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Pour le 8 mars, le Parlement célèbre le courage des Ukrainiennes


10 mars 2022

Cette année, la journée internationale des droits des femmes est marquée par l’horreur de la guerre en Ukraine. Petit-déjeuner-débat, plénière, invitées d’honneur, le Parlement européen se concentre particulièrement sur l’héroïsme et les conditions de vie des Ukrainiennes.

« Quand il y a des bombardements, ma mère dit à ma petite sœur de dix ans que ce sont des feux d’artifices pour ne pas l’inquiéter », raconte avec émoi Oleksandra, la vingtaine, actuellement en stage au Parlement européen. Elle est l’une des six Ukrainiennes conviées au petit-déjeuner-débat à l’occasion de la Journée internationale des droits des femmes. Dans la villa Schutzenberger de style art nouveau, à deux pas du Parlement, ces invitées sont installées autour d’une grande tablée. Après quelques viennoiseries et un café nécessaire pour chasser la nuit encore marquée sur leurs visages, elles prennent la parole tour à tour. L’ambiance intimiste de la salle sombre amplifie l’émotion des appels à l’aide déchirants. « Ma grand-mère ne peut pas évacuer et ses médicaments sont indisponibles car elle est encerclée par les forces russes. Beaucoup d’amies de mon âge accouchent sous les bombes, dans des bunkers. C’est terrible… », se désole Oleksandra. L’évènement se conclut sous des applaudissements chaleureux : « Slava Ukraini ! », lance la jeune Ukrainienne. Un cri repris en cœur avant que tout le monde ne parte en séance plénière.

Le soutien du Parlement exprimé d’une même voix

La même salve d’applaudissements émus résonne plus tard dans l’hémicycle du Parlement européen. Debouts, les députés ovationnent le discours poignant d’Oksana Zaboujko. Invitée d’honneur pour la journée du 8 mars, l’écrivaine ukrainienne vient de célébrer le courage des femmes de son pays : « Les larmes me montent aux yeux quand je les vois se battre aux côtés des hommes ». Sur le front ou en civil, nombreuses sont celles qui s’avancent sans arme devant les soldats russes pour y déposer des graines de tournesol dans leur poche. Symbole national, ces fleurs jaunes doivent alors pousser sur le cadavre des militaires, s’ils meurent dans cette guerre. 

Un à un, les parlementaires défilent ensuite au pupitre, honorant à leur tour la bravoure de ces héroïnes. Pour l’extrême gauche, Manon Aubry déclame un couplet de l’hymne du Mouvement de libération des femmes, chant féministe des années 1970. Assita Kanko (ECR, conservateurs), affirme également son soutien aux Ukrainiennes avec conviction : « Nous vous croyons et nous vous entendons. Nous allons nous battre pour chaque femme, celles d’aujourd’hui et celles de demain ».

Femmes, premières victimes

« À chaque fois qu’il y a une guerre ou une crise, ce sont les femmes qui sont les premières victimes », assure la femme de lettres Oksana Zaboujko. Hôpitaux, écoles, crèches et zones résidentielles sont la cible des attaques russes depuis le début du conflit en Ukraine. Des endroits occupés majoritairement par des femmes. S’enfuir relève donc de l’exploit, et rester sur place est invivable. « Les femmes sont les boucliers humains que Poutine essaye de briser », s’insurge l’écrivaine slave. Dans les abris, mères et nouveau-nés risquent notamment de mourir par choc septique à cause du grand manque d’hygiène. Les familles souffrent aussi de l'absence de chauffage et de nourriture. Le danger des violences sexuelles ressort également dans les discours solennels et les témoignages des Ukrainiennes. Mais pour l’instant, il est difficile pour les ONG sur place de récolter les preuves de ces crimes.

L’eurodéputée Fabienne Keller (Renew, libéraux), à l’initiative du petit-déjeuner, et Marie Fontanel, représentante de la France auprès du Conseil de l’Europe, écoutent attentivement le récit d’Oleksandra. © Clémence Blanche

« S’il vous plaît sauvez nos vies »

Quand elles atteignent enfin la frontière avec leurs enfants ou leurs parents, le calvaire est loin d’être fini. Elles doivent gérer les contraintes matérielles pour trouver de la nourriture, un logement, puis une école pour leurs enfants. Beaucoup doivent aussi composer avec la lourde culpabilité d’avoir abandonné leur pays. Pour les Ukrainiennes, le seul moyen d’éviter l’exil est de mettre fin aux bombardements en créant une zone aérienne libre. L’heure n’est plus aux débats mais à l’action. Que ce soit au Parlement ou dans les manifestations, ce 8 mars à Strasbourg est surtout l'occasion de lancer un appel à l’aide général : « Please, please, please, save our lives ! » (s’il vous plaît, sauvez nos vies).

Clémence Blanche et Lisa Ducazaux

 

« Chacune de vos pauses-café coûte une vie », l’écrivaine Ukrainienne Oksana Zaboujko pousse l’Europe à agir

« Les femmes de ma patrie sont fortes, elles prennent les armes, elles sauvent des vies, elles vont au front », scande Oksana Zaboujko, d’une voix grave qui résonne dans tout l’hémicycle. Invitée à s’exprimer devant les députés européens à l’occasion de la Journée internationale des droits des femmes ce 8 mars 2022, l’écrivaine ukrainienne s'est exprimée sur le cas spécifique de son pays : « C’est la première fois que je dois me lever pour défendre le droit des femmes à la vie ! ». Elle le rappelle, dans ce contexte de guerre déclenchée par la Russie, ce sont les femmes qui se délèguent totalement aux autres, jeunes comme vieux. Pour l’autrice, qui a elle-même dû quitter l’Ukraine deux semaines auparavant, l’Union européenne agit certes, mais trop tard : « Combien de vie aurait-on pu sauver il y a 8 ans, lors de l’invasion de la Crimée, si l'UE avait fait face à ce nouvel Hitler », déplore-t-elle en comparant Poutine au Führer. L'écrivaine appelle l'Union à agir vite, car pour elle « chacune de vos pauses-café coûte une vie », chaque seconde de perdue, c'est un moment où une personne ukrainienne meurt. L’écrivaine conclut en interpellant les députés européens une dernière fois et en les suppliant d’agir rapidement : « N'ayez pas peur de protéger le ciel au-dessus de leurs têtes », un discours accueilli par un tonnerre d'applaudissements. 

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