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La région a très tôt plébiscité le parti nationaliste. Un vote qui atteint son apogée en 2002, quand Jean-Marie Le Pen recueille 23,44 % des voix.

Dès les élections européennes de 1984, date à laquelle le FN sort de la marginalité, l'Alsace lui attribue des scores supérieurs à la moyenne nationale à chaque élection. C'est particulièrement le cas lors des présidentielles, où le vote frontiste alsacien se situe 7 à 10 points au-dessus du score national dès 1988, alors que Jean-Marie Le Pen ne perce en France qu'à partir de 1995. En 1984, le Front national obtient 12,5% en Alsace. Ce sont surtout les territoires urbains d'électorat de gauche et ouvriers qui lui attribuent leurs suffrages, ainsi que les quartiers ouvriers de Strasbourg et Mulhouse. L'Alsace se partage alors entre les zones urbaines et industrielles, tentées par le FN, et le monde rural et peu industrialisé, fidèle au centre droit.

Les succès des années 90 
Les législatives de 1986 confirment la percée du FN en Alsace (13,6%). Le vote frontiste s'étend de la ville vers la campagne pour devenir un vote rural dès 1988, s'installant durablement dans les trois cantons d'Alsace Bossue. Lors de la présidentielle de 1995, Bas-Rhin et Haut-Rhin offrent au candidat d'extrême droite ses meilleurs scores départementaux (autour des 25% des suffrages exprimés), contre 15 % au niveau national. En 1997, les élections législatives marquent un véritable ancrage du FN dans le paysage politique alsacien. Sur les seize circonscriptions, onze candidats frontistes se maintiennent au second tour. Quatre ans plus tôt, ils n'étaient que quatre. A l'issue de ces deux élections, aucun d'entre eux n'entre au palais Bourbon. 

Cinq élus au conseil régional
Le vote FN culmine en Alsace lors de la présidentielle de 2002. La région place Jean-Marie Le Pen en tête au premier tour avec 23,44% des suffrages. L'extrême droite récolte aussi les 4,34% de Bruno Mégret qui avait quitté le parti en 1998 pour fonder le MNR. Au second tour, le leader frontiste ne parvient pas à fédérer : le compteur affiche 7 000 électeurs de moins que deux semaines auparavant. Cinq ans plus tard, il n'obtient que 13,56%, perdant près de 60 000 voix. Des suffrages largement reconquis par sa fille en 2012. 2010 marque un nouveau succès pour le FN. La liste menée par Patrick Binder se qualifie pour le second tour des élections régionales avec 13,49%. Près de 90 000 électeurs (14,57% des suffrages exprimés) envoient cinq élus FN au conseil régional.

 

Le parti d'extrême-droite enregitre depuis longtemps de bons scores en Alsace. Particulièrement loin des villes, dans les zones rurales et ouvrières.

Les repères ronds indiquent les communes où Marine Le Pen est arrivée en première proposition, les carrés en 2ème, les losanges en 3ème et les étoiles en 4ème position et au-delà. Crédit : Renaud Toussaint/Cuej / Source : ministère de l'Intérieur

Lors du premier tour de la dernière présidentielle, la région s’est prononcée à 22,12% (près de 220 000 voix) en faveur de Marine Le Pen, avec 21,21% dans le Bas-Rhin et 23,43% dans le Haut-Rhin. Des résultats bien supérieurs aux 17,9% obtenus sur la France entière.

Un recul à Strasbourg 
Les grandes villes alsaciennes votent sous la moyenne régionale (19,78% à Colmar, 17,5% à Mulhouse). A Strasbourg, où le FN n’a jamais réussi à s’implanter, le parti apparaît même en perte de vitesse. Il y enregistre son plus mauvais résultat (11,86%) lors d’une élection présidentielle, contre environ 20% des voix en 1988, 1995 et 2002. Au sein de la ville, on observe des votes contrastés entre le centre (5,16%) et les quartiers populaires en périphérie (16,76% à Koenigshoffen, Montagne Verte et Elsau, avec une pointe à 19,9% au Neuhof). 

Un panel de vote FN du bleu clair au bleu foncé : de moins de 5% à plus 25% selon les bureaux de vote. Vous pouvez obtenir le détail des chiffres en cliquant sur l'un d'entre eux. Crédit : Renaud Toussaint/Cuej / Source : ministère de l'Intérieur

Au niveau national, le vote frontiste apparaît comme un phénomène périurbain. Cette dissociation centre-périphérie s’opère également à l’échelle régionale. Les grandes villes, et notamment la capitale alsacienne, exercent une influence sur leurs périphéries. Plus on s’éloigne de la ville, plus les scores sont élevés. On observe ainsi plusieurs couronnes autour de Strasbourg. La première s’étend du nord de Strasbourg (canton de Brumath) au sud (canton de Geispolsheim) et englobe le Kochersberg (à l'ouest). Plus importants qu’en ville, les scores du FN restent malgré tout inférieurs à la moyenne régionale. Dans la deuxième couronne, de Haguenau à Erstein, les scores y sont supérieurs. La troisième, de Bischwiller au nord à Marckolsheim au sud, donne 25 à 30% des suffrages à la candidate frontiste. Enfin l’Alsace Bossue, où le FN fait ses meilleurs scores régionaux (supérieurs à 30%, avec 44,66% à Bissert).

Un vote ancré dans les territoires

Le vote frontiste est donc fortement attaché à des territoires. Il est plus faible que la moyenne régionale dans certaines villes frontalières avec le Palatinat (Wissembourg et Lauterbourg, avec respectivement 19,43% et 16,16%) et la Suisse (la ville de Lucelle ne donne aucune voix à Marine Le Pen) tournées vers l’extérieur, et dans les grandes agglomérations. Le FN enregistre ses résultats les plus importants dans les secteurs ruraux-ouvriers (en Alsace Bossue et dans le massif des Vosges) et les vallées (dans le territoire du Sundgau, avec le pic régional à Magny avec 46,15% des voix), profondément marqués par la désindustrialisation. Dans ces régions, l'implantation frontiste est loin d’être un phénomène récent.

Loïc Bécart et Renaud Toussaint

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