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En 2014, le taux d’obésité chez les enfants en grande section de maternelle à la Cité de l’Ill était sept fois plus élevé qu’au centre-ville de Strasbourg. Le dispositif de prévention Preccoss, créé la même année, se heurte aux réticences de la population.

Dans la cour d’école, Babacar a souvent eu affaire aux moqueries: “Avant j’étais une boule. C’était déjà assez difficile comme ça d’assumer mon poids, alors si en plus on en rajoutait une couche avec des insultes...” Aujourd’hui, le collégien de 13 ans se sent mieux dans sa peau grâce à sa perte de poids. Il attribue ce changement au dispositif Preccoss (Prise en charge coordonnée des enfants obèses et en surpoids de  Strasbourg) qu’il a rejoint fin 2019. Ce programme gratuit accompagne les enfants âgés de 3 à 18 ans en situation de surpoids ou d’obésité en proposant des ateliers autour de l’alimentation et de l’activité physique. “On m’a motivé à faire du sport et j’ai appris à aimer les légumes”, lance fièrement l’adolescent de la Cité de l’Ill, qui réclame des aubergines grillées à sa maman depuis qu’il a découvert cette recette lors d’un atelier culinaire animé par Preccoss. Mais depuis mars 2020, Babacar ne se rend plus aux activités du dispositif. “C’était contraignant de faire les déplacements”, reconnaît sa maman. Le garçon d’ajouter: “De ma cité, il n’y avait que moi qui me rendais aux séances en dehors du quartier.”

Des familles souvent réticentes

En 2014, l’Agence régionale de santé diagnostiquait un taux d’obésité en grande section de maternelle sept fois plus élevé à la Cité de l’Ill qu’au centre-ville de Strasbourg. L’année précédente, une étude menée par l’Ireps (Instance régionale d’éducation et de prévention de la santé) révélait un taux d’obésité frôlant les 20% en classe de CE2 à l’école Schwilgué. Doctorante en Sciences humaines et sociales à l’Université de Strasbourg, Marine Grassler a mené une étude sur le surpoids et l’obésité infantile. “Le rapport au corps et à la santé est différent selon la position sociale et la culture d’origine. Dans certaines familles, l'embonpoint est un signe de bonne santé”, explique-t-elle.

 

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Depuis son passage par Preccoss, Babacar s'est réconcilié avec les fruits. ©Louison Leroy 

Vincent Troesch, infirmier en santé publique à la Maison urbaine de santé de la Cité de l’Ill depuis 2018, rencontre des familles souvent réticentes à la prise en charge du surpoids ou de l’obésité de leurs enfants. “Dès qu’on commence à expliquer aux parents que c’est leur responsabilité, ça secoue pas mal. Ils ont le sentiment d’être jugés alors que ce n’est pas le cas”, rapporte-t-il. Loin d’être découragé, l’infirmier travaille à l’élaboration d’un jeu de société autour de l’équilibre alimentaire afin de sensibiliser les habitants. Il pourra également compter sur l’aide d’un médecin nutritionniste, dont l’installation à la Maison urbaine de santé est prévue pour début 2022.

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Les enfants du dispositif Preccoss ont rendez-vous chaque samedi au gymnase du Conseil des XV à Strasbourg pour une séance multisport. Ce jour-là, une seule participante a fait le déplacement depuis la Cité de l'Ill. ©Louison Leroy

 

La Cité de l’Ill boude le dispositif Preccoss

La Cité de l’Ill boude le dispositif Preccoss
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Évolution annuelle du nombre de résidents du quartier de la Cité de l'Ill inscrits au dispositif Precoss. Les trois enfants inscrits en 2021 représentent seulement 1% de l'ensemble des enfants pris en charge dans l'agglomération de Strasbourg. ©Audrey Senecal

 

 

Des ateliers culinaires une fois par mois

La Cité de l’Ill est l’un des premiers quartiers de Strasbourg ciblés par Preccoss lors de sa création en 2014. Une permanence mensuelle dédiée au suivi nutritionnel des enfants s’est installée au cabinet médical de la Cité de l’Ill, sans grand succès, jusqu’à son retrait en 2019. “Les gens ne venaient pas”, regrette Marie Druart, diététicienne à Preccoss, qui souligne la difficulté de s’implanter sur ce territoire: “La Cité de l’Ill c’est très village, très enclavé.” Au total, seuls 44 enfants sur les 972 passés par le dispositif sont issus du quartier. Malgré une faible demande, Preccoss organise toujours des ateliers culinaires une fois par mois, offrant la possibilité aux familles de repartir avec un panier de légumes bio.

  Louison Leroy et Audrey Senecal

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