Naturopathes, sophrologues, hypnothérapeuthes: le profil des habitants et les opportunités de diversification attirent les praticiens du bien-être au cœur de la Robertsau.
Aucune plaque ni enseigne ne distingue la maison du 77, rue Mélanie de ses voisines. Ce n’est qu’une fois les escaliers menant vers le sous-sol descendus que le pavillon familial révèle un cabinet de naturopathie. Parquet, lambris jusqu’au plafond et cageots de bois faisant office d’étagères, la salle de soins évoque un chalet où trône une table de massage. Sous une lumière tamisée, deux fauteuils rouges capitonnés se font face au fond de la pièce: c’est confortablement assis que débutent toutes les séances.
“Je passe énormément de temps à écouter les gens”, déclare Chantal Acker Marx, souriante. Pendant treize ans, elle s’occupait de planifier des voyages d’affaires pour le compte d’American Express. En 2013, elle quitte l’entreprise dans le cadre d’un plan de départ volontaire. Elle imagine d’abord une reconversion en tant qu’auxiliaire de puériculture. Réalisant que le métier ne correspond pas à sa vision du soin, elle commence une formation de naturopathe à l’école Plantasanté en 2018. “Ce que je fais maintenant, pour moi, ça a du sens”, confie celle pour qui le naturopathe est un “éducateur de santé”. Son rôle consiste à redonner les bases du bien-être grâce à l’alimentation, la gestion des émotions ou l’activité physique. La thérapeute explique avoir une préférence pour les techniques du toucher comme la réflexologie, le magnétisme ou la massothérapie.
Chantal Acker Marx n’envisage pas d’exercer ailleurs qu’à la Robertsau, où elle vit avec son mari et ses deux filles: “Ce que je préfère ici, c’est l’impression d’être en ville et à la campagne à la fois.” La quadragénaire a lancé son activité en 2020. Elle fait partie des six thérapeutes de médecine douce qui se sont implantés à la Robertsau au cours des quatre dernières années, faisant du quartier l’un des mieux dotés de la capitale alsacienne. Naturopathes, sophrologues, hypnothérapeutes… Plus d’une dizaine de praticiens y exercent désormais.
Chantal Acker Marx fait chanter ses bols tibétains à l’aide d’un maillet pour permettre à ses clients de lâcher prise lors des massages. ©Théo Renault
À chaque consultation, la bio-magnétiseuse Sabine Joly suit un protocole précis pour identifier les déséquilibres dans le corps de ses clients. ©Théo Renault
La dernière en date à s’être installée est Sabine Joly. Ouvert depuis septembre 2021, son cabinet cohabite avec une ferme de permaculture. La bio-magnétiseuse y reçoit ses clients et leur appose des aimants sur le corps pour le renforcer contre les “micro-organismes”. Pour l’instant, cette ancienne consultante de l’Agence régionale de santé (ARS) attire sa clientèle par le bouche-à-oreille. Elle travaille sur la création de son site internet pour faire davantage connaître son cabinet “Pleins Champs”.
Un public intéressé et solvable
Sportifs de haut niveau, entrepreneurs et cadres constituent l’essentiel de la clientèle aisée de ces thérapeutes. Les prestations de médecine douce ne s’adressent pas à tous les portefeuilles: la fourchette des prix s’étend de 50 à 90 euros. Il faut compter plus d’une centaine d’euros pour un suivi de plusieurs séances. Des frais que la sécurité sociale ne rembourse pas. “Les personnes qui viennent [du reste] de la Robertsau ont un niveau de vie plus élevé que ceux de la Cité de l’Ill par exemple”, déclare Isabelle Camisan, sophrologue depuis 2018. À l’image de la majorité des praticiens, son cabinet est situé non loin de la rue Boecklin. Dans ce secteur, le revenu disponible médian avoisinait les 29 000 euros par an en 2018 selon l’Insee, soit environ 10 000 euros de plus que sur l’ensemble de Strasbourg. À la Robertsau, un tiers des actifs occupés sont des cadres et professions intellectuelles supérieures.
Développer l’activité en-dehors du cabinet
Dans le quartier, les professionnels du bien-être disposent de plusieurs moyens pour élargir leur offre de soins. L’institut d’esthétique Nanou Beauté est pourvu d’une salle de sport qui accueille une fois par semaine une séance de sophrologie en groupe animée par Isabelle Camisan. Gérante de l’institut, Anne Claret en est persuadée: “Dans dix ans, la sophrologie sera comme le yoga, mais aujourd’hui c’est compliqué d’en vivre.” De son côté, la sophrologue Frédérique Collin intervient à la fois en milieu scolaire comme au collège Jules-Hoffman, mais aussi en entreprise et dans un centre pour le sommeil.
Les thérapeutes se forment continuellement pour enrichir leur catalogue de prestations. Une nécessité pour rester compétitive selon Chantal Acker Marx: “On est plusieurs, mais aucune ne fait la même chose. Il faut se démarquer.” En complément de son diplôme de naturopathe, elle s’est initiée à la maîtrise des fleurs de Bach – élixirs floraux destinés à rétablir l’équilibre émotionnel – ou encore à la technique du massage ayurvédique Shinzu. Sur la page d’accueil de son site, sa consœur Michelle Wahler énumère: “Professeur de yoga, naturopathe ou réflexologue? Les trois mon capitaine! ” Quant à elle, Sabine Joly cumule séances de bio-magnétisme et de coaching en développement personnel.
L’hypnose thérapeutique et la sophrologie sont pratiquées à la clinique Sainte-Anne pour soulager et soutenir les personnes atteintes de cancer. La diffusion de ces techniques passe par la formation des infirmiers et infirmières. Selon Hafida Cordebard, infirmière en oncologie formée à l’hypnose, ces pratiques stimulent “l’adhésion des patients au traitement et donnent donc de meilleurs résultats”.
Suivie à la clinique lors de son cancer du sein, Martine* a eu recours à ces soins sur les conseils de son oncologue. Elle a de nouveau souhaité en bénéficier lorsque son cancer de l’utérus s’est déclaré en 2020. En parallèle de la radiothérapie et de la chimiothérapie, Martine consulte une infirmière formée à la sophrologie et à l’hypnose. Ces séances lui apportent un bien-être psychologique: “Quand on a le cancer, on se sent moche, on se sent malade, et les gens s’éloignent. Les séances sont réconfortantes. On a plus d’estime de soi.” Les consultations sont gratuites car leur financement est assuré par l’Institut national du cancer et le groupe hospitalier Saint-Vincent, dont dépend la clinique.
*Le prénom a été modifié
Isabelle Camisan donne l'une de ses dernières séances chez Nanou Beauté. À partir de janvier 2022, elles auront lieu à l’église protestante de la rue de l’Ill. ©Théo Renault
Camille Aguilé et Théo Renault