Vendredi 2 février, un homme comparaissait pour menaces de mort et port d'une arme au tribunal de grande instance de Strasbourg.
« Je sais que tu es là, fils de pute, j’aurai ta peau. » C’est d’un ton monocorde que Christian Seyler, président du tribunal, lit les propos prononcés par l’accusé, M. B, à l’encontre de ses voisins du dessous. L’homme se tient très droit dans le box des accusés, les mains derrière le dos, intensément concentré sur le déroulé de l’audience. De temps en temps, il hoche la tête en signe d’assentiment ou de dénégation.
Le président poursuit l’énoncé des faits. Le 30 janvier au soir, la police est appelée dans un quartier de Haguenau pour des faits de tapage. Les époux J. sont inquiets des menaces de leur voisin du dessus, contre lequel ils ont déposé une main courante plus tôt dans la journée. Alors que les forces de l’ordre constatent l’état de panique du couple, M. B frappe à la porte violemment, un cutter avec la lame ouverte à la main, et ne le lâche que lorsque les policiers le mettent en joue avec leurs armes avant de l’embarquer.
Quelques jours plus tôt, le 27 janvier, les époux J. avaient également trouvé, scotchée à leur porte, une lettre de M. B. On pouvait y lire : « Tu veux la guerre, tu l’auras », « Achète-toi une pelle pour creuser ta tombe », ou encore « T’es qu’une merde, ça liquidera une merde comme toi ».
Un document qui, selon le magistrat, s’inscrit dans une crise de voisinage vieille d’au moins deux ans, et émaillée de mains courantes déposées à l’encontre de M. B. par le couple. Maitre Pietri, avocat des victimes, explique que ses clients sont très affectés par la situation. La femme est en arrêt maladie actuellement.
"Je demande juste qu'on me laisse une chance"
Après avoir lu les nombreuses mentions pour vol, détention de stupéfiants, conduite alcoolisée, ou encore menaces de mort inscrites au casier du prévenu, le président l’interroge : « Mais pourquoi donc vouez-vous une telle haine aux époux J. ? Lors de votre audition, devant la police, vous avez encore dit : « Quand j’aurai fait mes trois mois, il y aura une balle pour lui et une pour moi ! » ». « Je ne leur voue pas de haine, répond timidement M. B. Je ne leur aurais jamais rien fait ». Face à son absence d'explications, le tribunal insiste. « En fait, j’ai appris par mon père que M. J. voulait acheter l’appartement dans lequel je vis pour en faire un duplex ». Un logement qui appartient au père de M. B, et pour lequel il lui paie des charges avec son RSA, unique source de revenus déclarée. L'avocat des victimes dément.
Christian Seyler parcourt l’expertise psychiatrique: si les capacités de raisonnement et de jugement de M. B. ne sont pas altérées, il gère en revanche très mal l’agressivité, souffrirait d’une dépendance à l’alcool et d’une « personnalité dissociale ».
Lorsque la parole lui est enfin donnée, M. B. commence par s’excuser. « Je suis désolé. Je ne pensais pas que ça aurait un tel impact sur le couple, dit-il d’une petite voix. Je demande juste qu’on me laisse une chance. Si je retourne en prison, je devrais de nouveau repartir de zéro ».
Dans sa plaidoirie, l’avocate de la défense, Maitre Voltolini rappelle que le prévenu a des soucis de santé, tant psychiques que physiques (une sthénose du cœur). Pour elle, il serait souhaitable de s'en tenir à du sursis. Le tribunal suit toutefois le réquisitoire du procureur. M. B. écope d'un an de prison, dont 6 mois ferme et 2 ans de mise à l'épreuve. Avec interdiction d'entrer en contact de quelque manière que ce soit avec les victimes.
Anne Mellier