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Ma nuit au Studio Saglio

02 octobre 2019

Contrairement aux idées reçues, la Meinau est un quartier où on peut sortir s’amuser le soir. Le Studio Saglio fait partie de ces lieux. J’ai décidé d’aller y faire un tour avec deux potes pour me faire ma propre opinion.

L'espace extérieur est parfait pour entamer des discussions endiablées. /Photo Victor Boutonnat

Vendredi soir, minuit trente passé. Porte de l’Hôpital. J’ai réussi à choper le dernier tram direction le Studio Saglio. Maxime et Robin m’accompagnent pour une soirée qu’on espère trépidante. Le trajet est émaillé par le rap scabreux d’Alkpote, tout droit sorti du portable de Robin. Les gens nous regardent un peu de travers mais on fait comme si de rien n’était. Quinze minutes plus tard, nous sommes les seuls à descendre à l’arrêt Emile-Mathis. Ça commence bien…

On prend à droite sur la rue Saglio déserte à cette heure-ci et plongée dans la pénombre. Difficile d’imaginer qu’une boîte de nuit bouillonne à quelques centaines de mètres. Des portières claquent, quatre fêtards descendent de voiture tous bien habillés. « On va jamais rentrer sapés comme ça », lance Robin en regardant nos baskets et nos t-shirts.

A quelques mètres du but, le bruit des basses commence à se faire entendre. Sur notre droite, l’entrée se dévoile. Trois videurs se tiennent devant, pas vraiment débordés. Et pour cause, il n’y a personne. Pas très motivant, mais au moins je peux rentrer en sweat, en m’acquittant de 15 euros. A l’intérieur, on est 15 maximum ! Maxime s’essaye au faux piano installé à côté des toilettes. Genoux à terre, il nous offre sa plus belle prestation de air-piano. « J’ai bossé avec John Lennon. Mais une fois qu’il est mort j’ai pris mon envol et je suis parti bosser solo », ironise un gars qui passe à côté.

DJ, vodka-Redbull et techno

N’ayant pas encore le courage d’affronter la salle vide, nous nous dirigeons vers le grand espace extérieur parsemé de verdure et qui sert de fumoir. Il est plus rempli que la salle. Un gars aux cheveux longs et à la barbe hirsute demande du feu à notre table. Surprise, c’est Skullz, l’un des DJ de la soirée. Il vient d’emménager à Bruxelles car « la scène techno est importante là-bas ». C’est la première fois qu’il vient à Strasbourg et avec lui se trouve Mecou Yenski, lui aussi DJ, qui clôturera la soirée. « On s’est rencontrés grâce à ma copine parce qu’elle écoutait sa musique sur Soundclound. Maintenant on est grave potes, donc merci à ma meuf. »

Le nouveau Frédéric Chopin s'essaye au (faux) piano. /Photo Victor Boutonnat

1h10, direction l’intérieur pour s’imprégner de l’ambiance. La salle ressemble plus à une salle de concert qu’à une boîte de nuit. On marche sur du parquet, encore épargné par l’alcool, dans une pièce tout en longueur. A l’avant, la scène du DJ, entourée de deux grosses sonos ; au fond, le bar. Bon, faut commencer à enquiller. Huit euros le verre de vodka-Redbull sans compter l’euro pour le verre consigné. En échange, un très beau jeton qui finira directement au fond de notre poche jusqu'au lendemain.

Joshua, 23 ans, fait voler ses dreads sur la piste de danse. Strasbourgeois de naissance, c’est un habitué du Studio. « Dès qu’on veut de la techno, on vient ici. Dans le centre, on est assez limité par l’offre. Y a que la Kulture qui organise parfois des soirées cool. » Et le Kalt, la plus grosse boîte de la Meinau, à 20 minutes à pied ? « La qualité du son est meilleure ici. Au Kalt, c’est vite saturé et ça ressemble vraiment à l’usine parfois. Ici il faut bien choisir ses soirées. Ce soir, par exemple, ce sera pas plein. Mais on va quand même s’amuser. »

Petit tour dans les backstages

Un homme plus âgé que la moyenne des fêtards vadrouille entre le bar et les tables extérieures. Affublé d’un polo noir et la mine renfrognée, Richard Hirstel est le gérant du Studio. « Au début, j’avais des doutes sur la réussite du Studio parce qu’on n’est pas facilement accessible. Mais les gens n’ont pas peur de venir ici. » Il revendique une clientèle « plus familiale que dans le centre. Les mecs viennent ici pour s’amuser et pas pour draguer. C’est la programmation et la qualité du son qui attirent les gens ». On se serre la main bons amis, mais on n'est pas encore assez intimes pour qu'il m'offre un shooter — faut pas déconner.

Entre-temps, la salle s’est partiellement remplie, et il faut se frayer un chemin pour rejoindre les premiers rangs sur la piste. Skullz, entouré d’un halo bleu, fait bouger ses platines. Techno, trance… Il balance ses sets en toute décontraction. Les néons alternent entre le violet et le vert. Certains s’accrochent à la scène du DJ, en attente d’un signe de reconnaissance désespéré. Ce ne sont pas des groupies, seulement Robin et quelques autres gars qui veulent taper dans la main de Skullz. Leur vœu sera exaucé.

Je balaye la salle du regard et constate que le public est surtout composé de mecs. Peu de meufs à l'horizon. Aussi, tout le monde est en t-shirt, il ne devait pas y avoir de sélection à l’entrée, en fait. Je me retrouve poussé dans les backstages, accessibles à droite de la scène, avec Robin, toujours dans les mauvais coups. A peine le temps d’observer ce qui nous entoure que dans un éclair lucidité on revient dans la salle.

Après un énième verre, je croise un certain Nino, très reconnaissable à sa moustache façon Freddie Mercury et sa boucle d’oreille. « Venir ici c’est la solution de facilité car j’habite à la Meinau et je sais que je vais m’amuser. J’en ai marre d’aller dans le centre. Ici on n'étouffe pas et l’extérieur est vraiment cool. » Et Nino est un téméraire, il travaille le lendemain. « J’aime vivre dans le danger », lance-t-il pince sans rire.

Il est presque 5h, la boîte ferme dans une heure mais on est claqués. Uber sera notre ami pour le trajet retour. Fatigués mais au final plutôt contents de cette première expérience à la Meinau. A retenter.

Victor Boutonnat

 

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