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Au XVIIIe siècle, Bischheim a compté jusqu'à 40 % d'habitants de confession juive. Aujourd'hui, une petite communauté perpétue la mémoire de cette époque, notamment au travers du parcours du judaïsme qui traverse la commune. 

Dans cette maison de la route de Bischwiller, à la frontière de Hoenheim et Bischheim, rien n’indique qu’un bain rituel juif se cache au sous-sol. Du moins ce qu’il en reste. L’excavation a été colmatée et la source d’eau asséchée. Creusés à plusieurs mètres de profondeur, d’autres miqvés seraient ensevelis sous plusieurs propriétés privées du secteur, traces d’un passé où la communauté juive tenait une place importante à Bischheim.

Ce lien particulier remonte au XIIe siècle lorsque les juifs, persécutés, doivent quitter Strasbourg à la nuit tombée. “Habiter Bischheim permet d’être en dehors de Strasbourg sans en être trop loin, une heure de marche suffit”, retrace Fabienne Schnitzler, responsable du Musée du bain rituel juif de Bischheim, qui attire aujourd’hui 1000 à 1500 visiteurs par an.

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Philippe Cohen est le rabbin de Bischheim depuis septembre 2006. 
© Septia Rahma Khairunnisa 

Le parcours du judaïsme à Bischheim

© Hadrien Hubert, Clara Pierré, Septia Rahma Khairunnisa

Les lieux phares de cette histoire sont mis en valeur le long du "parcours du judaïsme", qui invite à arpenter les ruelles de Bischheim, depuis la Maison Waldteufel jusqu’au musée, en passant par la rue de l’École, ancien centre de la vie communautaire juive locale. Un peu plus au nord, le cimetière juif abrite certaines personnalités importantes de la communauté et suscite lui aussi l’intérêt des curieux et amoureux d’histoire.

Nécessité de se régénérer pour subsister ?

À la fin du XVIIIe siècle, environ 40 % des Bischheimois sont juifs, majoritairement ashkénazes, originaires d’Allemagne et d’Europe de l’Est. De nombreuses familles séfarades s’y installent suite à l’indépendance de l’Algérie en 1962. 

Aujourd’hui, les juifs de Bischheim, Schiltigheim et Hoenheim dépendent d’un seul rabbin. Des deux synagogues, il n’en reste qu’une à Bischheim sur la place qui porte son nom. Celle de Hoenheim, trop peu fréquentée dès la moitié du XIXe siècle, aurait été vendue il y a quelques années. Le nombre de fidèles pour les trois communes s’est réduit à une cinquantaine de familles. “Les enfants de notre communauté sont depuis allés vivre à Strasbourg”, confie le rabbin de Bischheim, Philippe Cohen. “Les personnes les plus engagées dans la religion veulent avoir une synagogue à côté de chez elles. Strasbourg a l’avantage d’en avoir plusieurs et il y a des écoles juives, ce que nous n’avons pas ici”, souligne encore le religieux.

Avec seulement une quinzaine de familles présentes en moyenne aux rassemblements, Camille Bader, président de la communauté juive de Bischheim, s’inquiète un peu. “Trouver un élan de jeunesse paraît essentiel, notamment pour assurer le minian, qui requiert dix hommes pour réciter les prières, lors de Sabbat.” Mais pour le rabbin, “ce n’est pas le lieu qui fait l’histoire ; elle se déplace avec la communauté. Aujourd’hui cette histoire s’est déplacée à Strasbourg.” 

 

Cerf Berr, acteur majeur de l’émancipation des juifs de France (1726-1793)

Cerf Berr, plus connu sous le nom de Hirtz de Bischheim, est général de la nation juive d'Alsace de 1764 à 1788. Sa richesse et son influence auprès du gouvernement français contribuent à promouvoir le bien-être matériel et spirituel de ses coreligionnaires. Il a eu une place majeure dans la reconnaissance des juifs de Bischheim : “Ils étaient appelés par leurs prénoms. C’est Cerf Berr, après la Révolution, qui est intervenu auprès de Napoléon pour que les noms apparaissent”, raconte Jean-Michel Lehmann, amateur d’histoire locale. Également fournisseur de fourrage pour les armées royales, Cerf Berr crée en 1786 une fondation ayant pour objectifs de financer la yeshiva de Bischheim, les dots de jeunes filles pauvres, ainsi qu’une caisse de charité. 

