02 octobre 2019
Avec certaines de ses élèves, Elodie a créé une team de danseuses qui s'est produite lors de la Foire européenne. Photo CUEJ/Judith Barbe.
L'école La Clandestine à la plaine des Bouchers accueille tous les mardis soirs un cours de dancehall queen style et de twerk. L'occasion pour moi de tester cette danse souvent médiatisée, mais peu estimée.
« Beyoncé, c’est toi ! » En sueur, c’est difficile d’y croire. Dans le sous-sol de l’école de danse La Clandestine, Elodie Friess, alias la queen Elodie Nosaure, m’encourage, sur le côté de la salle, pour ma première leçon de dancehall et de twerk qui a commencé trois quarts d’heure plus tôt.
Le dancehall ? « C’est une danse, axée sur le bassin et les mouvements au sol, qui est née dans les années 1980 dans un contexte politique difficile en Jamaïque. Elle a permis aux femmes de donner de la voix. Elle est depuis exclusivement féminine. »
Une quinzaine d’élèves, comme moi, sont alignées face aux miroirs de la salle de danse. Un haut-parleur en forme de cochon crache des notes de reggaeton alors que nous nous étirons. Mais très rapidement arrive l’échauffement. Et le moment que je redoute : celui où il faudra tenter le twerk, une technique très utilisée dans le dancehall queen style et qui demande des muscles que je ne pense pas avoir.
Le twerk ? Une technique de danse, où l'on secoue hanche et fesses dans un mouvement de va-et-vient. Notre instructrice précise : « C'est une technique qui vient de danses traditionnelles africaines. Avec la colonisation, elle avait un peu disparu. Puis c’est réapparu en Louisiane, dans la communauté transgenre noire-américaine. Il faut aller au-delà du "c'est vulgaire" pour comprendre ces aspects sociaux, historiques et culturels. »
Se réapproprier son corps
Accroupie d’abord, debout ensuite : pour chaque position, les mouvements sont différents. Elodie nous décompose les techniques : balancer ses hanches d'avant en arrière, sur les côtés, faire des cercles avec son bassin, utiliser ses cuisses pour que nos fesses soient secouées... La discipline est beaucoup plus physique qu’elle n’en a l’air : déjà, au bout d’une demie-heure, j’ai mal aux cuisses et aux genoux. Certaines des élèves les plus anciennes ont prévu le coup : elles ont pensé aux genouillères. Je me découvre une nouvelle admiration pour Miley Cyrus, Normani ou Nicki Minaj, principales ambassadrices de la pratique.
Pour la chorégraphie du jour qui comprend une vingtaine de mouvements, Elodie a choisi la chanson Already de Beyoncé, sacrée reine du girl power par la pop culture. Car la démarche de Queen Up Yuhself, le projet d’Elodie, s’inscrit aussi dans l’idée de libération du corps des femmes. Et si le cours est entièrement féminin, c'est un choix assumé : « Cela permet de se réapproprier son corps, sans jugement, dans ce cocon qu’on essaie de créer. On veut que ce soit le plus libérateur possible ! ».
Mains sur les hanches, je mets en pratique les mouvements de bassin que nous venons d’apprendre. L’ancienne danseuse que je suis reconnaît quelques pas familiers, d’autres steps me sont complètement inconnus. Et surtout difficiles à retenir quand on danse depuis une heure. Autour de moi, certaines sont tout aussi perdues. L'atmosphère féminine me rassure. Après une dizaine de répétitions de la chorégraphie, les jambes se font de plus en plus lourdes. Tout le monde applaudit : l’heure et demie de cours s’achève, avec des participantes épuisées. Et promises, le surlendemain, à des courbatures tout le long des jambes.
Judith Barbe