Le parquet financier de Paris a demandé le renvoi de Nicolas Sarkozy devant le tribunal correctionnel dans le cadre de l’affaire Bygmalion, a annoncé Europe 1 ce matin. L’occasion de faire un point sur les « affaires » dans lesquelles l’ancien chef de l’état pourrait être impliqué.
L’affaire Bygmalion
Nicolas Sarkozy est mis en examen, comme 13 autres accusés, dans l’affaire Bygmalion. Ils sont soupçonnés de « financement illégal de campagne électorale ». Lors de la course à la présidentielle de 2012, Nicolas Sarkozy a multiplié les discours et meetings. L’UMP (désormais Les Républicains) aurait alors tenté de dissimuler des dépassements du plafond des comptes de campagne à l’aide de fausses factures, réglées à la société Bygmalion. Cette boîte de communication, gérée par des proches de Jean-François Copé, a depuis été placée en liquidation judiciaire. Le parquet financier a requis le renvoi des 14 accusés devant le tribunal correctionnel, et c’est désormais aux juges d’instruction de se prononcer sur cette affaire. Leur décision ne sera connue que dans quelques mois, après l’élection présidentielle. Si Nicolas Sarkozy était élu, il faudra attendre 2022 pour pouvoir le poursuivre.
Le financement libyen
Le 3 juin, les juges ont rendu un non-lieu en faveur de Mediapart, dans une affaire qui opposait le site d’information et l’actuel président des Républicains. Nicolas Sarkozy poursuivait Mediapart pour "faux et usage de faux" suite à la diffusion, en 2012, d’un document présenté comme officiel. Celui-ci expliquait que le régime de Kadhafi avait débloqué 50 millions d’euros pour la compagne présidentielle de 2007. Selon les juges, il n’a pas pu être prouvé qu’il s’agissait d’ « un support fabriqué par montage », ou « altéré par des falsifications ». L’ancien président a fait appel de cette décision. En attendant, l’enquête suit son cours. Elle est basée, entre autres, sur des charges de « corruption active et passive », de « trafic d’influence » et de « blanchiment, complicité et recel de délits. » Claude Guéant, ancien secrétaire général de l’Elysée sous l’ère Sarkozy, a été placé en garde à vue en juin, dans une affaire de vente de tableaux qui aurait pu couvrir des versements en provenance de Libye. Il avait été mis en examen pour fraude fiscale dans la même affaire en 2015.
Les écoutes
Nicolas Sarkozy, ainsi que son avocat Thierry Herzog, sont mis en examen depuis juillet 2014. L’ancien président de la République est soupçonné de corruption et trafic d’influence. Ils pourraient avoir tenter d’obtenir auprès de Gilbert Azibert, un haut magistrat, des informations sur la procédure dans l’enquête Bettencourt. Ils avaient tous deux été mis sur écoute par la justice. Nicolas Sarkozy a utilisé le nom de Paul Bismuth pour communiquer avec son avocat Thierry Herzog. De nombreux avocats et membres du parti de droite ont dénoncé le recours aux écoutes entre un avocat et son client. Mais, après une longue bataille judiciaire, la cour de cassation les a finalement validées. L’enquête se poursuit toujours, mais il ne devrait pas y avoir de décisions avant l'élection présidentielle, Nicolas Sarkozy ayant réussi à faire annuler certains actes d’auditions. L’ancien président doit donc être à nouveau entendu par les juges.
Les sondages de l’Elysée
A partir de 2008, la Présidence de la République a commandé une série de sondages sans appels d’offres à deux sociétés, dirigées par Patrick Buisson et Pierre Giacometti… eux même conseillers de Nicolas Sarkozy. Dans cette affaire, Patrick Buisson et Pierre Giacometti sont mis en examen pour « recel de favoritisme », ainsi que « détournement et abus de biens sociaux » pour l’ancienne éminence grise du président Sarkozy. Emmanuelle Mignon, directrice du cabinet du président de la République et Jean-Michel Goudard, conseiller en stratégie, sont poursuivis pour « favoritisme ». Enfin, Claude Guéant, secrétaire général de l’Elysée, est accusé de « complicité de favoritisme ».
L’affaire Karachi
Les juges enquêtent sur des contrats d’armement entre la France et l’Arabie Saoudite et le Pakistan dans les années 90. Ces rétrocommissions sont suspectées d’avoir alimenter le budget de campagne d’Edouard Balladur, premier ministre de l’époque, qui se présentait à la présidence du RPR. Nicolas Sarkozy, alors ministre du budget et porte-parole d’Edouard Balladur, n’est pas mis en cause dans cette affaire, mais plusieurs proches, comme Thierry Gaubert, son directeur de cabinet, ou Nicolas Bazire, le directeur de campagne, ont été mis en examen.
L'arbitrage Tapie
En 2008, un arbitrage, accordé par la ministre du budget Christine Lagarde, permet à Bernard Tapie d’empocher 403 millions d’euros de l’Etat. Cet arbitrage a été décidé après une longue bataille judiciaire entre l’homme d’affaires et le Consortium de réalisation (CDR), chargé de gérer l’héritage du Crédit Lyonnais, dont l’Etat était actionnaire. Bernard Tapie avait vendu dans les années 90 la société Adidas grâce au Crédit Mutuel, qui avait réalisé d’énormes bénéfices grâce à la vente. Les juges soupçonnent Bernard Tapie d’avoir entretenu des contacts avec un des juges du tribunal arbitral. L’enquête démontre aussi que l’homme d’affaires a plusieurs fois été reçu à l’Elysée avant la décision de justice. Christine Lagarde, aujourd’hui directrice générale du FMI, Bernard Tapie et quatre autres personnes sont mises en examen.
Les hélicoptères vendus au Kazakhstan
En 2010, la France a signé des contrats avec le Kazakhstan. D’une valeur de plus de deux milliards d’euros, ces contrats portaient sur la vente de 45 hélicoptères, fabriqués par une filiale d’Airbus. Les juges soupçonnent des rétrocommissions au profit de proches de la Sarkozie. Deux personnes sont aujourd’hui mises en examen. Jean-François Etienne des Rosaies, chargé de mission à l’Elysée, pour « corruption d’agent public étranger », et Aymeri de Montesquiou, représentant en Asie centrale du président, pour « corruption passive et blanchiment en bande organisée. »
Nicolas Sarkozy a été mis hors de cause dans plusieurs affaires. L’affaire Bettencourt, tout d’abord, où l’ancien président à bénéficier d’un non-lieu. Soupçonné d’abus de faiblesse sur Liliane Bettencourt, héritière de L'Oréal, les juges ont finalement estimé ne pas avoir assez de charges pour poursuivre l’actuel président des Républicains. Non lieu aussi dans une procédure sur le versement par l'UMP des pénalités de dépassement du plafond des comptes de campagne de 2012. Le parti de droite avait réglé une amende à la place du candidat malchanceux.
De même, une enquête portant sur un meeting de Nicolas Sarkozy à Toulon, en décembre 2011, a été classée sans suite en octobre 2013. Alors président de la république, et pas encore candidat, Nicolas Sarkozy avait organisé une réunion publique, sans que celle ci soit inscrite dans les comptes de campagne. Cette irrégularité avait entrainé l’invalidation de ceux-ci. Enfin, le parquet a requis un non-lieu dans l’affaire des vols en jet privés. En 2012 et 2013, Nicolas Sarkozy avait utilisé les avions de la société Lov Group, détenue par Stéphane Courbit, un intime du président. Ces vols, facturés parfois plus d’une centaine de milliers d’euros, allaient l’encontre des intérêts de la société.
Pierre-Antoine Lefort