 

David Sintzheim, premier grand rabbin de France (1745-1812) 

La salle principale du Musée juif porte son nom. David Sintzheim arrive en 1785 à la tête de la yeshiva, le centre d’étude des textes sacrés du judaïsme à Bischheim. Représentant des juifs d’Alsace lors des États généraux de 1789, il est nommé président du Grand Sanhédrin, la cour suprême juive, créée par Napoléon Ier en 1806. Deux ans plus tard, David Sintzheim est investi comme premier grand rabbin de France : il devient la personnalité la plus importante de la communauté juive française. Il consacre une partie de sa vie à l’écriture d’un ouvrage sur les enseignements des Sages sur le Talmud, intitulé Yad David. Il décède en 1812 à Paris et repose au Père-Lachaise. 

 

Isaac Baer, figure emblématique du rabbinat alsacien du XIXe siècle (1808-1881)

Isaac Baer, également nommé Reb Itzig de Bische, fut rabbin de Bischheim pendant 44 années, de 1837 jusqu’à sa mort. Le 24 août 1838, il inaugure la synagogue de Bischheim et l’école primaire israélite où il enseigne. Il diffuse sa pensée à de nombreux élèves qui deviendront des rabbins en France ou en Allemagne, parmi lesquels Zadoc Kahn, grand rabbin de France. Sa mort a une répercussion bien au-delà de la communauté juive d’Alsace. Inhumé dans le cimetière juif de Bischheim, sa tombe est répertoriée sous le numéro 648, au rang 12.

 

Émile Waldteufel, le Bischheimois qui fit valser le monde (1837-1915)

Émile Waldteufel, éminent compositeur, est le descendant de musiciens nomades originaires de Bischheim. À 22 ans, il compose sa première valse Joies et peines. En 1865, il devient directeur de la musique de danse de la cour impériale de Napoléon III et pianiste attitré de l’impératrice Eugénie. Chef des bals à l’Élysée, organisateur des grands bals de Buckingham Palace, puis chef des grands bals de l’Opéra de Paris, il laisse derrière lui plus de 293 suites de valses. Sa baguette de chef d’orchestre est exposée au Musée juif de Bischheim.

 

Le miqvé, témoin du patrimoine juif d'antan

Selon l’ancien testament, le “miqvaot” aussi appelé “miqvé” fait référence à un “rassemblement des eaux” qui doit être alimenté exclusivement par une source naturelle. “Il faut absolument que ce soit de l’eau de source provenant d’une rivière, d’un lac, d’un océan, ou de nappes phréatiques, sans la moindre intervention humaine”, explique Fabienne Schnitzler, responsable du Musée juif de Bischheim.

Après leur période de menstruation, les femmes doivent s’immerger intégralement afin de se purifier, et ce à trois reprises, avant d’avoir des nouveaux rapports. Le sexe opposé peut également bénéficier de ces ablutions les jours qui précèdent les fêtes religieuses ou au moment de la conversion.

L’un des miqvés les plus connus d’Alsace se visite rue Nationale à Bischheim dans la cour des Boecklin. En 1977, ce patrimoine bischheimois devient monument historique. Enterré à 8,60 m sous le niveau du sol, ce bain rituel du XVIIIe siècle a été construit par le premier propriétaire juif des lieux, Baruch Lévy.

 

Hadrien Hubert, Clara Pierré et Septia Rahma Khairunnisa

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Cerf Berr © Laura Remoué

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David Sintzheim 
© Laura Remoué

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Isaac Baer © Laura Remoué

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Emile Waldteufel 
© Laura Remoué

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© Hadrien Hubert

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