestre en Lorraine, j’ai proposé des ateliers de musique et de lutherie sauvage » - comprendre: fabriquer des instruments à partir d’éléments ramassés dans la nature.

Mais à l’aube de la trentaine, la luthière aspire à plus de stabilité. Il y a un peu plus d’un an, elle ouvre son atelier dans les locaux du collectif de la Drêche, dans le parc Gruber, où elle cohabite désormais avec 15 autres artistes. « La lutherie est un métier assez solitaire. J’avais besoin de lier ça avec une histoire plus collective, avoir des échanges avec d’autres personnes », précise-t-elle. « Je ne peux pas encore vivre de mon métier. Ça prend du temps, il faut se faire un bon réseau. Mais c’est mon objectif ».

En attendant, Laura fabrique actuellement sa 13e guitare. Elle envisage aussi de lancer des ateliers et des stages de lutherie pour transmettre sa passion dès la rentrée prochaine.

En chiffres :
Prix d’une guitare : de 2000  à 2500 euros
Délai de fabrication : de trois à quatre mois
Nombre de guitares fabriquées par Laura : 13

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