10 mars 2022
La semaine dernière, l’Ukraine, la Géorgie et la Moldavie ont officialisé leur demande d’adhésion à l’Union européenne. Si l’agression russe a créé un appel d’air pour les candidatures, leur acceptation par les 27 reste très peu probable.
Les bombes et les chars russes ont précipité la demande d’adhésion de l’Ukraine, de la Moldavie et de la Géorgie à l’UE. Les eurodéputés ont soutenu leur démarche lors d'une session plénière exceptionnelle, organisée après l'invasion de la Russie. Le sujet a été également été débattu lors du sommet de Versailles, qui réunit les 27 chefs d’État, ce jeudi 10 mars.
Une menace au-delà des frontières ukrainiennes
Le président ukrainien Volodymyr Zelensky a plaidé pour une intégration « sans délai » dans l’Union. Ses voisins lui ont emboîté le pas. La Moldavie craint notamment les conséquences de la guerre. Chisinau partage en effet 940 kilomètres de frontières avec l’Ukraine. Une inquiétude renforcée par la présence de la Transnistrie, une région moldave pro-russe autoproclamée indépendante depuis 1992. Du côté de la Géorgie, l’intervention militaire du Kremlin en 2008 reste dans tous les esprits. L'opération visait à soutenir les zones russophones d’Ossétie du Sud et d’Abkhazie contre Tbilissi.
Le début d’une longue procédure
Le 7 mars, l’Union européenne a officiellement lancé l’examen des trois demandes de candidature. La Commission doit rendre un avis sur la question. S’il est positif, c’est alors aux 27 ministres européens de valider définitivement le statut de candidat. Pour appuyer leur candidature, les trois Etats invoquent l’article 49 du traité sur l’UE. Selon ce texte, tout pays qui estime respecter les valeurs de l’Etat de droit et de la démocratie peut demander à devenir membre. Une étape qui ne garantit pas forcément une adhésion ultérieure.
La procédure est en effet longue et nécessite d’examiner les acquis communautaires : 35 chapitres portent sur les obligations à respecter. Parmi les prérequis, les pays sont contrôlés sur la conformité de leurs institutions avec l’État de droit, leur politique fiscale ou encore sociale. Selon Sophie Pornschlegel, analyste au think tank EPC (European policy centre), « c’est un processus qui va durer au moins une dizaine d’années ».
L’adhésion à l’Union, une gageure
Les espérances ukrainiennes, géorgiennes et moldaves sont en réalité freinées pour plusieurs raisons. D’abord, les pays membres sont divisés. En Europe de l’Est, la Pologne soutient l’idée d’une procédure accélérée pour la candidature ukrainienne, tandis que certains pays de l’Ouest de l’Europe expriment leurs réticences quant à cette possiblité.
D’autant plus que cela pourrait décourager d’autres pays candidats à l’adhésion. « Une réponse favorable à l’Ukraine pourrait créer des effets pervers vis-à-vis de la Bosnie », analyse l'eurodéputé français Arnaud Danjean (PPE, centre-droit). L’ancienne république yougoslave attend en effet une réponse à sa candidature depuis 2016.
La corruption et les manquements à l’État de droit sont aussi des obstacles à l’entrée des trois pays dans l’UE. Sur le plan économique, ils restent fragiles. C’est notamment le cas de la Moldavie qui a le salaire minimum brut le plus bas d'Europe : 46 euros mensuels, soit 35 fois moins que le Luxembourg.
Les États menacés géopolitiquement ont besoin d’un symbole en temps de guerre, comme le souligne Richard Stock, directeur général du Centre européen Robert Schuman : « Ce que les gouvernements réclament, c’est la possibilité de faire croire que cette adhésion serait possible, car cela galvanise la population face aux Russes. »
Tara Abeelack et Milan Busignies